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Châteaubriant, baronnie, ville et paroisse



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Chapitre II

Les derniers barons de la Maison de Chateaubriant

1206-1383.




Geoffroy III inaugurait son gouvernement aux premières années de ce XIIIe siècle, si fécond en grandes choses. Alors apparaissent en Bretagne Saint Louis et Pierre Mauclerc, deux vaillants guerriers dont le courage alla jusqu'à l'héroïsme, mais dont la conduite politique si différente fit du premier le modèle des rois, et du second un homme habile, mais un prince détesté. Quatre longs gouvernements remplirent, à Châteaubriant, toute cette période du XIIIe siècle ; de ces quatre barons, les deux premiers furent les plus célèbres : l'un fut l'ami de Pierre Mauclerc, l'autre le fidèle serviteur de Saint-Louis. Le premier acte de la vie publique de Geoffroy III fut une pieuse fondation.

Au XIe siècle, au temps d'Almod, abbé de Redon, une pauvre veuve, nommée Orhant, donna au prieuré de Juigné, dépendant de l'abbaye de Saint-Sauveur (1), la métairie de la Primaudière, située au bord d'un petit ruisseau, dans la forêt de Juigné. Ce ruisseau séparait, dès cette époque, la Bretagne de l'Anjou, de sorte que la Primaudière dépendait en partie de la paroisse de Juigné, sous la baronnie de Châteaubriant, et en partie de la seigneurie de Pouancé. Il paraît que les moines de Redon ne conservèrent pas la Primaudière ; car, en 1207, Châteaubriant vit une grande et noble assemblée se réunir dans ses murs et disposer de cette terre. Autour du nouveau baron Geoffroy III, se groupaient Geffroy, évêque de Nantes, et Guillaume, évêque d'Angers, Guillaume de La Guerche, seigneur de Pouancé, et dix autres chevaliers. Ce Guillaume de La Guerche était l'arrière-petit-fils de Guillaume de Châteaubriant, dit de La Guerche, dont nous avons précédemment parlé.

Les deux seigneurs de Châteaubriant et de Pouancé étaient dont parents, et ils cimentèrent leur alliance par une fondation commune en faveur des chanoines réguliers de l'abbaye de Grammont, dont l'ordre fut fondé par Saint Etienne, vers 1076, aux environs de Limoges. Geoffroy et Guillaume donnèrent à ces religieux la terre de la Primaudière avec un bois voisin, et le droit d'usage dans la forêt de Juigné ; ils y joignirent leurs droits sur cinq bourgeois de Châteaubriant, Pouancé, Ségré, La Guerche et Martigné, et 35 livres de rente annuelle. Les évêques de Nantes et d'Angers s'empressèrent d'approuver la fondation de ce nouveau monastère (2). Cette fondation se fit en l'an 1207.

Mais il fallut bientôt au jeune baron de Châteaubriand saisir les armes et gagner l'armée ; il avait hérité de la haine de son père contre les Anglais et leurs alliés ; aussi n'est-il pas étonnant de le voir prendre part à la guerre que soutenait alors contre eux le roi de France. L'historien Mazas nous raconte, en effet, que Geoffroy III conduisit avec d'autres seigneurs bretons 3,000 hommes de troupes à Philippe-Auguste, et qu'il contribua vaillamment ainsi au succès de la mémorable bataille de Bouvines (3).

De retour en Bretagne, le seigneur de Châteaubriant continua ses oeuvres pies. En 1217, il confirma toutes les donations faites par ses ancêtres à Béré ; et, deux ans plus tard, il donna aux mêmes moines de Saint-Sauveur le Moulin-Neuf, en Piré. Puis, en 1221, il fonda la chapelle de Notre-Damede-Teillay, à peu de distance du château du même nom ; il y établit un chapelain nommé Guischard, auquel il donna 100 sols de rente sur ses revenus de Bain, Messac et Ercé, et, en outre, une robe chaque année, le jour de la Nativité de la Sainte-Vierge, ou 60 sols à défaut de la robe (4).

Pendant que Geoffroy III s'occupait ainsi de pieuses fondations, l'ennemi entrait en armes dans sa seigneurie. Pierre Mauclerc, duc de Bretagne, dont la vie fut une lutte continue tantôt contre ses barons, tantôt contre ses évêques, était alors en guerre ouverte contre les seigneurs du pays de Léon. Au moment même où le duc s'apprêtait à les réduire à l'obéissance en gagnant la Basse-Bretagne, les seigneurs angevins, conduits par Amaury de Craon et alliés des rebelles, entraient, pour faire diversion, dans la Haute Bretagne. Ils commencèrent par ravager les terres du baron de Châteaubriant et de son parent, le seigneur de La Guerche. Geoffroy III passait, en effet, pour être l'un des plus fidèles serviteurs de Mauclerc. Les Angevins, aidés par des Normands et des Manceaux, pillèrent tous les environs de Châteaubriant et finirent par s'emparer de cette place, aussi bien que de La Guerche. A la nouvelle de ces désastres, le duc de Bretagne accourut avec de nombreuses troupes au secours de son fidèle vassal. Un grand combat se livra sur les hauteurs de Béré, entre les troupes ducales et celles des barons révoltés. Ce fut une terrible journée que cette bataille de Châteaubriant : « le combat et chamaillis, dit d'Argentré, se commença fort et ferme et ne s'épargnèrent point, en telle sorte qu'il en fut tué par terre bon nombre, force chevaux blessés et les gens de cheval démontés. C'était mêmes armes, même sang, même cœur ; la terre fut incontinent couverte d'hommes morts (5) » Pierre Mauclerc remporta une victoire complète ; les principaux chefs ennemis furent faits prisonniers, et les barons du Léonais durent eux-mêmes, peu de temps après, faire la paix avec leur suzerain ; quant à notre Geoffroy, il rentra victorieux dans sa ville de Châteaubriant (1223).

Cependant les ravages que causa cette malheureuse guerre civile s'étendirent jusque dans la solitude de la forêt de Teillay ; à quelque distance de la chapelle qu'avait élevée Geoffroy III en l'honneur de Notre-Dame, existait un monastère de femmes, dépendant de l'abbaye des bénédictines de Saint-Sulpice, près Rennes. Ce couvent, dédié à saint Malo, était fort ancien et avait beaucoup reçu des seigneurs de Châteaubriant. Geoffroy III avait en particulier donné à la prieure une forge ambulante dans sa forêt de Teillay ; mais après les dévastations faites par l'ennemi à Teillay, le seigneur de Châteaubriant pria les religieuses de Saint-Malo de vouloir bien transporter cette forge, pendant un an, dans sa forêt de Juigné ; elles y consentirent, et au bout du temps convenu, Geoffroy III fit rapporter la forge à Teillay (6)« pour y demeurer à jamais pour l'usage d'icelles dames (7). »

Vers cette même époque, Pierre Mauclerc, voulant garantir la Bretagne d'une nouvelle invasion étrangère, construisit la forteresse de Saint-Aubin-du-Cormier. - A cette occasion, il réunit ses grands vassaux à Nantes, et parmi eux figurèrent notre Geoffroy, seigneur de Châteaubriant, et son parent, Brient Le Bœuf, seigneur d'Issé. Ces deux chevaliers se trouvaient souvent ensemble dans les grandes circonstances.

Déjà, en 1214, ils avaient confirmé de concert les donations d'Olivier de Châteaufromont à l'abbaye de Notre-Dame de Melleray, voisine de Châteaubriant et d'Issé (8).







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