Janvier 2023 : Cet ouvrage vient d'être réédité, en tirage à la demande. Il s'agit d'une nouvelle édition entièrement recomposée, identique à l'édition originale, et non d'un fac-similé de mauvaise qualité. L'ouvrage de 370 pages est disponible en grand format (18x25cm) en version brochée (couverture souple), en version reliée (couverture rigide), ou bien en 4 petits fascicules à prix étudié, reprenant chacun une des quatre grandes parties de l'ouvrage). Une version Kindle est également disponible.

L'objectif de cette réédition était uniquement de proposer une lecture plus facile et agréable, et pour cela, l'ouvrage a entièrement été remis en page. Pour aider le lecteur à actualiser ses connaissances, une bibliographie mise à jour a été ajouté.

Châteaubriant, baronnie, ville et paroisse



Accueil
Section Première (suite)




Maintenant, il nous faut rapprocher de cette mention un passage des mémoires du doyen Blays, afin de connaître la source d'un don qui, par sa nature, le temps où il a été fait et sa valeur, paraît, en effet, assez extraordinaire et avoir surpassé la fortune de celui qui le fit. Voici les paroles du doyen Blays :

« Obit fondé le lundi de Pasques pour Angelot et Françoise Guerrier, ayeuls des Bourdons, payé par la fabrice. L'ancienne tradition du pays est que Jan de Laval, après la mort de Françoise de Foix, arrivée quelque temps après son retour de Paris, où quelques historiens disent qu'elle avait passé deux ans avec François premier, et qui même n'était pas arrivée sans soupçon de quelque violence, comme on le dit, il avait ordonné que l'on jettast au feu ses vestements aussi bien que ses meubles, et qu'Angelot Blanchet, son tailleur et favori, en ayant eu la commission, au lieu de brusler les vestements de drap d'or fort précieux quelle avait apportés à la cour, il les réserva adroitement et les donna à la paroisse qui en fist faire une chapelle entière, sçavoir, chasuble, tuniques, chappe fort grande et un devant d'autel…. et qu'en reconnaissance, la paroisse avait ordonné un obit à perpétuité pour le salut de son âme…aussi ne voit-on point dans les papiers des comptes ny archives de fondation faite par luy. »

Il nous reste à donner l'inventaire d'une autre sorte d'objets qu'on ne s'attend guères à voir figurer dans la pacifique nomenclature du mobilier de l'église ; nous voulons parler des armes de la paroisse.

Amis lecteurs, rassurez-vous, l'arsenal dont il est ici question n'était nullement redoutable ; il est même très-probable que les paroissiens ne s'en sont jamais servi. Voici ce que nous trouvons dans les comptes de nos procureurs, à l'année 1568 :

Inventaire des armes appartenant aux paroissiens des champs.

Deulx vieux corcelets brunys avecques deux faillys courrayes, sans ceinture.

Troys faillys morions (dont deux disparurent promptement).

Une harquebuse à mèsche, ayant le fouyer rompu, avec un patin et une verge, sans courraye.

Une pique.

Une hallebarde.

Deulx espées avecqs leurs fourreaulx, l'un desquels est rompu et l'espée espointée.

Une dague avec un fourreau.

Pour expliquer la présence de ces armes inoffensives parmi le mobilier de la paroisse, il est nécessaire de remarquer d'abord qu'on les trouve pour la première fois inventoriées à l'année 1568 ; ensuite, que depuis plusieurs années déjà le protestantisme avait fait son apparition en Bretagne, et qu'il avait signalé son passage à Châteaubriant par des violences dont les registres paroissiaux ont conservé le souvenir. Ils nous apprennent que le « dimanche, 21e jour de mars 1562, Monsieur de Rohan passa par la ville de Châteaubriant et que les prestres étaient fuis….que quatre jours après, nos proc. fabriq. craignant tout de la part de ces hôtes dangereux, s'étaient mis en frais et s'étaient donné beaucoup de mouvement pour oster et meptre hors de la voye des ennemys les ornemens, joyaulx et argenterie de lad. paroisse. »

Telle était la crainte qu'inspiraient les calvinistes, que l'on avait enfoui en terre et sans aucune précaution la croix de la paroisse ; il fallut payer 5 livres 8 sous tourn. pour la faire reblanchir à Rennes.

En 1569, le pays est toujours en craintes ; les procureurs déclarent ne pas répondre des ornements, joyaux et trésors de la paroisse, à cause des guerres et incursions des ennemis de nostre religion, et, à ce propos, Françoyse Guerrier, veuve de F. Bourdon, se présente, déclarant qu'elle retient en sa garde la magnifique chapelle donnée par Angelot Blanchet, mais qu'elle la présentera selon que le requièreront les fabricqueurs pour le service divin.

Enfin, et comme dernière preuve des dilapidations et profanations qui durent être exercées dans nos églises pendant la temps que Châteaubriant fut au pouvoir des royalistes, « le grand calice d'argent doré, qui se démonte à vis en deux pièces, la cuve par dehors faite à feillage et raïons en boce, lequel a été cy-devant remis à la fabrice avec sa plattaine aussi doré…. avait été, puis peu de temps, faict redorer et bénir aux frais de vénérable femme Anne Sesbouez, veuve de deffunct sire Mathurin Ronzerain, son dernier mari, d'autant qu'il avait contaminé et pollué par les gens de guerre, durant les derniers troubles. » Cette déclaration est de 1601.

Pour en revenir aux armes dont nous avons donné l'inventaire, on peut supposer, et avec toute vraisemblance, qu'elles avaient été prises sur des soldats huguenots blessés ou tués dans la campagne, comme il n'arrivait malheureusement que trop souvent, et déposées par les paysans entre les mains des procureurs-fabriqueurs, gardiens naturels de la chose publique, et non avec une intention de résistance : le mauvais état dans lequel nous trouvons ces armes, tout d'abord, ne permet pas de le croire.

Les troubles religieux causèrent nécessairement une grande perturbation dans l'exercice du culte ; à Béré, surtout, où l'église, assez éloignée de la ville, était plus exposée aux insultes des calvinistes et des soldats du parti du roi. Aussi la vente hebdomadaire des produits du pays offerts à l'Eglise, vente qui faisait la principale ressource de la fabrique, va en diminuant sensiblement et même disparaît pendant plusieurs années ; les rentes dues à l'Eglise sont mal payées ; le commerce dépérit ; les charges augmentent avec la guerre ; pour y satisfaire, les administrateurs paroissiaux ne trouvent pas d'autres moyens que de vendre ou engager les vases sacrés. C'est ce qu'ils firent en l'année 1568 ; ils vendirent un calice d'argent doré pour 32 livres tournois, afin de rembourser Jullien Barrat de la somme de 26 livres 17 sols 6 deniers qu'il avait avancée pour le payement de la taxe des cloches de cette paroisse. L'année suivante, un autre calice fut vendu ; et un troisième, - c'était l'un des plus beaux, - engagé au sieur Anthoine Aubin, du consentement de la plupart des habitants, pour la somme de 55 livres tournois par lui baillés pour la conduite du pyonnier ( ?). Mais l'année suivante 1570, il fut racheté. La pièce du Sauzay, en Soudan, allait être vendue, sous prétexte qu'elle ne rapportait pas assez de rentes (12 sols). Un homme de bien, touché de l'extrême nécessité où se trouvait la fabrique, lui conserva l'immeuble en lui donnant 17 livres, c'est-à-dire le prix qu'il eût pu être vendu, à condition toutefois que la paroisse s'engageât à faire sonner le tout des cloches de l'église parrochiale de Béré et de Saint-Nicolas, depuis le partir des processions du Sacre et de l'Octave jusqu'au finissement d'icelles. La paroisse qui, paraît-il, avait été forcée de contracter un emprunt, accepta avec reconnaissance ce don de M. Geoffroy Jumel, prêtre de l'église Saint-Nicolas, 1571. Tout ceci indique une grande détresse.

Avant d'arriver au chapitre, où nous devons traiter de l'administration spirituelle de la paroisse, disons quelque chose de certaines coutumes usitées à Béré, dans ces siècles où la foi donnait aux chrétiens un courage que nous confessons humblement nous manquer aujourd'hui.

1° Béré, ainsi qu'il se pratiquait dans les diocèses qui comprenaient les Armoriques, Béré faisait l'aguilanneuf, mot qui, mieux orthographié, s'écrit gui-l'an-neuf. C'était l'usage des Druides, au premier jour de l'an, d'aller dans les forêts cueillir le gui-de-chêne, et, quand ils l'avaient trouvé, de courir tout joyeux à travers les campagnes, criant de toutes leurs forces : au gui, l'an neuf ! La quête qui porte ce nom n'a pas une autre origine. Elle était faite par nos marguilliers qui allaient dans tous les ménages de la campagne et de la ville, recevant les objets qu'on leur offrait et dont la vente était consacrée au luminaire de l'église, particulièrement au luminaire de la fête de la Chandeleur. Le doyen Blays se plaint, dans ses mémoires, que cette quête fût tombée par la négligence des marguilliers qui, disait-il, ne voulaient plus s'en donner la peine. Nous croyons plutôt qu'elle fut proscrite en 1688, à cause des excès qui s'y commettaient. Il paraît qu'elle se faisait par une troupe de jeunes gens qui se faisaient accompagner de vèzes, tambours, violons, etc., et que leurs chansons n'étaient pas des cantiques. Malgré ce qu'en dit l'auteur de nos mémoires, la guy-l'an-neuf se faisait de son temps et se fit longtemps après lui. Un nouvel arrêt de la cour, en date du 4 décembre 1732, étant venu renouveler la défense de faire cette quête, la paroisse, qui était fort pauvre, réclama auprès de l'évêque de Nantes qui la toléra, à condition qu'elle se ferait sans fanfares ni aucun appareil de ce genre, et qu'on y suivrait en tout l'esprit de l'arrêt du Parlement. En effet, les deux marguilliers en charge firent la quête dans la ville un jour seulement, et le marguillier des champs dut prendre avec lui d'honnêtes gens pour la faire d'une manière modeste, sans tambour ni trompette. Mais comme on prévoyait que la quête ainsi faite ne suffirait plis à entretenir le luxe de cierges qu'on déployait ordinairement, surtout à la fête de la Purification, où tout le peuple devait avoir des cierges, le général des paroissiens régla qu'à l'avenir il ne serait mis que deux cierges sur le maître autel, aux fêtes ordinaires, quatre aux dimanches, et six aux fêtes solennelles, sans qu'il pût en être mis aux autres autels.

Ainsi, malgré les abus et les arrêts du Parlement, la guy-an-neuf continua d'être faite presque jusqu'en 1762, où nous la trouvons tout-à-fait abolie. Elle continua de se faire dans un grand nombre de paroisses voisines de Saint-Jean. Il eût été fâcheux que Béré, qui avait tant de peine à faire ses affaires, fût privé de ce revenu ; car parfois on obtenait un résultat satisfaisant, comme le prouve le procès-verbal suivant :

« Le sabmedy, 27e jour de juing 1592, fut baptisé en la chapelle de Saint-Nycollas de Châteaubriant une cloche, achaptée par aucuns habitants allant à l'haguilanleuf, et dédiée au dosme de ladite chapelle, pour le son des messes qui y seront chascun jour célébrées. De laquelle cloche furent parrains Marquis, cappitaine de 60 harquebusiers, et Jullien Raguydeau, et icelle nommée Pierre. Laquelle tout à l'instant fut montée audict dosme, où étaient présents et assistants, lesdicts habitans soubsignés ; de quoi pour souvenance et mémoire, en fust faict le présent escript au livre de la fabrice de ladite paroisse. Et fust ladite cloche achaptée des deniers provenans que lesdicts soubsignés eurent et leur furent donnés par les habitants et plusieurs aultres notables, pour avoir chanté Nouël à haguylanleuf, la vigille de Nouël dernier.

Signé : Huet, président de la compaignie ;

Daguyn, greffier.

Raguydeau, Sesbouez, Aubin, Bouschet, Ronzain, Touppelin, Felot, Nepveu (1).





Compteur