Janvier 2023 : Cet ouvrage vient d'être réédité, en tirage à la demande. Il s'agit d'une nouvelle édition entièrement recomposée, identique à l'édition originale, et non d'un fac-similé de mauvaise qualité. L'ouvrage de 370 pages est disponible en grand format (18x25cm) en version brochée (couverture souple), en version reliée (couverture rigide), ou bien en 4 petits fascicules à prix étudié, reprenant chacun une des quatre grandes parties de l'ouvrage). Une version Kindle est également disponible.

L'objectif de cette réédition était uniquement de proposer une lecture plus facile et agréable, et pour cela, l'ouvrage a entièrement été remis en page. Pour aider le lecteur à actualiser ses connaissances, une bibliographie mise à jour a été ajouté.

Châteaubriant, baronnie, ville et paroisse



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Chapitre II (suite)




23 juin. – La nouvelle et les instructions dont elle était accompagnée arrivèrent à Châteaubriant le jour même de la Fête-Dieu. A l'issue de la procession, à laquelle avaient assisté tous les corps administratifs et la garde nationale, la municipalité tint une séance dans laquelle, sous le coup d'une frayeur dont personne ne se rendait compte, on adopta ces mesures de rigueur.

Des visites domiciliaires sont faites chez tous les nobles. La garde nationale et la gendarmerie courent arrêter MM. Bedard, doyen de Béré, Peuriot, de Fermon, Bernard et Martin, prêtres, et Besnier, clerc tonsuré. Des détachements d'officiers et soldats de la garde nationale sont envoyés à la Meilleraye, pour arrêter et incarcérer M. Bellanger, curé réfractaire ; d'autres à Noyal, pour s'assurer du curé, M. Berthelot, qui parvint à échapper à leurs recherches. On fait de même à Rougé, contre M. Guihéneuc, et à Sion, où M. Rohart et son vicaire réussissent à s'esquiver.

Bien d'autres personnes sont victimes de cette panique dans la ville et les environs, entr'autres MM. Thomas père et fils, de Sion, Rodrigue, juge de paix, et Rossignol, procureur de la même commune. Enfin, pour mieux découvrir les ennemis de la Révolution, on fait une descente au bureau de la poste ; on y saisit les lettres adressées à ceux dont on suspecte le patriotisme, et on les leur fait lire en présence de plusieurs magistrats et officiers de la garde nationale.

Mais l'arrestation du roi à Varennes et la nouvelle de son retour ramenèrent promptement le calme dans les esprits, et les invitèrent à se relâcher des rigueurs auxquelles ils venaient de se porter. La détention de plusieurs pères de famille excita la compassion. Cependant on ne relâcha les nobles et les prêtres que lorsqu'on eut procédé à une visite domiciliaire et fouillé dans leurs papiers, pour s'assurer qu'ils n'avaient point ourdi de complots criminels contre la Constitution.

Cependant, M. de Fermon, prêtre non assermenté, fortement compromis par une lettre d'un de ses écoliers, n'obtint son élargissement qu'à grand'peine et seulement sous la caution de son frère.

Dans le même temps, une autre lettre, écrite de Pontchâteau à M. Bedard, compromettait gravement le digne doyen : il fut décrété d'arrestation et mis en prison. Après quelques mois de détention, il fut mis en liberté ; il en profita pour se rendre à Redon, où il s'embarqua pour l'Espagne sur le vaisseau la Constitution, avec MM. Bernard-Tertrais, vicaire de la Chapelle-Glain, Caris, curé de Rougé, et plusieurs autres ecclésiastiques du pays. – Octobre 1792.

Les deux derniers religieux Trinitaires disparaissent aussi ; c'étaient Joseph Marichal, de Metz, âgé de 33 ans, et Jean-Baptiste-Guy Bâlé, né à Senones (Ille-et-Vilaine), âgé de 58 ans. Ils habitèrent quelque temps sous les murs de leur communauté et se dispersèrent en 1791 (1). On ne sait ce que devint M. Marichal : le second mourut en son pays, en 1793, au milieu de la campagne, sous les coups des farouches révolutionnaires de la contrée.

En historien fidèle, nous devons faire connaître comment furent accueillis les curés constitutionnels, pas les paroisses qui avoisinent Châteaubriant. Ces populations religieuses n'eurent par besoin d'entendre la voix des vrais pasteurs, pour leur montrer de quel côté se trouvaient le bon droit et la fidélité au devoir. Leurs âmes, naturellement chrétiennes, distinguèrent sans peine les vrais pasteurs dans les prêtres qui préféraient le pain de l'aumône, l'abandon de leurs bénéfices, la persécution, les prisons, l'exil et la mort, à une lâche apostasie pour complaire aux puissances de la terre. Et lors même qu'ils n'auraient pu dire en quoi consistait la prévarication des jureurs les plus ignorants ne purent s'y tromper, quand ils virent la conduite de ces derniers, leurs coupables faiblesses, les excès et les scandales de tous genres auxquels la plupart d'entre eux se laissèrent aller. Toutes les âmes honnêtes s'indignèrent de voir à leur tête de tels pasteurs, accusateurs publics de leurs ouailles, loups dévorants des brebis qu'ils devaient faire paître et garder. La répulsion fut générale : Rougé, Erbray, Saint-Julien, Issé, Moisdon, les Auverné, se distinguèrent particulièrement contre les jureurs qu'on leur avait envoyés de par la loi. Toutes ces communes semblaient s'être donné le mot pour chasser en un même jour les intrus. Dès le mois de mars de cette année, c'est-à-dire quelques mois seulement après leur installation, commença une insurrection qui alla croissant jusqu'aux premiers jours de septembre, où elle prit des proportions effrayantes pour les patriotes. Presque partout les paroissiens prirent les armes et forcèrent les curés de la Constitution civile de déloger ; plusieurs mêmes furent maltraités : Châteaubriant devint leur refuge. Ils n'y étaient guère plus en sûreté, car Turoche, indigne successeur de M. Bedard, avait failli être, lui aussi, victime de l'émeute populaire du 4 septembre. Ce jour, qui était un dimanche, pendant qu'il célébrait la messe du matin, plus de douze cents personnes, hommes et femmes de la ville et de la campagne, se réunirent sur la place de l'Eglise et criaient qu'on leur rendît leurs prêtres, qu'ils voulaient de la messe et qu'ils en auraient. Les têtes s'échauffaient ; les propos devenaient séditieux et menaçants : « il y assez longtemps qu'ils sont les maîtres (les patriotes), il faut que cela finisse. – Ils brûlent les bons décrets et ne nous montrent que les mauvais. » Lorsque Turoche, sortant de l'église, se trouva au milieu de cet attroupement, il courut un véritable danger : il fallut que les gendarmes le protégeâssent pendant le long trajet qu'il avait à parcourir pour se rendre à Béré. – On emprisonna une demi-douzaine des plus exaltés ; on entendit une trentaine de témoins ; mais on finit par user d'indulgence en les élargissant.

La religion en péril, les prêtres fidèles persécutés, telle était la principale cause des mouvements qui agitaient tout le district. Si la municipalité de Châteaubriant qui, à cette époque, ne brillait pas par une haute intelligence, avait pu l'ignorer, un fanatique du jour se chargea de le lui apprendre. Au nom de la Société des amis de la Constitution, il vint lui déclarer « qu'une révolte générale des mécontents de la ville et de tout le district devait éclater le 8 du présent mois, afin de chasser les prêtres assermentés. Rougé, Erbray, avaient déjà eu leurs insurrections ; Auverné, Sion, etc… étaient dans les pareils troubles ; que le mouvement général devait se porter sur Châteaubriant, où la garde nationale se trouvait divisée en deux partis, et que les corps administratifs n'en seraient pas maîtres : d'où il pouvait résulter le renversement du nouvel état de choses ; que cette fermentation universelle n'était occasionnée que par des prêtres factieux, ayant à leur disposition les malintentionnés et les âmes faibles ; parmi ces prêtres, c'étaient MM. Peuriot et Bernard, qui n'avaient qu'un mot à donner à tous les affidés, lesquels se répendaient chez tous les habitants, pour les prévenir du jour ou du lieu où ils diraient leurs messes, auxquelles assistaient un grand nombre de personnes, tandis que celles des prêtres assermentés se disaient dans un désert. Le fanatisme est monté à un tel point dans cette ville et les campagnes voisines, que le bruit public et les révélations particulières ne permettent pas de douter que la plus violente insurrection se fera ressentir jeudi prochain, 8 de ce mois, à Châteaubriant, si la municipalité ne la prévient par des précautions sages et prudentes ; que le meilleur moyen d'arrêter le mal dans sa racine était d'éloigner les sieurs Peuriot et Bernard. »

Cette mesure violente fut, en effet, adoptée, et ces Messieurs furent transportés sous bonne et sûre garde à Nantes.

Le nombre des prêtres assermentés fut petit dans ce district. Sur les 26 paroisses (2) qui le composaient, et sur les 80 ecclésiastiques qui les desservaient, l'on n'en comptait que 7 seulement au 18 février 1791, et le 2 avril, le directoire du district recevait 22 procès-verbaux de 22 communes où le serment avait été refusé.

Voici les noms de ceux qui se soumirent tout d'abord à la loi :
Crespel, curé, et Maillard, vicaire, à Derval.
Lemonnier, curé, et Richard, vicaire, à Louisfert.
Guillier, curé-prieur de la Chapelle-Glain.
Doullo, curé, et Brossais, vicaire à Mouais.

Puis plus tard :
Chevriau, curé (3), et Derennes, vicaire, à Abbaretz.
Bernard, curé de Treffieux.
Denis, à Lusanger.

Le 25 mars, M. Berthelot, curé de Noyal, que son intelligence avait fait élire membre du directoire, fit un sermon qui fut traité de séditieux et qui lui mérita d'être suspendu de ses fonctions. Quelques jours après, il envoyait sa démission. Il émigra en Angleterre.

M. Le Métayer, curé de Saint-Aubin, qui dit sa messe à Béré pendant quelque temps, reçut ordre de se retirer à Nantes. Le courageux prêtre ne put se résoudre à s'éloigner de Châteaubriant, où il avait sa famille. Il vécut retiré au faubourg de la Torche jusqu'au 24 février 1792, jour où il fut saisi et mis en prison avec son confrère, M. Fouché, pour être envoyé au département.

Le 2 juillet, une lettre du prieur de Juigné, adressée à une religieuse de Pouancé, donna lieu à des poursuites contre son auteur. Il fut jeté en prison et se trouva compagnon de captivité de M. Martin, curé de Saint-Vincent.







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