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21 janvier 1790. - Un comité de subsistance est formé pour distribuer, chaque mois, de l'argent aux pauvres.
29 janvier 1790. - Une adresse de la ville de Nantes invite celle de Châteaubriant à nommer des députés pour se rendre à Pontivy le 15 février : MM . Jallot de la Ferrière, Delourmel et Lejeune sont nommés à cet effet.
Fort des décrets de l'Assemblée nationale, le Conseil de la commune se substitue à toutes les administrations qui ne relevaient pas encore d'elle.
C'est ainsi qu'elle notifie au bureau de l'hôpital et à M. Dupin de la Ferrière, dernier père des pauvres (1), que le Conseil de la commune a seul le droit d'administrer l'hôpital, et qu'il s'en charge à l'avenir. - De même, elle fait connaître aux marguilliers en charge que le corps municipal administrera désormais les biens et revenus de la paroisse. Elle nomme pour marguilliers d'honneur MM. Jamain et Louis Pelicot Métayer.
Jaloux des privilèges déjà conquis, et craignant tout ce qui pouvait les troubler dans le paisible exercice de leur souveraineté, les représentants de la commune, avertis de l'arrivée prochaine de plusieurs citoyens peu favorables à l'heureuse révolution qui venait de s'opérer, arrêtèrent qu'ils ne recevraient dans leurs murs aucun des ci-devant privilégiés qui n'auraient pas préalablement abjuré le serment téméraire prononcé en divers lieux et villes de la province, prêté le serment civique devant le Conseil général de la commune, et promis d'arborer le signe de la liberté, la cocarde nationale.
De pareilles mesures étaient plus propres à irriter qu'à rapprocher les esprits. Il est facile de remarquer la tendance des amis de la liberté à exclure du paradis de la nouvelle révolution ces prêtres et ces nobles à qui ils ont voué une haine que la mort même ne pourra éteindre.
12 février 1790. - Quant au peuple, l'exercice des libertés déjà acquises lui avait ouvert un appétit démesuré pour des libertés plus grandes encore. Il suffisait de quelques citoyens pour provoquer une assemblée de la commune. Dans une de ces assemblées, tenue le 12 février, il fut demandé : 1° que tout citoyen, de quelque âge et condition qu'il fût, à l'exception des ci-devant privilégiés qu'on abandonne à leurs remords, montât la garde ; 2° que les ci-devant privilégiés ne fussent admis à prêter le serment que devant la commune assemblée ; 3° que tout bon citoyen fût admis aux assemblées municipales, sans pourtant y avoir voix délibérative ; 4° que tout citoyen actif, à l'exemple du roi, arborât le symbole de l'union, la cocarde tricolore. - Tout fut accordé et voté. Puis, on admit au serment patriotique MM. Dufresne de Virel, Dufresne de Renac, de la Houssays, Luette de la Pilorgerie, Duhamel de la Bothelière père et trois de ses fils, Martin Montaudry, de Castellan et Gardin de Classé.
Cependant, le décret de l'Assemblée nationale sur les biens du clergé commençait à être interprété par les communistes du temps dans son sens le plus large. Des violences avaient été commises pendant la nuit au couvent de la Trinité, les jardins avaient été pillés, les portes presque forcées.
Les propriétés particulières commençaient à être violées ; plusieurs personnes se plaignaient de vols et de larcins. On en voulait surtout aux nobles : le discours suivant nous apprend à quelles vengeances particulières ils étaient exposés. Le 16 février, M. de Virel entra dans l'Assemblée de la commune, accompagné de M. de Castellan, et s'exprima en ces termes :
« Messieurs,
» Quand des citoyens connus par leurs sentiments et leur soumission aux décrets de l'Assemblée nationale se voient inquiétés dans leurs possessions, et dépouillés injustement des titres qui sont les garants de leurs propriétés, reconnues sacrées par les représentants de la nation, ne doivent-ils pas réclamer la loi qui les y a toujours maintenus ? S'efforceront-ils en vain de déchirer le voile de l'erreur qui frappe d'aveuglement les exécuteurs de ces opérations barbares et injustes que nous voyons exercer autour de nous ? Non, Messieurs, nous ne garderons pas plus longtemps un coupable silence. Nous le devons d'autant moins, que l'Assemblée à laquelle nous avons l'honneur d'adresser nos doléances, pénétrée d'horreur pour de semblables cruautés, nous a déjà témoigné la sensibilité la plus vive, et proposé des moyens d'arrêter un fléau aussi injustement exercé. »
» Mais, Messieurs, avec cette même confiance qui nous a conduits au milieu de vous, avec cet amour pour notre patrie et pour un roi pour lequel nous sacrifierions avec plaisir nos biens et nos vies, nous ne devons point craindre de vous avouer que si l'on cherche à détruire nos propriétés, les motifs qui animent les auteurs de ces violences affligent sensiblement nos curs. On nous suppose des tyrans, des oppresseurs, et on veut nous rendre responsables des vexations de quelques procureurs fiscaux qui ont pu abuser de notre confiance. Eh bien ! Messieurs, admettons pour un moment que nos gens aient outrepassé leurs pouvoirs ; qu'en devons-nous conclure, sinon que, si eux ou nous, sommes coupables de quelques injustices, qu'on constate les délits ; qu'on nous juge selon la loi, et non d'après des motifs de vengeance personnelle, ou que chaque individu qui se croit lésé s'adresse au seigneur particulier ; il n'en est aucun, nous aimons à le croire, qui ne soit et n'ait été, dans tous les temps, disposé à rendre à chacun la justice qui lui est due. Ou enfin, qu'on nomme une commission chargée d'examiner les griefs des vassaux ; qu'on fasse le rapport aux municipalités, lesquelles les feront passer à l'Assemblée nationale.
» Mais, Messieurs, ne souffrez point qu'on comprenne dans la liste des proscriptions des citoyens à qui l'on n'a à reprocher aucune injustice. Je dis liste, car il en a existé une, avant même qu'aucun habitant des campagnes ait pensé à se soulever, preuve certaine qu'il est de tous ces troubles des moteurs d'autant plus coupables, qu'agissant contre les décrets de l'Assemblée nationale, ils vont peut-être nous ravir pour toujours l'estime de citoyens avec lesquels nous avions contracté la douce habitude de vivre, titre précieux.
» Je crois, Messieurs, que s'il est des moyens de calmer les esprits et de rétablir l'harmonie qui doit désormais régner entre les citoyens, ce sont bien ceux que nous avons l'honneur de vous communiquer et que nous soumettons à vos lumières, vous priant de trouver bon qu'on les manifeste dans nos paroisses. Veuillez, Messieurs, seconder nos vues dictées par l'amour de la paix, celui de la patrie et d'un monarque qui désire sincèrement le bonheur de tous ses sujets. Saisissons donc tous les moyens d'assurer sa félicité ; apprenons à l'univers que nous faisons tous nos efforts pour seconder ses vues bienfaisantes, et lui faire oublier l'amertume où l'on plongé les dissensions, les haines et les jalousies qui ont déchiré le plus beau royaume de l'Europe et désuni une nation distinguée par la douceur de ses murs et de son caractère. Montrons-nous dignes sujets d'un aussi digne monarque. Puisse, Messieurs, l'aurore de si beaux jours reluire encore à nos yeux qui l'ont perdue, et écartons de nous tout ce qui peut l'obscurcir. »
Ces paroles furent prises en considération. Pour apaiser les esprits et maintenir le bon ordre dans les campagnes, le corps municipal ordonna que les propositions ci-dessus exposées seraient lues et publiées sur les places publiques le jour du marché.
La ville, elle aussi, avait bien ses alarmes ; dans ces temps de dislocation politique et sociale, le moindre vent suffit pour agiter les esprits de la multitude. Il circulait des bruits vagues qu'une troupe armée allait prochainement arriver en cette ville avec des projets détestables. - Le Conseil de la commune s'en émut ; il s'assembla extraordinairement, et après des recherches sur l'origine de ces bruits, il crut que les craintes étaient au moins exagérées. Toutefois, pour se mettre à l'abri de tout reproche, il invita les officiers de la garde nationale à surveiller très-activement toute démarche tendant à troubler le repos public et à léser les propriétés. On prescrivit de tenir les armes en bon état, de faire monter les canons sur leurs affûts, et de se procurer le plus de cartouches qu'il se pourrait.
21 février 1790. - A l'instar de la milice parisienne, la garde nationale de Châteaubriant voulut prêter serment de fidélité à la nation, à la loi et au roi. Donc, le 21 février, le régiment national alla se ranger en bataille sur la Place-Neuve, et quand le corps municipal fut arrivé, le maire prit la parole et dit :
« Messieurs,
» La nation entière reçoit avec reconnaissance le nouveau serment patriotique que vous allez prêter devant nous. Elle n'a jamais douté de vos sentiments. C'est sur vous particulièrement, généreux militaires, qu'elle fonde ses espérance et sa sécurité. Le corps municipal de cette ville, pénétré de gratitude et d'admiration pour les efforts continuels et heureux que fait la milice nationale pour assurer la tranquillité publique, me charge de vous en demander la continuation. Vous le trouverez toujours disposé à vous seconder, tant qu'il vous verra animés des sentiments qui vous distinguent si éminemment. »