Janvier 2023 : Cet ouvrage vient d'être réédité, en tirage à la demande. Il s'agit d'une nouvelle édition entièrement recomposée, identique à l'édition originale, et non d'un fac-similé de mauvaise qualité. L'ouvrage de 370 pages est disponible en grand format (18x25cm) en version brochée (couverture souple), en version reliée (couverture rigide), ou bien en 4 petits fascicules à prix étudié, reprenant chacun une des quatre grandes parties de l'ouvrage). Une version Kindle est également disponible.

L'objectif de cette réédition était uniquement de proposer une lecture plus facile et agréable, et pour cela, l'ouvrage a entièrement été remis en page. Pour aider le lecteur à actualiser ses connaissances, une bibliographie mise à jour a été ajouté.

Châteaubriant, baronnie, ville et paroisse



Accueil
Chapitre I (suite)




25 août 1789. - Le 25 août, en effet, eut lieu la cérémonie, et l'assemblée décida que les discours seraient inscrits, tant pour perpétuer la mémoire du serment solennel qui y avait été prêté que pour rendre un hommage authentique aux vertus et aux sentiments de M. le Doyen.

Voici comment s'exprima M. Bedard, un peu embarrassé, cela se conçoit, pour donner à sa harangue une tournure quelque peu militaire : « Je vous parais emprunté, Messieurs, et je suis, en effet, bien novice dans l'exercice de la brillante cérémonie qui nous rassemble. Mais s'il me fallait vous en parler, je le serais infiniment davantage encore. Mes lèvres, peu formées aux expressions fleuries de l'éloquence, ne feraient que balbutier indécemment sur un sujet absolument nouveau pour moi, et ma témérité ne servirait qu'à tenter l'excès même de votre indulgence. Je ma bornerai donc, s'il vous plaît, à vous mettre en main ces drapeaux, abandonnant à vos cœurs le soin de concevoir, de méditer et de suivre les sentiments dont ils sont, dans votre esprit, le symbole et l'emblême. Vous en avez fait l'hommage au Dieu de paix et de concorde, en les déposant sur son autel ; je vous les rends, Messieurs, en vous assurant, de sa part, qu'une démarche aussi religieuse ne peut manquer d'être pour vous du plus heureux présage. Comptez, Messieurs, oui, comptez sur la protection que vous lui demandez, et continuez seulement à mériter ses faveurs par un empressement toujours égal à recourir à ses grâces, et par une fidélité constante à y correspondre.

» Que ces drapeaux, sous lesquels vous allez vous ranger, sous ses auspices, ne soient pas à vos regards des signes muets et vides de sens. Qu'ils vous prêchent à jamais les vertus civiques que vous chérissez déjà, mais qu'il vous est intéressant de nourrir et de cultiver. Qu'ils animent de plus en plus en vos âmes cet esprit prudemment patriotique qui fait honneur à notre province, et qui lui a mérité l'estime et les éloges de l'auguste assemblée qui, sous les yeux du monarque, et de concert avec son cœur, travaille avec tant de zèle à créer notre bonheur. Qu'ils vous apprennent à vous rendre dignes des lois sages que l'on vous prépare ; enfin, Messieurs, qu'ils vous piquent tous de la noble émulation d'enchérir, s'il se peut, sur ces prodiges de vertus qui couvrent de gloire aujourd'hui le reste de la France. De sorte que, s'il n'est aucun peuple dans l'univers qui, dans des moments aussi fortunés, n'ambitionnât le désir d'être Français, parmi les Français même, il ne s'en trouve aucun qui ne fut jaloux d'être Breton ! - Dixi. »

Le procès-verbal ne dit pas le nom de l'orateur qui répondit au vénérable Doyen. Tout porte à croire que ce dût être M. Méaulle qui, à ses qualités d'avocat et de syndic, réunissait encore celle de major de la milice nationale.


« Monsieur,


« Vous venez d'énoncer vos sentiments : il y a longtemps que votre conduite nous les avaient manifestés, et, sans vous avoir entendu dans la chaire de vérité, nous étions bien convaincus de votre dévouement à la chose publique.

Déjà, dans plus d'une occasion, vous avez signalé votre patriotisme. Vous avez suivi avec constance la cause commune ; vous l'avez soutenue dans les temps orageux. Partagez les avantages et la satisfaction qu'elle procure aujourd'hui à tous les bons citoyens. Recevez publiquement nos remercîments et les assurances de notre éternelle gratitude. 

» Il nous reste une grâce à vous demander : c'est d'être témoin du serment le plus solennel. Si vous avez su allier l'intérêt national à la majesté du culte divin, sans rien perdre de la dignité de votre ministère, ne soyez pas surpris que des citoyens militaires viennent réitérer leurs serments aux pieds de vos autels, dans la persuasion qu'ils ne portent aucune atteinte à la pureté de leur religion et qu'ils n'offensent point un Dieu de paix. Eh ! n'est-ce pas un acte d'adoration de cet Être suprême que de jurer que l'on servira bien sa patrie ?

» Citoyens militaires, mes amis, mes frères, chers compatriotes, jetons les yeux sur ces étendards qui viennent de recevoir la bénédiction. Fixons-les de manière à ne jamais les méconnaître. C'est là que nous devons tous nous réunir pour notre gloire et pour le salut commun. Jurons ici solennellement de ne jamais quitter les drapeaux ; jurons, la main levée, d'être à jamais fidèle à la nation, au roi et à la loi. »

La fin de la présente année est déjà marquée par des divisions entre les partisans du nouvel ordre de choses et ceux de l'ancien régime. Les uns injurient les soldats de la milice nationale, les autres refusent d'y entrer, de monter la garde et de faire les patrouilles de nuit, ainsi que l'exercice militaire deux fois par jour.

3 novembre 1789. - Pour se conformer au décret de l'Assemblée nationale, le ville achète un drapeau et 300 fusils.

20 novembre. - M. Marichal, procureur et chanoine régulier du couvent de la Trinité, accompagné de M. Bâlé, seuls religieux habitant encore le couvent, viennent déposer à la mairie quatre chandeliers d'argent, qu'ils offrent en don patriotique ; de plus, ils font le don de deux autres chandeliers et d'une croix d'argent pour les pauvres, dont le nombre, vu la disette de grains, ne faisait qu'augmenter. - Cette offrande fut accueillie avec faveur. On acheta du riz et du blé-noir dont on fit de larges distributions.

C'était, entre toutes les villes de la province, à qui montrerait le plus de zèle pour prendre des mesures libérales et les suggérer aux autres. Ainsi, la petite ville de La Guerche avait envoyé à Châteaubriant copie d'un arrêté qui fut aussitôt suivi. En conséquence, l'Assemblée, considérant que les bons citoyens de cette ville (Châteaubriant) ont eu, peut-être plus que partout ailleurs, et ont encore des combats à soutenir contre l'aristocratie des nobles, des anoblis et de leurs participes ; considérant que les ci-devant privilégiés sont en grand nombre dans cette ville et les environs ; que dans les circonstances présentes, ils affectent un mépris dérisoire pour les milices nationales;  qu'aucun d'eux n'a pris la cause de l'union ; qu'elle a même été quittée par les adhérents et les officiers de leur justice ; qu'en tout temps ils ont montré une opposition formelle aux vœux du peuple ; que de tout ceci on doit conclure qu'ils regrettent l'ancien régime et qu'ils tiennent encore à leurs serments ; qu'ils ne manqueraient pas d'employer toute espèce de moyens pour ramener le peuple dans leurs fers ; que l'on doit, par conséquent, prendre garde à leur influence et les écarter soigneusement des assemblées générales, et ne leur confier aucune espèce de pouvoir dont ils pourraient abuser, - A été arrêté que le haut clergé et la noblesse qui n'ont pas abjuré leurs serments indiscrets, ne seront admis à aucune place publique, et qu'il sera fait part du présent à toutes les municipalités de la province.

18 janvier 1790. - En exécution du décret de l'Assemblée nationale du 14 décembre dernier, tous les citoyens actifs de la ville et de la paroisse se réunissent à l'Hôtel-de-Ville pour procéder à la formation d'une nouvelle municipalité. Cette opération était longue et compliquée. Il fallait d'abord former le bureau qui devait présider à la régularité des élections, puis élire au scrutin individuel un maire, un procureur de la commune, huit officiers municipaux et dix-huit notables. La prestation du serment tenait aussi une bonne place dans ces assises populaires ; la manie du serment commençait à paraître ; le peuple devenait jaloux et défiant ; quiconque s'attelait au char de la chose publique devait engager sa conscience et jurer fidélité à la nation, à la loi et au roi. Il se trouva 230 votants qui ne cessèrent de voter depuis huit heures du matin jusqu'à dix heures et demie du soir.

Voici les noms de élus :
Fresnais de Lévin, maire.
Méaulle, procureur de la commune.
Bruneau,
Margat,
Le Jeune de la Grée,
Jallot de la Ferrière, officiers municipaux
Foucher, prêtre,
Geslin,
Jamain,
Peuriot père, officiers municipaux.

Les noms des notables qui sortirent de l'élection furent :
Bédard, doyen et recteur de la paroisse ;
De la Chénelière Ernoul ;
Poulain de la Furetière ;
Louard ;
Lorette ;
Rebillard ;
Moriceau ;
Voiton père ;
Guiet père ;
Derval (Louis) ;
Samson ;
Besnier de la Touche ;
Le Jeune de la Martinais ;
Besnier (Michel) ;
Lorieux (Pierre) ;
Cocault-Duverger aîné ;
De Fermon, prêtre ;
Delourmel de la Picardière .

Ces notables devaient se réunir au Corps municipal dans les cas fixés par le décret, et former avec lui le Conseil général de la commune.

La journée, comme on le voit, avait été bien employée. Cela valait bien une de ces fêtes chômées contre lesquelles les citoyens du nouveau régime s'élevaient avec une si patriotique indignation.







Compteur