Janvier 2023 : Cet ouvrage vient d'être réédité, en tirage à la demande. Il s'agit d'une nouvelle édition entièrement recomposée, identique à l'édition originale, et non d'un fac-similé de mauvaise qualité. L'ouvrage de 370 pages est disponible en grand format (18x25cm) en version brochée (couverture souple), en version reliée (couverture rigide), ou bien en 4 petits fascicules à prix étudié, reprenant chacun une des quatre grandes parties de l'ouvrage). Une version Kindle est également disponible.

L'objectif de cette réédition était uniquement de proposer une lecture plus facile et agréable, et pour cela, l'ouvrage a entièrement été remis en page. Pour aider le lecteur à actualiser ses connaissances, une bibliographie mise à jour a été ajouté.

Châteaubriant, baronnie, ville et paroisse



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Chapitre V (suite)




La ville de Châteaubriant s'honore d'avoir donné naissance à plusieurs médecins célèbres, entre autres à Pierre Hunauld, qui vivait dans la dernière partie de XVIIe siècle. Il exerça longtemps la médecine en notre ville et y acquit une telle célébrité qu'il fut appelé à Angers, où il alla se fixer. Il a laissé plusieurs ouvrages estimés et qui sont encore consultés aujourd'hui avec fruits. Son petit-fils, François-Joseph Hunauld, est plus connu et se fit une plus grande réputation d'habileté dans cet art. Il naquit à Châteaubriant en 1701. Il cultiva la botanique et la physique avec succès ; à l'âge de 23 ans, il fut reçu à l'Académie des sciences, devint médecin de duc de Richelieu, qu'il accompagna dans son ambassade à Vienne, et voyagea en Angleterre, où il fut nommé membre de la Société royale. Il parcourut aussi la Hollande et entretint des relations d'amitié avec Boerhave. En 1730, il succéda à M. Duverney dans la place de professeur d'anatomie au Jardin-des-Plantes et mourut à Paris d'une fièvre maligne, en 1742. Il a laissé plusieurs écrits qui sont estimés.

Paul Bonnel, de la Tourrière, en Noyal, près Châteaubriant, passa aussi pour habile médecin. Le souvenir de son dévouement et de sa charité est encore vivant dans le pays. Presque chaque année, cette contrée marécageuse par endroits, humide partout, était désolée par la dissenterie qui, à l'époque des moissons surtout, faisait de nombreuses victimes. Le docteur Bonnel avait transformé les vastes salles de son château en hôpital. Tous les malades pauvres y étaient admis, et il leur donnait ses soins et des remèdes gratis. On lisait encore, il y a dix ans, les sentences religieuses qu'il avait fait graver sur les murs des salles pour édifier les malades. - Il mourut le 8 janvier 1745, à l'âge de 78 ans, et fut enterré à Fercé, lieu de sa naissance.

En l'année 1759, M. Halnault, médecin de cette ville, présenta un procès-verbal de l'ouverture d'un cadavre faite par lui et le sieur Bastide, chirurgien au régiment de Royal-Dragons, pour découvrir les causes de la maladie qui affligeait le pays, et spécialement cette ville, où elle avait enlevé plus de cent personnes en quelques mois. Le sieur Halnault fut lui-même atteint et faillit en mourir. Or, pendant la maladie de ce dernier, le sieur Bastide ne cessa de secourir les malades avec le plus grand zèle. Il donnait ses soins aux pauvres du canton avec une charité et une attention les plus dignes d'éloges. Afin de lui marquer sa reconnaissance pour d'aussi bons services, la communauté vota une somme de 120 livres pour offrir au sieur Bastide une épée d'honneur, et la maire fut chargé de la lui offrir en son nom.

De nos jours, la médecine a encore en cette ville de dignes représentants, et continue de nous offrir le spectacle d'un dévouement d'autant plus admirable, qu'il s'exerce journellement avec un zèle et un désintéressement qui ne se sont jamais démentis. Les gouvernements peuvent être ingrats - souvent même ils le sont ; mais les pauvres dans le ciel, et l'histoire sur la terre, béniront le nom de l'homme généreux qui, pendant plus de quarante ans, consacra ses soins intelligents à soulager dans un hôpital les souffrances du pauvre vieillard, de la veuve et de l'orphelin (1).

Commerce des cuirs. - Châteaubriant est connu depuis longtemps par ses importantes tanneries, corroieries et mégisseries. La supériorité de ses produits les a toujours fait rechercher sur beaucoup d'autres, et nous pouvons affirmer que les heureuses circonstances où s'est trouvée cette industrie luiont fait jusqu'ici défier toute concurrence étrangère, en même temps qu'elles ont procuré à ceux qui l'ont exercée les plus beaux bénéfices. En effet, tout le pays leur fournit à bas prix des peaux en abondance ; ils ont à leur porte, dans les nombreuses forêts qui les entourent, plus d'écorce qu'ils n'en ont besoin ; la main-d'œuvre a été jusqu'à ces dernières années extrêmement modique, tant la vie était à bon marché ; enfin, l'eau de la rivière de Cher et des ruisseaux qui y affluent a les qualités les plus précieuses pour nourrir et blanchir tout ce qu'on lui confie, en linge comme en cuirs. Aussi de nombreuses tanneries ont existé à Châteaubriant de tout temps. Il en a existé plusieurs sur le ruisseau du Rolard, témoin ce champ appelé de la Tannerie, dans lequel fut construite, en 1483, la chapelle au Duc ; témoins aussi ces arrêtés de la communauté de ville, qui supprimèrent toutes les tanneries et retraites à peaux situées sur le haut cours de ce ruisseau, depuis la porte Saint-Michel jusqu'au four à ban, parce qu'elles corrompaient l'eau si nécessaire à la ville, qui n'avait pas alors un accès aussi facile qu'aujourd'hui pour aller la chercher en dehors de ses murs. Au milieu de la Révolution, la République fut heureuse de trouver nos tanneries pour chausser les défenseurs de la patrie ; l'absence de tout commerce y avait accumulé une grande quantité de marchandises ; les prix élevés auxquels on les vendit firent la fortune de ceux qui les possédaient (2).

Une branche de ce commerce a suivi la fortune des sergers et des peigneurs de laine ; c'est la mégisserie. Les petits moutons des landes ayant disparu, il n'est resté pour alimenter cette partie que les peaux de chèvres, chevreaux et moutons de belle espèce en assez petite quantité. Le commerce des peaux de chèvres n'était pas sans importance, car on sait que dans un passé qui n'est pas éloigné de nous, les habitants des campagnes aimaient à s'en faire des habits. Couverts du sayon à poils longs et fauves, avec des cheveux qui flottaient sur leurs épaules, les rudes habitants de ces agrestes régions réflétaient dans toute leur personne l'air sauvage de leurs forêts, et se mettaient en voyage sans soucis des rigueurs du temps. Mais ce vêtement n'est plus de mode, ce qui a ruiné à peu près la mégisserie en notre ville.

Poteries. - A deux petites lieues de Châteaubriant, sur les confins de la paroisse d'Erbray, en un canton séparé du reste des mortels par les plus épais bocages et par des chemins, où le destin adresse les gens quand il veut qu'on enrage, il existe un gros village que rien ne distingue aujourd'hui des autres villages de la contrée, mais qui, au temps de ses seigneurs, était aussi commerçant que peuplé. C'est le village des Landelles, qui fut en possession, pendant trois siècles au moins, de fournir la poterie à tout le pays. Le commerce de lait, de beurre et de miel, sans parler des autres usages domestiques, assurait à cette industrie des débouchés prompts et faciles. Aussi, quand venaient les jours de foire ou de marché, les roues cessaient de tourner, et nos potiers ne manquaient pas d'apporter leur marchandise à la ville. Longtemps, à ce qu'il paraît, le beurre, au lieu de se vendre en coins ou en moches, se vendait dans des pots, dont la forme et la contenance étaient déterminées par le juge de police de la baronnie. Mais la fraude est de tous les temps. Il faut croire qu'un jour les potiers s'entendirent avec les ménagères du pays, car les procès-verbaux nous apprennent qu'en un certain marché, on vit paraître des pots si étroits à leur ouverture, qu'il n'était guère possible d'en faire sortir le beurre, afin de s'assurer de son poids. Ce jour-là, la police fit une razzia complète de tous les pots exposés sur la place publique, comme de tous ceux qu'elle trouva dans les greniers et les boutiques.

Le village des Landelles avait une chapelle qui existe encore ; il dépendait de la seigneurie de la Ferrière, à laquelle fut réunie celle de la Cocquerie, en 1628. Deux aveux, rendus par des potiers des Landelles à leur seigneur, nous sont tombés entre les mains ; comme tous les deux se ressemblent absolument, nous allons en transcrire un , pour satisfaire la juste curiosité du lecteur ; il porte la date de 1626 :

« Devant nous, notaire des cours de Châteaubriant, la Ferrière, etc., a comparu, en sa personne, Jan Pitrault, potier, demeurant au village des Landelles, en la paroisse d'Erbray, lequel est cognoissant et confessant, et, par ces présentes, cognoît et confesse être sujet, comme tous et chacun les autres potiers dudit village et poterie des Landelles, de noble et puissant messire Pierre Bonnier, seigneur de la Cocquerie, la Ferrière, Monjounet et la Chapelle, conseiller du roi au Parlement de Bretagne, etc., et lui devoir, comme tous et chacun les autres potiers et consorts de ladite poterie, les rentes, devoirs et obéissance cy-après déclarés, comme au seigneur de ladite poterie, à cause de sa jurisdiction de la Ferrière. »

I. - Rouage. - Premièrement. Il est dû au dit seigneur le rouage au dit village et poterie des Landelles, sur tous et chacun potier de la dite poterie, sçavoir : que chacun potier ayant roue à faire pots, levée et tournante, au dit village et poterie, doit par chacune roue, par chacun an, à chacune fête de la Pentecôte au dit seigneur de la Cocquerie, comme seigneur de la dite poterie, le nombre de six deniers monnaye cheante et levante.

II. - Services. - les mêmes potiers doivent subvenir à l'usage de poteries pour le service de la maison du dit seigneur qu'ils doivent rendre, après avoir été choisies par lui, par le dit seigneur ou gens de par lui, sur les dites poteries et sur chacun des dits potiers jusqu'en l'une des maisons ou manoirs de leur dit seigneur, soit en la paroisse de Saint-Jean-de-Béré ou Saint-Aubin-des-Châteaux.

III. - Trois pièces de vaisselle. - Oultre, trois pièces de vaisselle de leur façon et ouvrage que lui doivent chacun des dits potiers le jour de la vigile de la Pentecôte, au choix du dit seigneur, s'il ne plaît aud. seigneur leur apprécier le debvoir desd. trois pièces de vaisselle, et qu'il est aussi dû deux deniers monnaye sur toutes et chacune les bestes qui se vendent aud. village des Landelles.

IV. - Quintaine. - Oultre, confesse le dit Pitrault qu'il est dû au dit seigneur de la Cocquerie, à cause de sa dite seigneurie de la Ferrière, le droit de quintaine au dit village et poterie des Landelles, qui est que chacun homme et femme qui couchent la première nuit de leurs noces au dit village des Landelles, doivent courir à cheval, frapper et rompre en courant une lance ou une perche en forme de lance convenable, et ce, contre la dite quintaine du dit seigneur, plantée au dit village, et armoyriée de ses armes, faute de quoi faire et rompre la dite lance, doivent au dit seigneur un septier d'avoine, mesure contenant seize boisseaux d'avoine, mesure de Châteaubriant.

V. - Amende. - Même confesse que chacun des dits potiers de la dite poterie ayant roue à faire pots et tournante en quelque endroit et temps que ce puisse être, doit tenir sa roue levée depuis la vigile de Noël jusqu'à la Saint-Vincent, en janvier, doit (comme dit est) et est amendable vers le dit seigneur de soixante sous et un denier monnaye d'amende.

VI. - Graver les armes du seigneur. - Et oultre, confesse le dit Pitrault, que tous les potiers du dit village et poterie des Landelles sont tenus de graver et mettre sur toutes leurs œuvres et ouvrages de poterie les armes du dit seigneur, comme étant seigneur de la poterie.

VII. - Haute-justice de la Ferrière, - Et confesse que, au dit seigneur de la Cocquerie, à cause de sa dite seigneurie de la Ferrière, appartient haute, basse et moyenne justice ; ventes, lods, octrois, épaves, tailles, successions de bâtards et autres droits de justicier . »

Aujourd'hui, plus de roues, plus de potiers ; cette industrie est morte. Vous n'en retrouverez plus de traces ; elles viennent de disparaître avec les amas de débris de pots qui s'élevaient naguères au milieu du village.







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