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Châteaubriant, baronnie, ville et paroisse



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Chapitre V (suite)




Verrerie de Javardan, en Fercé. - Elle fut fondée, d'après Ogé, en 1564, par les Massar, qui vinrent en France à la suite de nos guerres avec l'Italie. Cette famille qui, comme tant d'autres, gagna sa noblesse dans cette industrie, devint titulaire de la vicomté de Fercé.

« Cette fabrique de gobeleterie, dit l'Annuaire de l'an XI, page 156, est la seule qui existe dans les dix départements qui nous entourent. Elle fournit des gobelets en verre blanc, en cristal, les tubes et tous les vases à l'usage des ateliers de physique, de chimie et de pharmacie.

» L'entrepreneur actuel réunit, en l'an VII, les anciens ouvriers de cette fabrique, dont les travaux avaient été interrompus par la Révolution, et il s'est maintenu jusqu'ici, malgré les difficultés qu'il a rencontrées. D'abord le Ministre des finances fit distraire de son bail la délivrance de 1,200 stères de bois dans la forêt de Javardan, qui lui étaient accordés à 1 fr. 50 c. le stère. On ne fit point les réparations reconnues nécessaires, on ne lui fit qu'un bail de cinq ans, et enfin, aujourd'hui que l'ancien propriétaire (M. Du Boispéan) est réintégré dans son domaine, cette entreprise s'est retirée dans le couvent de Saint-Martin, au milieu de la forêt de Teillé. 

» Cet établissement, par son utilité, mérite d'être encouragé. Il fournit l'hospice de la marine à Brest ; il fabrique pour 50,000 fr. de marchandises, et sa fabrication étant toujours au-dessous de ses demandes et des besoins, il ne peut que prospérer. 

» Les entrepreneurs consomment environ 2,000 stères de bois par an ; 100 barriques de groisin ou verre cassé qu'ils achètent dans les villes, des sables qu'ils tirent des environs de Vitré, les terres à four et à pâte de Josselin et de Pont-Péan, les potasses, les soudes qu'ils tirent de Nantes. 

» Ils emploient à l'intérieur vingt ouvriers, et trente autres au dehors pour les provisions de bois. 

» Cette manufacture serait parvenue à un plus haut degré de prospérité qu'en 1790 si elle avait conservé son affouage dans la forêt de Javardan, et si d'ailleurs cette forêt, qui n'a que 375 hectares, n'était insuffisante pour sa consommation, chaque coupe ne fournissant que pour trois mois de travail. »

Depuis quelques années, la verrerie de Javardan a cessé de fonctionner. La difficulté de s'approvisionner de bois et les prix élevés des transports paraissent avoir été les principales causes de sa ruine.

Agriculture. - Nous n'avons pas la pensée de faire l'histoire de l'agriculture en ce pays, surtout dans les temps antérieurs au XVIIIe siècle. Comme en bien d'autres pays, nos paysans ne cultivaient guère que l'orge, le seigle et l'avoine ; ce sont les seuls grains que l'on voit figurer longtemps, soit dans les redevances féodales, soit dans les mercuriales des marchés. Le froment n'était semé qu'en très-minime quantité, comme le prouve la pieuse donation que fit Geoffroy IV, notre baron, de 24 livres de rente aux moines de Melleraye, afin qu'ils pussent manger du pain de froment ; car depuis leur fondation, ils n'en avaient que d'orge, d'avoine ou de seigle. Encore ces cultures se faisaient-elles pauvrement, car le paysan n'avait d'autre engrais que celui que lui produisaient ses bestiaux, ce qui le forçait à n'ensemencer que la moindre partie de ses terres. A cette raison, il faut ajouter la difficulté des chemins, qui était telle que les charrettes n'y pouvant passer, il fallait transporter les engrais dans les champs à dos de cheval. Tous ceux qui ont quelque connaissance de ces temps arriérés et du pays n'auront pas de peine à trouver bien d'autres motifs à cette pauvreté de l'agriculture, qui ne se releva un peu que sous Henri IV, c'est à dire après l'apaisement des longues guerres qui désolèrent notre malheureuse Bretagne.

Quant au blé-noir, la culture en est de date plus récente. Ce fut vers le commencement du XVIe siècle qu'un droguiste de Lyon envoya à Champenois, docte apothicaire de Rennes, un fardeau de blé-noir, appelé en aulcuns lieux sarrazin (1), avec entière description de ses qualités myrifiques et le prix qui était d'un écu la livre (2). Toutefois, cette sorte de grain, qui fait le fond de la nourriture du paysan Bas-Breton et qui engraisse ses volailles, ne se propagea que lentement et n'apparut sur nos marchés que vers la fin du même siècle.

Longtemps donc l'agriculture demeura stationnaire, longtemps d'immenses étendues de terres incultes couvrirent la surface du pays ; ce ne fut que quelques années avant la Révolution qu'on le vit enfin sortir de cet état de désolation. Voici d'où vient le changement, d'après M. Ern. de Cornullier, Dictionn. des terres et seigneuries, art. Abbaretz :

« En 1783, le prince de Condé afféagea à monsieur Dumatz (3) 250 journaux de terre près de son château de Villeneuve, à charge d'un boisseau d'avoine grosse, mesure de Nozay (47 litres), de rente féodale par journal, et du devoir de rachat, le cas échéant, aux termes de la coutume. 

» Le conseil du prince avait décidé, en principe, l'afféagement de toutes les terres vaines et vagues de ses domaines, à la charge par les afféagistes d'en payer deux boisseaux d'avoine grosse, mesure de Châteaubriant, par journal, et du devoir de rachat, le cas échéant. Cette fois, le conseil dérogeait à sa règle en faveur de M. Dumatz, dans l'espérance que les 250 journaux seraient prochainement mis en culture. 

» A l'exemple du prince, tous les seigneurs du pays, vers la même époque, s'étaient piqués d'émulation pour arriver au défrichement des vastes landes que la peste noire du XVIe siècle avait laissées après elle. Chacun s'empressait donc d'afféager les terres vaines qu'il ne pouvait mettre en culture par lui-même ou par ses fermiers, et les conditions de ces arrentements étaient généralement calquées sur celles que le conseil du prince avait adoptées, c'est-à-dire très-modérées, même pour le temps. 

» Sept ans plus tard, en 1790, toutes ces terres furent déclarées acquises aux afféagistes et affranchies de toutes redevances, les rentes qui en étaient le prix convenu de gré à gré ayant été abolies comme entachées de féodalité. Il est fort probable que les anciennes rentes féodales, dont l'origine n'était pas connue, n'en avait pas une moins légitime. »

Eh bien, malgré l'infériorité de sa culture, malgré l'immense quantité de landes et de bois qui couvraient son territoire, Châteaubriant offrit encore de grandes ressources dans les mouvements militaires dont il fut le théâtre pendant les guerres de la Ligue et sous la République : le district passait pour fourmiller de grains. Ce qui prouve que le sol est loin d'être aussi ingrat qu'on a bien voulu le dire, et qu'il n'a besoin que d'être mis dans des conditions meilleures, pour récompenser largement les avances des propriétaires et les travaux des laboureurs.

Aujourd'hui, du reste, la face du pays est bien changée : les landes ont été défrichées, beaucoup de bois abattus, et les terrains vagues partagés sont exploités avec une intelligence que secondent merveilleusement les routes récemment percées et la facilité de se procurer des engrais. La propriété rurale a beaucoup d'avenir en ce pays.

Fer, Chaux, Castine.- Tout le territoire avoisinant Châteaubriant est riche en minerai de fer. Les hauts-fourneaux de la Jahotière, en Abbaretz, de la Forge-Neuve et de Gravotel, en Moisdon, de la Hunaudière, en Sion, de Martigné, étaient alimentés par les mines de Rougé, Louisfert, Erbray et Moisdon. Aujourd'hui, ces fourneaux sont éteints et le seront jusqu'à ce qu'ils soient replacés dans des conditions plus favorables.

Le calcaire abonde sur le coteau qui s'étend d'Abbaretz à Saint-Julien-de-Vouvantes. Pendant de longues années et dès le XVe siècle, la paroisse de Saffré fut en possession de fournir la chaux au pays. Depuis assez longtemps ses carrières sont abandonnées ; c'est en la paroisse d'Erbray que cette industrie a pris des développements considérables. Près de vingt fours exploitent le riche bassin de calcaire qui y est situé, et apportent à l'agriculture un secours qui n'a pas peu contribué aux immenses progrès qu'elle a faits depuis trente ans dans le pays. En remontant à un siècle et au delà, on trouve qu'il se faisait de la chaux à Erbray, mais ce n'était peut-être qu'avec la marne ou castine dont on voit encore les carrières épuisées ou abandonnées pour l'exploitation du calcaire.

Cette castine, qui est une terre de nature calcaire, n'était guère employée autrefois qu'à la fusion du fer. Ce n'est qu'en ces dernières années, croyons-nous, que M. Poché, de la commune de Noëlet (Maine-et-Loire), l'ayant, par hasard, employée dans un champ, et en ayant remarqué les excellents résultats, en généralisa l'emploi et vint établir cette industrie dans la paroisse de Noyal, où la castine se trouve en abondance. On délaye cette terre de manière à en faire des mottes qui se cuisent dans les fours, comme le calcaire. Il en résulte une chaux que les agriculteurs préfèrent à l'autre. Aujourd'hui, deux fours sont en pleine activité à Noyal, et les vingt mille barriques qui en sortent sont loin de suffire aux demandes de ceux qui savent en apprécier les avantages.

Cidre. - Vin. - Quoi qu'il se soit fait de bonne heure des plantations de pommiers (pomaria) en Bretagne, il paraît que les fruits n'en furent employés qu'assez tard à faire du cidre. Cette boisson ne servit longtemps qu'aux pauvres gens. M.L. Delisle cite un passage de la vie de saint Guénolé, d'où il résulte que l'usage du cidre était pour les moines une preuve d'austérité et de mortification (4).

Dans les actes du IXe siècle, il est fréquemment parlé des vignes en Bretagne, et toutes nos recherches nous ont fourni la preuve que la culture s'en faisait sur un grand nombre de points autour de Châteaubriant. Les dénominations comme celles-ci ne sont pas rares : le champ de la vigne, la vigne aux moines, les grandes vignes, les petites vignes, etc. Ce fut au milieu des vignes de Béré que se livra la bataille de 1223, entre Pierre Mauclerc et Amaury de Craon. Ce n'est pas que le vin clairet, nom qu'on lui donnait, fût un produit recherché, mais enfin il était d'un usage si général, qu'on parlait à peine du cidre au XVIe siècle. Le cidre, même dans le siècle suivant, n'entrait que pour une faible portion dans les revenus des octrois de la ville. C'était le vin d'Anjou qui faisait les honneurs des tables délicates et que l'on offrait en présent aux personnages distingués qui honoraient notre ville de leur visite.

Des hivers trop rigoureux, des maladies, comme l'oïdium, auront sans doute détruit les vignes et découragé propriétaires et fermiers. Nous avons le pressentiment que cette culture reprendra un jour faveur en ces contrées.

Quoi qu'il en soit, aujourd'hui les champs et les prairies sont couverts de pommiers, et il se fait et se vend une quantité considérable de cidre, parmi lequel il s'en trouve d'excellente qualité.

Angélique. - Nous ne pouvons passer sous silence notre confiture sèche d'angélique qui a fait connaître si avantageusement Châteaubriant. Un certain auteur, dont le nom nous échappe, a prétendu que le nom donné à cette plante lui est venu de ce que ce furent les religieuses de Saint-Jean-d'Angély qui, les premières, l'auraient confite. De là, cette industrie aurait passé à Niort, qui en eût été ainsi en possession avant nous. Nous n'avons pas de raisons pour nous y opposer. Disons avec le proverbe italien : Si ce n'est pas vrai, c'est assez bien trouvé.

Le nombre des fabricants en a toujours été fort restreint, trois ou quatre.

En ce moment, il n'y en a que deux. Nos renseignements pris dans la famille des Yvonne, dans laquelle l'angélique se confit de génération en génération, ne feraient pas remonter cette industrie au delà de la fin du XVIIe siècle, alors que notre commerce avec les Indes et les Antilles nous apporta le sucre et autres denrées coloniales. On peut estimer à 2,000 kilogrammes la quantité d'angélique livrée chaque année au commerce.







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