Janvier 2023 : Cet ouvrage vient d'être réédité, en tirage à la demande. Il s'agit d'une nouvelle édition entièrement recomposée, identique à l'édition originale, et non d'un fac-similé de mauvaise qualité. L'ouvrage de 370 pages est disponible en grand format (18x25cm) en version brochée (couverture souple), en version reliée (couverture rigide), ou bien en 4 petits fascicules à prix étudié, reprenant chacun une des quatre grandes parties de l'ouvrage). Une version Kindle est également disponible.
L'objectif de cette réédition était uniquement de proposer une lecture plus facile et agréable, et pour cela, l'ouvrage a entièrement été remis en page. Pour aider le lecteur à actualiser ses connaissances, une bibliographie mise à jour a été ajouté.
Tout n'était pas fini. L'intrépide champion des officiers seigneuriaux alla chercher du renfort, sur le soir, revint, escorté de six sergents de la jurisdiction ordinaire, passant et repassant devant l'Hôtel-de-Ville avec une nouvelle caisse qu'il faisait résonner avec fureur. On envoya un valet de ville s'informer si c'était à dessein d'insulter le maire et la communauté assemblée : Le valet rapporta que les sergents étaient armés de bâtons, et qu'ils venaient défier le maire d'enlever à Caneven cette nouvelle caisse. A ce défi insolent, le maire ne put se contenir; et, pour soutenir ses droits et ceux du roi indignement méconnus, il se lève, quitte l'assemblée et court comme s'il volait à une troisième victoire. Mais les bâtons se lèvent sur sa tête, on le pousse, on se rue, il se fait un grand tumulte, et il eût été frappé, si les échevins n'étaient accourus promptement à son secours.
O jeunesse ! ce sont là de tes coups !
On le voit, l'accord était difficile entre deux pouvoirs, dont l'un était de temps immémorial en possession de tous les droits et distribuait toutes les faveurs, tandis que l'autre, avide d'accroître son autorité, cherchait chaque jour à empiéter sur son rival.C'est ainsi que la communauté exigeait que les gardes-jurés pour les manufactures se présentassent devant elle pour faire le serment, tandis que la présentation des fers et le serment s'étaient toujours faits en l'auditoire de la baronnie, et par devant les officiers du prince, comme l'attestent tous les procès-verbaux. Mais revenons aux troubles du papegault qui tournent à l'émeute. Le procès-verbal suivant, en date du 1er mai 1707, nous montrera jusqu'où pouvaient aller ces querelles intestines :
« Nous, Toussaint Haicault, sieur de la Jambuère, conseiller du roi, maire perpétuel des ville et communauté de Châteaubriant, savoir faisons que ce jour de dimanche, nous avons mandé par le sergent de ville, Michel Rouxel qui, l'an dernier, avait indûment et contre toutes les règles abattu le papegay, pour l'avertir que, s'il avait fait cette faute, il ne devait pas abuser de son désordre, et qu'il eut à apporter la papegay qu'il a fait fabriquer cette année, à l'Hôtel-de-Ville, pour être visité, après qu'il aurait été porté au château de S.A.S Monseigneur le Prince, ainsi que pour recevoir la permission de le planter et d'assembler les archers avec leurs armes pour le tirer. Mais ledit Rouxel a méprisé notre voix et a refusé de venir nous trouver à l'Hôtel-de-Ville. Un quart-d'heure après, on est venu nous avertir que ledit Rouxel, accompagné de ses parents et de beaucoup d'autres, descendait du château, où il avait été porter le papegay, et qu'il avait dessein de le planter sans faire sa soumission à l'Hôtel-de-Ville, et sans avoir la permission de battre la caisse et de prendre les armes. Pour le remettre en son devoir, nous sommes allé au bout de la rue nommée la Ruette, qui conduit audit Hôtel-de-Ville (1), et lui avons dit de l'y faire apporter pour les raisons ci-dessus. Ce qu'ayant refusé avec violence et emportement, et ayant même levé la canne pour nous frapper, nous avons fait saisir ledit papegay par le sergent de ville, et par notre valet pour le visiter et le faire planter demain à ses risques et périls, crainte que l'exercice des armes n'en soit discontinué au préjudice du service du roi, et pour que le public n'ait sujet de plaintes. Pour cet effet, nous avons convoqué l'assemblée de la communauté à demain, dix heures du matin.
» Cependant Rouxel et ceux de sa compagnie ont toujours résisté à laisser entrer le papegay à l'Hôtel-de-Ville, et ont continué leurs violences, jusqu'à ce qu'il n'y fût entré, ledit Rouxel répétant ses duretés et ses insultes contre nous. Nous avons aussi été informé que le même a proféré dans les cabarets plusieurs injures contre nous : nous a traité de jan accompagné d'un mot que la pudeur et la bienséance ne permettent pas d'écrire ; qu'il nous donnerait des coups de pieds au comme il a publié que nous en avions reçu en pareille rencontre ; qu'il était plus que nous, et qu'il n'avait pour nous ni égard ni considération. La violence de ce jour n'est que la continuation des précédentes insultes, pour la punition desquelles nous avons protesté de porter nos plaintes »
Le lendemain, la communauté s'assemble et le maire lit son proçès-verbal; mais le procureur du roi, prenant la parole, dit qu'il n'estime pas que la communauté doive entrer dans la connaissance des différends qui divisent le maire et les officiers de la juridiction, parce que le conseil du roi est saisi de cette affaire. Mais qu'il requiert, pour le service de Sa Majesté et l'intérêt public, que le papegay qui vient d'être présenté soit planté aux frais, risques et périls de qui il appartiendra, et qu'il soit tiré à la manière ordinaire.
Le corps des échevins adopte l'avis, et le maire donne des ordres pour que les archers s'assemblent avec leurs armes, que le tambour soit battu par les rues et carrefours, et que le papegay étant replanté au lieu ordinaire, on puisse le tirer soit avant, soit après les vêpres.
La machine fur donc reportée triomphalement, escortée du sergent en grande livrée et de plusieurs de MM. les échevins les plus dévoués, et replantée vers les cinq heures du soir. Mais ô douleur ! voilà que pendant la nuit, la machine disparaît; la gaule, brisée en trois morceaux, est trouvée dans les fossés au pied de la tour ; le papegay a été enlevé clandestinement par des gens dont on ne connaît pas encore les noms. Enfin, on retrouve l'oiseau et on le rapporte à l'Hôtel-de-Ville. Et, pour que la défaite soit plus complète et la honte plus grande, un autre papegay, transporté au château, s'élève audacieusement sur l'une de ses tours.
Ceci ne rappelle-t-il pas le lutrin chanté par Boileau ?
Alors, et d'une voix unanime, tous les archers viennent insolemment demander au maire qu'il fasse planter un autre papegay au lieu ordinaire, puisque l'abatteur du papegay de la tour du château ne devait pas jouir des droits et privilèges attribués au roi légitimement reconnu.
Requête est adressée à Nosseigeneurs du Parlement pour remettre les choses dans l'état légal; mais le prince, auquel on paraissait faire un procès, parla et se montra prêt à soutenir l'attaque. De sorte qu'après bien du bruit, le jeune maire fit d'humbles soumissions à S.A.S. et tout cessa.
Les mêmes désordres avaient lieu dans toutes les autres villes jouissant du privilège du papegault. Ce fut ce qui porta les Etats de Bretagne à prendre, dans leur assemblée du 3 décembre 1768, une délibération portant que Sa Majesté serait suppliée d'accorder les fonds provenant des droits attribués aux abatteurs des papegaults pour les enfants trouvés dont, à l'avenir, les hospices généraux seraient chargés (jusqu'alors les fabriques en avaient eu le soins). Les Etats apportaient pour les motifs que le service militaire ayant pris une nouvelle forme par la création de corps de troupes réglées et toujours existantes, l'exercice du papegault dans les villes, loin d'être aujourd'hui utile, est pour les habitants un objet de dépense, de dissipation et de dérangement, une occasion de querelles, de procès et d'accidents funestes.
On pouvait ajouter que le temps consacré à tirer (pendant quatre dimanches seulement) était si court, qu'il était insuffisant pour former au maniement des armes.
Le 7 mai 1770, le roi en son conseil, faisant droit à la requête présentée par le Etats, abolit l'établissement des papegaults en Bretagne. Il n'y eut d'exceptions que pour les villes de Saint-Malo et du Croisic, dont la garde était confiée aux habitants.