Janvier 2023 : Cet ouvrage vient d'être réédité, en tirage à la demande. Il s'agit d'une nouvelle édition entièrement recomposée, identique à l'édition originale, et non d'un fac-similé de mauvaise qualité. L'ouvrage de 370 pages est disponible en grand format (18x25cm) en version brochée (couverture souple), en version reliée (couverture rigide), ou bien en 4 petits fascicules à prix étudié, reprenant chacun une des quatre grandes parties de l'ouvrage). Une version Kindle est également disponible.

L'objectif de cette réédition était uniquement de proposer une lecture plus facile et agréable, et pour cela, l'ouvrage a entièrement été remis en page. Pour aider le lecteur à actualiser ses connaissances, une bibliographie mise à jour a été ajouté.

Châteaubriant, baronnie, ville et paroisse



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Chapitre I (suite)




Procès-verbal de l'abat du papegault.


L'an mil sept cent cinquante-trois, le trente-unième may, environ les 4 heures de l'après-midi, nous, André Boucher, sieur de la Goyère, avocat en parlement, sénéchal de la baronnie de Châteaubriant et annexes et juge de police, ayant avec nous pour adjoint Jean Lorette, commis au greffe de la dite baronnie, raportons, sur l'avis qui nous a été donné par Guillaume Besnier, greffier du papegault de cette ville, que le dit papegault venait d'être abattu par Julien Besnier, l'un des habitants de cette ville; nous nous sommes transporté avec monsieur le procureur fiscal dans l'auditoire de cette baronnie pour faire le procès-verbal de l'abat du dit papegault, et où étant, a été apporté par le dit Besnier, greffier, accompagné de dit Julien Besnier et de plusieurs autres habitants archers du dit papegault, entre autres de François Carpentier, Robert Gallicier, Pierre Lafillée, Julien Gallicier, Victorien Besnier, Joseph Lemaître, Martin Yvon, Jean Voitou, Jean Bazille et Pierre Yvon, trois morceaux de bois de poirier séparés, et qui, joints ensemble, font le reste de la forme d'un pigeon qu'ils nous ont déclarés être les morceaux de celui qui fut planté en notre présence le treize de ce mois et avoir été mis en cet état à coups de fusils, tirés à balle par les habitants et archers de cette ville, suivant le rôle que nous en a représenté le dit Guillaume Besnier, greffier du dit papegault, que nous avons chiffré ne mutetur pour être attaché au présent, et ce sans trouble ny intervention d'ordre ni de rang entre les dits archers, et suivant les règlements de police faits à cet égard, et nous ont les dits habitants présents certifié et attesté que ça été le dit Julien Besnier qui a tiré le dernier et a abattu le dit pigeon et ce, dans son rang comme les autres.

En conséquence desquelles déclarations et reconnaissances, le consentant monsieur le procureur fiscal, nous avons jugé l'abat du dit papegault bien et duement fait suivant les règlements de police faits à ce sujet. En conséquence, avons permis au dit Besnier de jouir des droit attribués par les lettres patentes données à se sujet, et à cet effet d'exercer si bon lui semble, lui-même, le droit par lui acquis, en débitant vin jusqu'à l'abat du papegault qui sera planté l'année prochaine, et en cas qu'il ne veuille pas exercer par lui-même, il sera tenu de le vendre à un débitant de cette ville, archer du dit papegault. Laquelle vente sera rapportée devant notaire pour une expédition de la dite vente être annexée au présent et déposée aux archives de la communauté de cette ville, et sera le procès-verbal de la plantation du dit papegault, celui-ci et l'acte de vente, si aucun est fait, notifié aux fermiers des impots et billots de cette province, en la personne du directeur des dits droits dans cette ville, avec sommation d'accepter, si bon lui semble, ladite vente, et faute de ce qu 'il souffrira celui à qui elle aura été faite exercer le dit droit sans aucun trouble ni empêchement, toutes lesquelles dites pièces de procédure, le dit Besnier sera tenu de remettre au greffe de la communauté de cette ville pour à l'avenir servir d'enseignement à la postérité, et outre à la charge au dit Besnier de planter l'année prochaine, ou faire planter un pareil papegault, le premier dimanche du mois de mai, et de se conformer en tout aux règlements de police faits au sujet.

De tout quoi nous avons rapporté le présent pour valoir et servir ainsi que de raison, et pour la conservation des droits attribués aux habitants de cette ville, et rapporté dans l'auditoire de Châteaubriant en présence des dits habitants qui ont signé avec nous le dit jour et an que devant.

Le lieu où se tirait le papegault était donc dans les fossés du château qui longent la ville à l'orient. Cependant, nous croyons que, par suite des divisions qui éclatèrent entre les officiers de la juridiction seigneuriale et la municipalité, cet exercice se fit aussi dans les fossés de la ville qui avoisinent le four à ban. Voici en effet ce que nous apprend une délibération de la communauté de ville en date du 19 février 1681 : la longueur des armes dont on se servait, la forte charge qu'elles exigeaient, le petit nombre de fusils à la disposition des archers étaient cause que beaucoup d'habitants s'abstenaient de tirer ou ne pouvaient le faire. On arrêta, d'un consentement unanime, que les fusils seraient réduits à quatre pieds de long et la charge en conséquence. Il fut admis que les anciens enrôlés paieraient les cinq sols convenus lors de leur entrée, mais que ceux qui s'enrôleraient à l'avenir paieraient vingt-cinq sols, lesquelles rétributions iraient au profit de l'hôpital général. Pour bourrer leurs fusils, il y avait des archers qui se servaient de pelotes propres à mettre le feu dans les barges de fournilles destinées à chauffer le four qui se trouvait dans la tour où était planté le papegault; on régla que, désormais, les archers ne se serviraient que de papier pour bourrer leurs armes.

Les rôles que nous avons eux entre les mains portent les noms de trois cents archers au moins. En tête figurent les officiers de la baronnie, le gouvernement de la ville et du château, le sénéchal, l'alloué, le lieutenant, le procureur fiscal et le greffier. Après eux viennent : le roi du papegault; le connétable et le greffier du joyau, et en dernier lieu les simples archers.

Quoique ce privilége n'eût été accordé qu'à la demande et par la protection du seigneur baron, la ville, qui tendait toujours à concentrer entre ses mains toutes les affaires, finit par s'attribuer la police du papegault (1). Le profit qu'elle en retira fut mince. A partir de 1700, cet exercice donna lieu à des querelles qui se renouvelaient chaque année soit entre les habitants, soit entre l'administration seigneuriale et municipale qui, ne manquaient aucune occasion de se chicaner et de se jouer de mauvais tours. Le récit de quelques-unes de ces scènes, qui menaçaient quelquefois de passer du comique au tragique, divertira le lecteur du sérieux de l'histoire.

C'était en l'année 1704. Le sieur Caneven, tambour de ville, avait été révoqué de ses fonctions pour voies de fait et insultes envers les agents de l'autorité municipale, dans une lutte que nous rapporterons plus tard. Or, le jour arriva où Julien Yvon, roi du papegault en l'année précédente, devait aller présenter l'oiseau au château d'abord, puis à la mairie, pour le faire approuver. Caneven, malgré la défense qui lui avait été faite, s'empressa de porter sa caisse chez Yvon, pour donner, selon l'usage, plus de solennité à la marche. Le maire, instruit de ce qui se passait, envoya prendre la caisse. Caneven s'en procura une autre, retourna prendre Yvon et, suivi de toute une escorte, alla, tambour battant, porter le papegay à messieurs les officiers de la baronnie, sénéchal, alloué et procureur fiscal à qui il appartenait de visiter l'oiseau et de juger s'il était bien fait et selon les règlements. Puis, descendant du château, le cortège vint le présenter à l'Hôtel-de-Ville, toujours conduit par l'audacieux Caneven, qui battait la caisse à la barbe du maire. Celui-ci était trop jeune (2) pour souffrir patiemment une pareille insulte. Il se jette sur la fatale caisse pour l'arracher des mains de Caneven qui proteste, se débat et jette les hauts cris, prétendant qu'il n'agissait que par les ordres du procureur fiscal; mais le tambour resta aux mains du maire et force resta à l'autorité.







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