Janvier 2023 : Cet ouvrage vient d'être réédité, en tirage à la demande. Il s'agit d'une nouvelle édition entièrement recomposée, identique à l'édition originale, et non d'un fac-similé de mauvaise qualité. L'ouvrage de 370 pages est disponible en grand format (18x25cm) en version brochée (couverture souple), en version reliée (couverture rigide), ou bien en 4 petits fascicules à prix étudié, reprenant chacun une des quatre grandes parties de l'ouvrage). Une version Kindle est également disponible.

L'objectif de cette réédition était uniquement de proposer une lecture plus facile et agréable, et pour cela, l'ouvrage a entièrement été remis en page. Pour aider le lecteur à actualiser ses connaissances, une bibliographie mise à jour a été ajouté.

Châteaubriant, baronnie, ville et paroisse



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Chapitre V (suite)




Mais ne nous hâtons pas, et racontons avec quelques détails le rôle que jouèrent, dans cette lamentable histoire des dernières années du règne de François  II, Châteaubriant et ses seigneurs.

Après être demeurés six semaines devant Nantes, les Français furent forcés de lever le siège de cette ville, et leur armée prit la route de Joué, où elle se reposa quelque temps. Vers le même temps, Charles VIII, entré en Bretagne, visitait Ancenis et Clisson ; il rejoignit ses troupes le 13 août (1487), à Joué, et s'y fit accompagner du duc de Bourbon et de M. et de Mme de Beaujeu. Le roi tint un conseil de guerre à Joué, envoya l'armée française s'emparer de Dol et alla le lendemain 14 coucher à Châteaubriant.

Pendant le séjour du roi dans notre ville, plusieurs grands seigneurs vinrent l'y trouver ; c'était le vicomte de Rohan, le sire de Quintin et le maréchal de Rieux. Ces barons eurent de longues conférences avec Charles VIII, qui, fatigué des tergiversations politiques du comte de Laval, ordonna à ce dernier de le venir saluer à Châteaubriant. Guy XV, forcé d'obéir, vint trouver le roi, mais celui-ci le somma de lui livrer aussitôt sa ville de Vitré ; il fallut en passer par là, et Charles, après être demeuré quinze jours à Châteaubriant, quitta cette ville pour se rendre à Vitré, où il entra le 1er septembre (1).

Cependant, François de Laval, seigneur de Châteaubriant et de Montafilant, tenait toujours pour le roi ; aussi ce dernier lui envoya-t-il, au mois d'octobre suivant, une garnison française capable de soutenir le choc des bretons. Mais le sire de Châteaubriant ne tarda pas à changer de parti d'une assez singulière manière, à l'exemple de sa mère et de son beau-père.

Celui-ci, le maréchal de Rieux, comprenant enfin que le roi ne voulait tenir aucune de ses promesses faites par le traité de Châteaubriant, résolut de rentrer dans le devoir ; il avait été précédé par la comtesse de Laval, dame de Châteaubriant, dans cette sage résolution ; malheureusement, il était trop tard pour pouvoir sauver la Bretagne et son duc. Pour donner toutefois des preuves de son sincère retour au service de François II, le maréchal « incontinent après partit d'Ancenis sur le soir, accompagné de quelques gens de guerre en petit nombre, et marcha droit à Châteaubriant, ayant à sa queue une grosse troupe de gendarmes des ducs d'Orléans et de Bretagne, laquelle ayant pris un autre chemin, le joignit à la porte de cette ville. Ceux qui la gardaient, croyant que le maréchal était encore dans le parti du roi, lui ouvrir les portes. Il y entra, et après lui tous ses gens de guerre à la file, en si grand nombre qu'ils se trouvèrent plus forts que ceux du dedans. Le maréchal monta ensuite au château, où il trouva François de Laval, son gendre, seigneur de Montafilant et de Châteaubriant, qui soupait avec quelques autres gentilshommes. Il leur dit : « Messeigneurs, vous voyez que le roi ne nous a pas tenu ce qu'il nous avait promis, et que les articles dont on était convenus en ce château avec le cardinal de Bordeaux n'ont point été exécutés. Mais ce qui doit encore plus nous convaincre qu'on n'est point dans le dessein de tenir ce qu'on nous a promis, c'est que j'ai fait offrir au roi, depuis peu, que s'il voulait retirer son armée de Bretagne, on ferait sortir le duc d'Orléans et les autres qui servent de prétexte à la guerre qu'il fait à notre patrie commune. Il fermé les oreilles à ma proposition, tant il se croit sûr de la conquête de la Bretagne. C'en est trop ; il faut, dans ce danger, nous ressouvenir de ce que nous sommes. J'ai amené ici des gens de guerre pour garder cette place au nom du duc de notre souverain et légitime seigneur. Cependant, comme je suis entré en ami, je permets à ceux qui ne voudront pas prendre le parti où le devoir m'a engagé, de sortir avec leurs armes et leurs biens, les assurant qu'il ne leur sera fait aucun mal s'ils ne se rendent agresseurs (2). »

A ce discours, tous les convives furent frappés d'étonnement ; le seigneur de Châteaubriant crut qu'il ne pouvait mieux faire que d'imiter son beau-père et sa mère, et une partie des seigneurs présents suivirent cet exemple ; Châteaubriant rentra donc sous l'obéissance du duc de Bretagne qu'elle n'eût dû jamais abandonner.

A partir de ce moment, la plupart des barons ouvrirent enfin les yeux, implorèrent le pardon de François II, et cherchèrent, - mais hélas ! trop tard, - à réparer leurs fautes, en rivalisant d'ardeur pour la cause nationale. La reprise de Châteaubriant et d'Ancenis fut suivie de celle de Vannes, et Charles VIII lui-même commença à s'inquiéter. Aussi ce prince s'empressa-t-il de venir, au mois de mars 1488, organiser à Tours une nouvelle armée qui fut prête à entrer en Bretagne le mois suivant.

Comme Châteaubriant était une des plus fortes places des frontières bretonnes, ce fut vers cette ville que les troupes françaises se dirigèrent d'abord. Le sire de la Tremouille, lieutenant-général du royaume, accompagné du seigneur de Baudricourt, gouverneur de Bourgogne, de Gaston du Lion, sénéchal de Toulouse, du vicomte d'Aunoy, du seigneur de Saint-André et de plusieurs autres capitaines, commandait cette armée, forte de douze mille bons combattants et d'une nombreuse artillerie.

De son côté, le duc de Bretagne avait mis tous ses soins à fortifier Châteaubriant. Il y avait placé « douze cents des meilleurs guerriers qu'il y eût dans le pays, tant Bretons que Gascons. » La place était bien garnie de vivres, et Odet d'Aydie, sénéchal de Carcassonne, y commandait avec Gilles de Condest, seigneur de la Morteraye (3). En même temps, François II levait à son tour une armée à la tête de laquelle se trouvaient les plus grands seigneurs du duché, « sachant que les Français assiégeaient Châteaubriant. » La détresse était alors si grande en Bretagne, que le malheureux duc fut obligé, pour former cette armée, « d'épuiser son épargne et de vendre même ses bagues, joyaux d'or et pierreries et ceux qui étaient aux Carmes de Nantes (4). »

Tel était donc l'état des choses lorsque le siège de Châteaubriant commença.

L'armée française parut devant nos murs le 15 avril 1488. Dès qu'elle se fût montrée, les assiégés tentèrent une sortie ; « ils voulurent escarmoucher, dit D. Lobineau, et firent de belles actions, mais ils furent si vivement repoussés qu'ils regagnèrent au plus tôt les portes. » Les Français prirent alors leurs quartiers autour de la ville, et l'artillerie commença aussitôt à foudroyer les murs.







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