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Châteaubriant, baronnie, ville et paroisse



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Chapitre II (suite)




Geoffroy IV épousa, quelque temps après, Aumur ou Amaurye de Thouars, fille du vicomte de Thouars, seigneur de Talmont et d'Agnès de Laval.

Désormais ce seigneur ne figure plus dans l'histoire que par ses testaments. Etant un jour dans son château de Vioreau, situé dans la forêt de ce nom, non loin de Châteaubriant, Geoffroy fit un premier testament, à une époque indéterminée.

Mais au mois de septembre 1262, il en fit un second, sans annuler le premier. Ce dernier testament est un des titres les plus curieux de l'histoire du temps ; qu'on me permette donc d'en faire l'analyse (1).

Le seigneur de Châteaubriant commence par obliger ses exécuteurs testamentaires à payer ses dettes et à réparer les dommages qu'il a pu faire à autrui ; il leur laisse à cet effet deux cents livres de rentes sur ses forêts de Juigné et de Teillay, et mille livres à prendre sur ses meubles et sur son bois de Vioreau, réservant toutefois une partie de ce bois pour l'entretien de son manoir du même nom.

S'occupant ensuite de pieuses fondations, il confirme et augmente les rentes du monastère de la Trinité ; lui concède plusieurs beaux droits, et fonde, dans l'église de ce prieuré, une chapellenie pour le repos de l'âme de sa première femme, Sibylle.

Puis, il lègue de fortes sommes à l'abbaye de Saint-Nicolas d'Angers, à la fabrique de Saint-Pierre de Rennes, à d'autres abbayes d'Anjou, et à de nombreux couvents de dominicains. Au prieuré de la Primaudière, il laisse 10 livres de rente sur sa terre de Chalain ; à l'abbaye de Melleray, il assigne 21 livres de rente, afin qu'à l'avenir, les religieux de ce monastère puissent manger du pain de froment ; à Saint-Martin de Teillay, il laisse 50 livres de rente, et aux Templiers un cheval du même prix de 50 livres, somme considérable à cette époque. Il nomme dom Sauvage, prieur de Béré, l'un de ses exécuteurs testamentaires, et veut que l'église de Notre-Dame de Châteaubriant soit achevée à ses dépens.

Geoffroy s'occupe ensuite de sa famille. A sa femme Amaurye de Thouars il lègue 500 livres de rente pour sa part de mobilier, outre sa dot et sa terre patrimoniale. Selon les lois du pays, il laisse sa baronnie de Châteaubriant toute entière à son fils aîné Geoffroy, mais il donne à ses autres enfants, d'une façons générale, ses terres de Chalain, Candé et le Lyon d'Angers. Il fait de plus quelques donations particulières à plusieurs d'entre eux ; ainsi son fils Brient, nommé son exécuteur testamentaire, reçoit les revenus des deux forges de Juigné et de Teillay et sa fille Guyote a 50 livres et deux charretées de vin.

Notre baron n'oublie point ses vassaux : il répète encore qu'il veut qu'après sa mort justice soit faite à tous ; si son père a causé quelques dommages, notamment dans les paroisses de Joué et de Saint-Aubin, il ordonne qu'on les répare immédiatement (2). Quant aux tailles, c'est-à-dire aux impôts levés sur ses sujets, il défend qu'on les augmente, et ordonne même qu'on les réduise, comme elles étaient sous son prédécesseur, s'il lui est arrivé d'en augmenter quelques-unes ; il renonce même à certains impôts qu'il prélevait dans la paroisse de Bain, et abandonne à tous ses vassaux ses droits dits de blé sur les cours d'eau de sa seigneurie (3).

Ce remarquable testament de Geoffroy IV, scellé de dix-huit sceaux, fut spécialement confié aux soins du grand-maître des Templiers d'Aquitaine. On voit dans cet acte tout un côté du moyen-âge se révélant à nous. Le seigneur de Châteaubriant s'y montre, non comme un de ces farouches tyrans rêvés par nos romanciers modernes, mais, au contraire, comme un pieux chrétien, un bon père de famille, un seigneur soucieux du bonheur de ses vassaux. On n'y trouve ni trace d'une dévotion pusillanime, ni apparence d'une trop grande rigueur dans l'exercice du droit d'aînesse, ni preuve des vexations imaginaires employées, dit-on, par les hauts barons à l'égard de leurs sujets. Aussi cette page de l'histoire de Châteaubriant m'a-t-elle paru si intéressante, que j'ai cru devoir la publier dans tout son développement.

Geoffroy IV mourut peu de temps après avoir fait son testament, le 29 mars 1263, suivant le Cartulaire de la Primaudière ; son corps fut déposé dans l'église priorale de la Trinité, qu'il avait fondée, auprès de sa première femme Sibylle. En 1663, on voyait encore, dans « l'enclos du balustre du maître-autel, un monument enfoncé dans le mur, à la hauteur de quatre pieds et demy de terre, du costé de l'épistre.... ce monument soustient la figure d'un homme, au côté duquel est un bouclier chargé des armes de Chasteaubriant, et nous a dit un des religieux de la Trinité présent, qu'audessous dudit monument, il y avait une cave ou charnier où repose le corps qui est représenté par ladite figure (4). » Nous croyons volontiers que le tombeau de ce chevalier inhumé près du maître-autel était celui du fondateur de la Trinité.

Les armoiries représentées sur le tombeau de Geoffroy IV nous amènent naturellement à parler du blason des sires de Châteaubriant. Les premiers seigneurs de notre ville portèrent dans leurs armes un papelloné ou plutôt des plumes de paon sans nombre, comme le témoignent les sceaux de Geoffroy II, en 1199, et de Geoffroy III, en 1214 et en 1217, publiés par D. Morice. Le P. du Paz prétend toutefois que le même Geoffroy III portait de gueules à des pommes de pin sans nombre, et qu'un sceau ainsi blasonné était attaché à l'acte de fondation de la Primaudière (1207). Il se peut que ce savant généalogiste ait pris pour des pommes de pin le papelloné dont les bénédictins nous ont conservé la figure dans trois sceaux différents ; il se peut aussi que Geoffroy III ait changé de sceau, comme D. Lobineau avoue que le faisaient parfois les seigneurs de cette époque. Quoi qu'il en soit des premières armoiries de Châteaubriant, Geoffroy IV reçut de Saint-Louis, en récompense de sa valeur et de sa fidélité, le plus glorieux blason. Ce roi lui accorda, ainsi qu'à ses descendants, la permission de porter les armes royales de France, les fleurs de lys alors sans nombre, sauf le champ qu'il fit de gueules (5). Et faisant allusion à cette couleur rouge qui, dans le fond de l'écusson, remplaçait l'azur du blason royal, les seigneurs de Châteaubriant prirent pour devise cette magnifique parole : « notre sang teint les bannières de France, » constant témoignage de la reconnaissance et du dévouement de nos barons à l'égard de leurs rois (6).

Geoffroy IV avait eu six enfants de ses deux mariages, sans que nous sachions de quel lit sortît chacun d'eux, sauf l'aîné qui naquit certainement de Sibylle. Ces enfants étaient : 1° Geoffroy V, qui lui succéda ; - 2° Brient, chevalier, mentionné dans le testament de son père ; - 3° Jean, chevalier, qui vivait en 1286 ; - 4° Sibylle, mariée à Maurice de Belleville, seigneur de la Garnache et de Montaigu ; - 5° Marquise ; - 6° Enfin, Guyote dont on ignore l'alliance probablement peu fortunée, comme l'insinue le testament de Geoffroy IV, qui ordonne à cette dame de rejoindre son mari.

La veuve du baron de Châteaubriant, Amaurye de Thouars, se remaria avec un chevalier nommé Olivier de l'Isle, et Geoffroy V ajouta à son douaire, en 1266, cent livres de rente quil avait coutume de prendre « en la borse de monseigneur le roy de Sicile », et trente livres de rente sur « sa châtellenie de la Flèche. » (7).







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