Janvier 2023 : Cet ouvrage vient d'être réédité, en tirage à la demande. Il s'agit d'une nouvelle édition entièrement recomposée, identique à l'édition originale, et non d'un fac-similé de mauvaise qualité. L'ouvrage de 370 pages est disponible en grand format (18x25cm) en version brochée (couverture souple), en version reliée (couverture rigide), ou bien en 4 petits fascicules à prix étudié, reprenant chacun une des quatre grandes parties de l'ouvrage). Une version Kindle est également disponible.

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Châteaubriant, baronnie, ville et paroisse



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Mémoires du doyen P. Blays (suite).





La mission commença le dimanche 13me jour de janvier ; le 22me ensuite, Messieurs le doyen et prêtres allèrent processionnellement de la chapelle de Saint-Nicolas à la maison du sieur de la Pilorgerie-Luette, frère du recteur de Sarzeau, où était ce saint corps dans une caisse. La caisse était dans un coffre dont, pour plus grande sûreté, le doyen avait la clef ; et là, en présence de Messieurs les Officiers, des habitants et des paroissiens, le corps, levé de cette caisse et placé dans sa châsse en forme d’urne, fut livré par le sieur de la Pilorgerie, comme procureur de son frère, à Monsieur le doyen qui, l’ayant mis en même temps sur un brancard proprement orné et surmonté d’un riche dais, fut porté dans la chapelle de Saint-Nicolas pour satisfaire à la dévotion des peuples. De toutes parts, on accourait toujours en grande affluence à cette célèbre mission, chacun désirant honorer les dépouilles sacrées du grand saint Victorien qui, de chevalier romain, avait été fait sous-diacre de l’église romaine par le pape Caius, et enfin était devenu martyr de Jésus-Christ. La procession arrivée en cette chapelle, le corps saint fut placé sur l’autel de saint Julien, dans la nef, entre deux anges, sous un dais magnifique, au-dessus desquels était la représentation de saint Victorien supporté par un autre ange, qui, des deux mains, lui soutenait le pied ; deux autres anges le portaient par les bras, pour l’enlever dans le ciel. A l’entrée de la gloire paraissait Notre Seigneur un peu penché, tendant les mains, comme pour recevoir ce généreux martyr et lui mettre sur la tête une couronne que lui présentait avec respect un autre ange. Au-dessus de tout ceci, on voyait le Père-Eternel et le Saint-Esprit qui le recevaient dans le ciel pour lui donner la récompense des victoires qu’il avait remportées sur les ennemis du nom de Jésus-Christ. Ce saint corps demeura exposé sur cet autel, en cette manière, jusqu’au 31 du mois de janvier, jour qui fut choisi pour la translation solennelle. Il fut transporté de Saint-Nicolas, où il avait été exposé depuis le 22 du dit mois, dans l’église paroissiale de Châteaubriant.

Plus de vingt mille personnes s’empressèrent de venir vénérer les reliques sacrées de ce grand saint que la divine miséricorde avait tenu caché tant de siècles, pour le faire connaître en celui-ci, et le donner, par un effet de sa paternelle bonté en notre endroit, pour protecteur extraordinaire à notre paroisse, en même temps que pour faire voir à tout ce grand peuple, à l’honneur de ses saints, une cérémonie aussi belle et si rare qu’il ne s’en était encore point vu de pareille en ce pays.

Ce jour donc, au matin, treize ou quatorze paroisses étant arrivées processionnellement, le révérend Père Honoré fut obligé de prêcher sur la place publique, vers les neuf heures, soit afin de donner le loisir et la commodité au grand nombre de prêtres de célébrer la sainte messe, soit à cause de la foule qui était telle, que plusieurs églises n’eussent pu la contenir. Entre midi et une heure, cet homme infatigable monta encore en chaire au même lieu, et la prédication finie, la procession forma ses rangs pour aller à l’église de la paroisse. Voici dans quel ordre on marchait : une compagnie de la plus belle jeunesse, au nombre de plus de deux cents, marchait au son des tambours, suivait la bannière de Saint-Victorien, où il était représenté d’un côté, dans son martyr, et de l’autre dans la gloire. Cette bannière fut suspendue dans la nef de l’église paroissialle. Elle était suivie de celles des paroisses. On voyait ensuite une compagnie de jeunes enfants et une autre de petites filles vêtus en anges. Venaient ensuite deux autres troupes, l’une de jeunes garçons en habits de bergers, et l’autre de jeunes filles vêtues de blanc ; enfin grand nombre d’écoliers de notre ville et des paroisses voisines, chaque troupe ayant avec elle un guidon de notre saint. Derrière tous ces groupes s’avançaient les croix des paroisses, dans l’ordre de prise de possession de leurs recteurs, suivies de Mrs les ecclésiastiques et recteurs en chappes ; enfin apparaissait le saint corps, sur un brancard proprement orné, sous un riche dais, et porté par les deux plus anciens prêtres de Châteaubriant, revêtus d’aubes et de tuniques. Après quoi marchait seul le doyen, en chasuble, comme présidant cette grande cérémonie et tenant la place que Monseigneur Gilles de Beauveau, évêque de Nantes, avait fait espérer d’occuper, s’il n’eut point été indisposé. Mrs les Officiers en robe venaient ensuite, et après eux un peuple innombrable.

Ce qui rendit cette longue procession plus remarquable, c’est que dans toute cette foule l’on n’eut à déplorer aucun des désordres assez ordinaires en semblables occasions. Quoiqu’on fut menacé d’orage et de pluie, le ciel devint tout d’un coup si clair et si beau, que durant cette marche, qui dura près d’une heure et demie, il ne tomba une goutte d’eau, la pluie demeurant comme suspendue jusqu’à ce que ces sacrées dépouilles furent entrées dans l’église de la paroisse.

Elles furent déposées sur l’autel de la chapelle de l’Ecce-Homo, où les fidèles purent satisfaire leur dévotion ce jour et les jours suivants. Ensuit, le corps du saint martyr fut placé avec les autres reliques dans l’armoire où elles sont à présent, du côté de l’évangile. Elles n’en sont tirées que dans les nécessités publiques, et tous les ans, le jour de la fête de saint Victorien, qui arrive le 7 juillet, pour être exposées et portées en procession avec une grande solennité. On les expose encore le jour de l’exaltation de Sainte-Croix, 14me de septembre, où peu de ceux qui viennent à la grande foire, qui se tient à Béré ce jour-là, s’en retournent sans lui avoir rendu leurs hommages. Aussi la plupart prennent l’occasion de ce grand concours pour s’acquitter de leurs vœux et y faire leurs voyages.

Bien que dans ces deux grands jours, il se fasse le plus grand concours auprès de ce saint corps, il y vient cependant, tout le long de l’année, une infinité de personnes pour y trouver le soulagement et la guérison de leurs maux, car il n’y en a guère qui ne reçoivent de grands biens par l’intercession du grand saint Victorien, et il est très-vrai que depuis sa translation, qui fut, en 1686, jusqu’à présent 1697, il s’est opéré une infinité de miracles très-avérés. Un aveugle-né y a reçu la vue ; plusieurs, qui n’avaient jamais marché ou ne marchaient plus depuis quelques années, y ont reçu l’usage de leurs pieds et de leurs jambes ; d’autres, de leurs bras ; d’autres ont recouvré l’ouïe et la vue, dont ils avaient été privés depuis longtemps ; quelques autres, guéris du mal caduc, de hernies, d’hydropisies, de fièvres, et quantité qui, pour être désespérés et abandonnés des médecins, semblaient devoir bientôt expirer, s’y étant recommandés ou y ayant été recommandés par les assistants, ne le pouvant faire eux-mêmes au moment, ont été notablement soulagés, et enfin ont recouvré leur parfaite santé.

Pour s’assurer de la vérité de ce que je dis, il ne faut que jeter les yeux sur la grande quantité de vœux qu’on y a apportés et qu’on y apporte encore tous les jours par reconnaissance des guérisons qu’on y reçoit non seulement pour soi, mais aussi pour les bestiaux et pour les grains. Il ne faut que savoir l’efficacité de son intercession, pour obtenir de la pluie ou du beau temps, dans le besoin, ainsi que l’ont expérimenté plusieurs paroisses qui sont venues processionnellement le demander. En un mot, il s’est tant opéré de merveilles par l’intercession de ce grand saint, que si j’entreprenais de les rapporter toutes, il y en aurait assez pour remplir un volume ; aussi ne le prétends-je pas. Je me contenterai d’en rapporter quelques-unes, dont l’exposition nous fera assez demeurer d’accord avec ce que j’avance.







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