Janvier 2023 : Cet ouvrage vient d'être réédité, en tirage à la demande. Il s'agit d'une nouvelle édition entièrement recomposée, identique à l'édition originale, et non d'un fac-similé de mauvaise qualité. L'ouvrage de 370 pages est disponible en grand format (18x25cm) en version brochée (couverture souple), en version reliée (couverture rigide), ou bien en 4 petits fascicules à prix étudié, reprenant chacun une des quatre grandes parties de l'ouvrage). Une version Kindle est également disponible.
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30 novembre 1794. - Après ces émotions, et pour consoler la Société des défections qui la menaçaient d'une prochaine dissolution, l'ex-curé de Saint-Vincent, devenu instituteur, lui procura un spectacle bien capable de l'édifier et de l'attendrir. Il amenait avec lui deux de ses jeunes élèves, Joseph et François B , charmants enfants ornés, l'un de huit, l'autre de dix printemps. De son côté, le citoyen X présentait sa fille, Melle Éléonore, qui, sans doute, ignorait les grâces des ses cinq ans. Les trois imberbes prirent place aux côtés de Phelippe, à qui incombait en ce jour l'honneur de la présidence, et récitèrent, à la grande satisfaction de toute l'assemblée, un catéchisme nouveau, où il n'était question ni de Dieu, ni du ciel, mais des droits de l'homme et du citoyen. On applaudit à outrance, et le président leur donna même l'accolade fraternelle. Il fut arrêté qu'on en ferait une mention civique au procès-verbal, et que, pour encourager les autres élèves à entrer dans une si belle voie, les trois bambins continueraient à siéger auprès du président, récompense qui sera accordée à l'avenir à tous ceux et celles qui réciteront dans la Société les droits de l'homme.
Un membre osa demander qu'il fût frappé une médaille d'encouragement en leur honneur ; mais un autre observa que la Convention nationale s'occupait des récompenses à donner aux élèves qui se distinguent dans leurs études et qu'il ne fallait rien préjuger à cet égard ; que, d'ailleurs, les écoliers paraissaient suffisamment satisfaits des honneurs qui venait de leur être décernés. Heureux élèves !
Je répète que je m'abstiendrais d'entrer dans tous ces détails, si je n'étais convaincu qu'ils renferment de salutaires leçons, et que ces leçons peuvent éviter des surprises. C'est aux morts à instruire les vivants, et l'histoire ne serait plus l'histoire, si elle gardait un trop craintif et trop prudent silence.
Terminons ce qui nous reste à dire de cet homme par une pièce qui achèvera de nous faire connaître ses antécédents, son début dans l'erreur et les sophismes dont il couvrait son aveuglement.
10 Juin 1795. - « Aujourd'hui, primidi, 21 prairial an III de la Rép. une et Ind., moi, Mathurin-Joseph Phelippe, instituteur des écoles primaires de cette commune de Châteaubriant, prêtre catholique, en union et communion avec la sainte Église catholique, apostolique et romaine (mensonge !), ayant toujours cru qu'un homme sage, prudent et même évangélique devait se soumettre aux lois de l'Etat dans lequel il existait, afin non seulement de ne point troubler l'ordre social et la bonne harmonie qui doit toujours régner dans un Etat politique quelconque, mais, au contraire, consolider autant qu'il est en lui et fortifier l'un et l'autre pour le bien général de l'Etat et celui des individus qui le composent ; ayant déjà donné des preuves incontestables de ma soumission aux lois de la France, ma patrie, soit en prêtant le serment requis par les décrets de l'Assemblée constituante, relatifs à la constitution civile du clergé, en qualité de vicaire d'Escoublac, au district de Guérande, où j'eus l'honneur d'être maire et électeur, soit en répétant le même serment en prenant possession de la cure de Saint-Vincent, au district de Châteaubriant, à laquelle je fus nommé à la demande des habitants de cette commune par les électeurs de ce district (serment que je répétai lors de l'érection de la France en République) et dont le terrorisme m'arracha le 19 pluviôse de l'an II de la Rép., sous Carrier (8 février 1794) ; ayant été obligé de livrer mes lettres de prêtrise et d'abdiquer mes fonctions pour ma tirer de prison et sauver ma vie ;
» Considérant que le décret de la Convention, rendu dans sa séance du 11 de ce mois, oblige tout ministre, de quelque culte que ce soit, à se faire décerner acte de sa soumission aux lois de la Rép., par la municipalité du lieu où il voudra exercer les fonctions de son culte, et qu'il est impossible de se faire décerner acte de soumission sans avoir auparavant constaté sa soumission par un acte ;
Considérant, secondement, que quoique cette soumission requise n'emporte pas, dans les termes du décret, la qualité du serment, quoique, à mon avis, c'en soit véritablement un que tout catholique et à plus forte raison un prêtre doit faire avec plaisir, et qu'il ne peut refuser sans se souiller d'apostasie envers son culte et sa religion, et de trahison envers sa patrie ;
Considérant en outre, qu'il est bien doux pour un prêtre de se voir libre d'exercer les saintes et redoutables fonctions du sacré ministère, après avoir gémi si longtemps d'une privation si funeste pour un cur vraiment attaché à son Dieu et à sa patrie,
Je déclare :
1° Conformément au décret de la Convention, me soumettre pleinement et entièrement aux lois de la République française une et indivisible, lois, dis-je, venues et à venir, décrétées et à décréter ;
Je déclare :
2° Être, en conséquence, dans l'intention d'exercer mes fonctions sacerdotales dans cette cité, dans le lieu destiné par la loi à ce pieux usage, lorsque j'en serai requis par quelques individus ;
Je déclare :
3° Être dans le dessein d'exercer les fonctions de mon culte dans tous les lieux de la République française, lorsque j'en serai requis, en m'assujettissant à la même déclaration aux municipalités des lieux.
Déclare, au surplus, ne point abdiquer ma place d'instituteur de cette commune, ni renoncer à la pension que la Convention, dans sa justice bienfaisante, a daigné m'accorder comme prêtre conformiste, et à laquelle j'aurai toujours recours au besoin.
En foi de tout ce que dessus j'ai écrit de ma propre main la présente déclaration sur le registre courant de la municipalité dudit Châteaubriant pour constater ma soumission aux lois de la République et y avoir recours au besoin.
Signé : Phelippe (1)
Je renonce à dire ce que fut, dans la malheureuse et si chrétienne paroisse de Sion, l'intrus Lucas, dont les allures furent celles d'un dragon qui ne respecte ni la religion, ni les murs ; - à Erbray, à Saint-Julien, à la Chapelle-Glain, presque partout, la conduite, la conduite des constitutionnels était si peu en harmonie avec leur caractère, qu'ils allaient jusqu'à exercer le saint ministère dans un état complet d'ivresse. Aussi les royalistes les poursuivaient à outrance et en tuèrent plusieurs. Plutôt que de voir leurs églises souillées par leur présence on livrées aux profanations les plus sacrilèges, ils préférèrent y mettre le feu ; c'est ce qu'ils firent, notamment pour les églises de la Chapelle, de Soudan et d'Erbray.
Passons encore sous silence les noms de quelques autres apostats, par exemple, d'un ex-cordelier de Saint-Martin de Teillé, d'un intrus de Fercé, d'Auverné et d'un autre malheureux vieillard qui, pour conserver sa cure et quelques jours d'une vieillesse infirme et décrépite, déshonora ses cheveux blancs, en livrant, comme les autres, ses lettres d'ordination.
Les chefs du parti anarchiste voulaient à toute force avoir ces lettres, et traitaient de contre-révolutionnaires les prêtres qui les gardaient avec eux, disaient-ils, dans l'espoir d'un nouveau messie. Leur inquiétude se traduit dans tous leurs discours ; les cheveux leur dressent sur la tête à la pensée des orages et des malheurs dont ils étaient menacés, si le règne de la philosophie, de l'égalité et de la liberté venait à finir.
Cependant ils ne s'entendaient plus sur les moyens à prendre pour assurer ce règne. L'un proposait la violence ; l'autre la persuasion, s'appuyant sur un décret qui défend d'attenter à la liberté des cultes ; il proposait de députer deux membres de la Société républicaine pour convertir à la raison les prêtres qui n'avaient pas encore déposé leurs lettres. C'était le nec plus ultra de l'absurde. Qu'on juge maintenant de quel côté étaient les fanatiques !
En regard de ces défections attristantes, que ne pouvons-nous mettre l'héroïque fidélité des généreux confesseurs de la foi qui préfèrent la mort au parjure, et qui exposèrent cent fois leur vie dans les périls de la proscription, au milieu de faux frères, afin de ménager les consolations de leur saint ministère aux brebis fidèles.
Malheureusement nous arrivons trop tard pour recueillir tous ces noms perdus dans l'humilité de leur vie, ou ensevelis dans la tombe avec ceux qui les ont connus et vénérés sur la terre. Cependant, à force de recherches, nous sommes parvenus à en tirer de l'oubli un certain nombre, et c'est avec bonheur que nous les faisons, pour ainsi dire, revivre dans ces lieux qu'ils sanctifièrent, et dans le cur des enfants de ceux dont ils furent les pères spirituels et les dignes pasteurs.
Nous donnerons la première place dans cette liste glorieuse à M. Moyon, ancien curé d'Auverné, âgé de 64 ans. Il s'était réfugié à Nantes, chez une vertueuse dame qui le cachait soigneusement pour le soustraire aux bourreaux ; mais il fut dénoncé par une misérable servante, et arrêté par un agent de Carrier, nommé Lamberty. Ce Lamberty, jacobin enragé, et l'un des plus fidèles séides du proconsul nantais, était le filleul de l'infortuné curé d'Auverné. Il lui banda les yeux, le garotta et le conduisit au bateau à soupape. Me menez-vous à la noyade ? lui demanda le pauvre prêtre effrayé. - Non, lui répondit le scélérat, en se faisant un jeu du mensonge. Arrivé au bateau, le barbare filleul enchaîne son parrain à un autre prêtre et précipite lui-même dans l'eau les deux victimes. Le curé d'Auverné pousse un cri déchirant, se débat un instant sur l'abîme avec son compagnon et parvient à s'accrocher d'une main au bord du bateau, en implorant la pitié de son filleul ; mais le monstre dégaîne froidement son sabre, et, d'un seul coup, lui tranche le poignet.