Janvier 2023 : Cet ouvrage vient d'être réédité, en tirage à la demande. Il s'agit d'une nouvelle édition entièrement recomposée, identique à l'édition originale, et non d'un fac-similé de mauvaise qualité. L'ouvrage de 370 pages est disponible en grand format (18x25cm) en version brochée (couverture souple), en version reliée (couverture rigide), ou bien en 4 petits fascicules à prix étudié, reprenant chacun une des quatre grandes parties de l'ouvrage). Une version Kindle est également disponible.

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Châteaubriant, baronnie, ville et paroisse



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Chapitre IV.




5 mars 1793. – Décidément, la petite ville de Châteaubriant avait peu progressé dans l'esprit révolutionnaire. Le peuple était demeuré sincèrement attaché à sa religion et à son roi, et le parti libéral était modéré. Cette fraction très-minime avait du reste à compter avec tout le pays, au sein duquel nous allons voir surgir une autre Vendée. Nous avons vu bien des soulèvements partiels à l'occasion de l'enlèvement des prêtres fidèles : depuis, le mécontentement n'avait fait que s'accroître ; à la nouvelle de la mort du roi, il ne connut plus de bornes. L'indignation contre un gouvernement qui avait osé souiller ses mains dans le sang du plus doux et du plus juste des princes, souleva toutes les âmes honnêtes et arma tous les bras. – La levée de trois cent mille hommes, ordonnée par la Convention (1), fut le signal d'une insurrection aussi subite que générale. Semblable à un incendie poussé par le souffle impétueux de la tempête, elle s'étendit en quelques jours des rives de la Loire aux murs de Châteaubriant, et des bords de la Vilaine jusqu'aux portes d'Angers.

12 mars. – La première nouvelle du mouvement insurrectionnel partit de Joué, sur lequel s'étaient jetés les royalistes de Petit-Mars, Saint-Mars-du-Désert, Ligné, le Cellier, Couffé et Carquefou, et dont ils avaient désarmé la garde nationale. On apprenait en même temps que des attroupements s'étaient formés à Issé contre le juge de paix et contre Nolet, l'intrus. Celui-ci n'avait échappé au danger qu'en prenant la fuite, et était venu à Châteaubriant faire sa déclaration.

A Rougé, les jeunes gens se sont aussi déclarés en révolte, ont pris la cocarde blanche et refusent de tirer au sort. Ils en veulent particulièrement au procureur de la commune, qui s'est enfui.

Un courrier envoyé par le maire de Moisdon annonce qu'un rassemblement de plus de 500 hommes vient de se former. Ils se sont portés sur le Grand-Auverné, où ils ont demandé la liste du recrutement pour la brûler. Divers particuliers, les maîtres de forges, les gendarmes, ont été désarmés par eux. Le tocsin sonne nuit et jour dans les paroisses voisines ; tout y est en mouvement. L'attroupement s'est encore grossi dans la journée d'une foule de gens du Petit-Auverné, de Saint-Julien et de Meilleraye. On porte à 3,000 le nombre des insurgés, ayant à leur tête Maussion et Varrin. La cocarde blanche a été arborée et les couleurs nationales foulées aux pieds; le maire de Moisdon lui-même s'est joint à eux et les a suivi dans leurs excursions. Les révoltés parlent de marcher sur le chef-lieu du district et d'y mettre tout à feu et à sang. Les mêmes choses se passent dans les paroisses de Soudan, d'Erbray, de Derval, de Sion, etc.

D'autres courriers rapportent que 3 à 4,000 royalistes se sont portés sur Nort. Trois fois repoussés, trois fois il sont revenus à la charge et ont fini par déloger la garnison, qui bat en retraite sur Châteaubriant.

A ces tristes nouvelles, le Directoire, ne sachant à quel parti s'arrêter, se rendit à la municipalité pour s'entendre avec elle et concerter les mesures à prendre en un danger si pressant. Deux officiers municipaux furent envoyés à Nantes prendre connaissance de ce qui se passait. Partout, sur leur passage, ils trouvèrent les paroisses soulevées. Craignant de tomber entre les mains d'un rassemblement considérable, qui s'était porté au pont du Cens, ils rétrogradèrent vers Héric, où ils entendirent le bruit du tambour et de la fusillade. Toute la population de Nozay tremblait d'être enveloppée d'un moment à l'autre par ceux de Vay, de Treffieux et de Saffré. Comme on attribuait au recrutement de l'armée le soulèvement des paroisses, et qu'on craignait que Châteaubriant ne suivît aussi l'exemple des campagnes, on y suspendit les opérations du tirage ; on fit des provisions de toutes sortes, en pain, viande, foin, etc., pour être en état de recevoir les secours qu'on avait envoyé chercher de tous côtés, à Nantes, Rennes, Angers, Ancenis. La générale battit dans toutes les rues, ordre fut donné à tous les citoyens de se réunir sur le champ avec des armes de toutes sortes, fusils, sabres, fourches, piques, etc., sur la place Saint-Nicolas. Quiconque refuserait de se rendre à cet appel devait être regardé comme traître à la patrie et puni comme tel.

L'appel fait aux frères et amis du voisinage avait été entendu. La Guerche et Vitré envoyaient 1,000 hommes ; Janzé et Marcillé, 60 volontaires; Rhetiers et le Theil, autant. Les villes de Laval et de Mayenne fournissaient un important secours de 2,000 hommes. Le 16, Craon, Pouancé et le environs accouraient avec 500 gardes nationaux, traînant après eux 19 prisonniers faits à Soudan avec un jeune homme blessé et attaché sur un canon. De tous cotés, les cantons voisins de Châteaubriant lui envoyaient tout ce qu'ils pouvaient trouver de patriotes. Ruffigné se distingua en cette circonstance en offrant de fournir un bon nombre d'hommes tout armés. On pense qu'il se trouvait près de neuf mille hommes concentrés en cette ville. Ces forces réunies et dirigées par des chefs exercés, étaient bien capables de dissiper tous les attroupements et d'étouffer un mouvement qui n'était ni prévu ni organisé.

20 mars. – Au moment où cette armée allait se mettre en campagne, les corps constitués de Châteaubriant lui adressèrent la lettre suivante :


« Citoyens,


« Des brigands se sont rassemblés de toutes parts pour tomber sur la ville de Châteaubriant, pour forcer les habitants à fouler la cocarde tricolore sous les pieds et à arborer la cocarde blanche. L'alarme a sonné : tous les bons citoyens se sont réunis pour repousser cette horde de scélérats. Déjà plusieurs d'entr'eux tremblent à la nouvelle du rassemblement des amis de la liberté et de l'égalité. Ils se jetteront à vos genoux ; soyons humains et généreux, frères et amis ! Emparons-nous de leurs personnes, mais ne souillons pas nos armes dans le sang de ces malheureux qui sont conduits et trompés par des scélérats qui ne paraissent point. Et vous, chefs d'une armée qui nous est chère, vous n'arrêterez l'ardeur et la vengeance de nos défendeurs, en maintenant l'ordre. Et vous, soutiens d'une si belle cause, votre patriotisme et votre générosité nous répondent de votre soumission aux ordres de vos chefs; vous ne tremperez pas vos armes dans le sang de vos ennemis vaincus ! »

Cette lettre honore les administrateurs qui l'ont écrite. Ils comprenaient les malheurs des guerres civiles et ne voyaient, dans ceux qu'ils allaient combattre, que ces citoyens dont ils auraient voulu épargner le sang. Pourquoi tous les amis de la République ne pensèrent-ils pas toujours ainsi !

Une force si imposante dut faire rentrer dans l'ordre les communes insurgées et disperser tous les rassemblements. Du moins, il est certain que ce mouvement n'eut pas de suites. On fit 96 prisonniers qui furent envoyés à Nantes, où plusieurs furent guillotinés, comme convaincus d'avoir porté les armes contre la République. On les fit escorter par 500 hommes de Laval et de la Guerche, qu'on envoyait faire une expédition sur le Ponthus, près Nort, où les royalistes s'étaient retranchés.







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