Janvier 2023 : Cet ouvrage vient d'être réédité, en tirage à la demande. Il s'agit d'une nouvelle édition entièrement recomposée, identique à l'édition originale, et non d'un fac-similé de mauvaise qualité. L'ouvrage de 370 pages est disponible en grand format (18x25cm) en version brochée (couverture souple), en version reliée (couverture rigide), ou bien en 4 petits fascicules à prix étudié, reprenant chacun une des quatre grandes parties de l'ouvrage). Une version Kindle est également disponible.

L'objectif de cette réédition était uniquement de proposer une lecture plus facile et agréable, et pour cela, l'ouvrage a entièrement été remis en page. Pour aider le lecteur à actualiser ses connaissances, une bibliographie mise à jour a été ajouté.

Châteaubriant, baronnie, ville et paroisse



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Chapitre III (suite)




Le 24 septembre, arriva de Nantes un courrier extraordinaire, apportant le procès-verbal de la Convention qui abolissait la royauté. Malgré l'heure avancée, le Directoire fit convoquer, pour dix heures du soir, toutes les autorités civiles et militaires, et quand la réunion fut complète, on lut la grande nouvelle. Le procès-verbal se tait sur la manière dont elle fut accueillie. La déchéance de l'infortuné Louis XVI était pire que la mort. Les cœurs étaient toujours français : ne pouvant plus pousser le vieux cri qui savait si bien ranimer l'enthousiasme, ils gardaient un morne silence.

Il n'en fut pas de même au sein de la société populaire. « Nous ne pouvons plus, dit un de ses membres, exister sous le nom d'Amis de la Constitution, qui est équivoque en ce moment, puisque celle que nous avait donnée l'Assemblée nationale avait pour base la monarchie qui suppose des rangs et des degrés, tandis que celle que nous donne la Convention nationale est fondée sur la liberté et l'égalité saintes, qui sont les principes de la République. Sous le titre d'Amis de la Constitution, nous pourrions recevoir parmi nous des gens, amis des rangs et des dignités, et ennemis de la liberté et de l'égalité. Pour éviter cette erreur, il faut nous déclarer amis de la République, de la liberté et de l'égalité. » La motion fut adoptée, bien entendu. De plus, il fut arrêté que l'on correspondrait souvent avec certain membre de la Convention et le club des Jacobins de Paris. Enfin, pour échauffer les cœurs, un autre membre demanda qu'on chantât l'hymne des Marseillais. Ce fut Vannier, le vicaire constitutionnel, qui, soutenu d'une autre voix, en fit les honneurs. C'était le prélude du chant qui devait être exécuté publiquement, le dimanche suivant, dans une fête pour le succès de laquelle deux barriques de cidre devaient couler aux frais des amis de la République.

C'était, comme nous l'avons dit, dans ce club de Jacobins au petit pied que se trouvaient les vrais sans-culottes ; c'était là qu'on dénonçait les suspects, là qu'on faisait la guerre aux prêtres fidèles, là qu'on accueillait les rénégats et qu'on les poussait à se déprêtriser. C'était là qu'il fallait aller s'instruire des vrais principes ; en un mot, c'était là que résidait l'esprit révolutionnaire dont la municipalité n'était souvent que le docile instrument. Les Jacobins de Châteaubriant ayant donné un si bel exemple, la municipalité ne pouvait demeurer en arrière.

Deux citoyens lui proposèrent d'adhérer à l'abolition de la royauté et à la création de la République française. Ils lurent l'adresse suivante, qui fut envoyée au président de la Convention :



          « Citoyens législateurs,


» La France était menacée d'un horrible complot. Le parjure Louis XVI, avec ses scélérats satellites, creusait le tombeau de la liberté française. Le triomphe de la coalition tyrannicide était assurée : mais les sans-culottes étaient là, et la France est sauvée ! Les législateurs étaient à leur poste, et les tyrans sont anéantis !

» Déjà deux cents républicains, interprètes des vœux de notre cité, soutiennent, les armes à la main, l'immortel décret qui nous délivre d'un monstre dont le souvenir fait frémir d'horreur ! Soutiens, citoyenne Assemblée, ce caractère fier et libre qui t'a guidée dans la journée du 22 (septembre) ; environne-toi de toute la puissance nationale, et frappe indistinctement sur les têtes coupables ; foudroye les tyrans épouvantés, et la République décrétera, à son tour, que tu as bien mérité de la patrie ! »

Violenter les consciences, exiler les prêtres et les servantes des pauvres, fermer les lieux de la prière, chasser Dieu de ses temples transformés en assemblées démagogiques et en écuries, fouiller les maisons des citoyens, violer le sanctuaire de la famille, en disperser les membres et les dépouiller de leurs patrimoines, danser autour de l'arbre de la liberté, au chant de la Marseillaise, troubler le repos sacré des morts et, par un acte d'impiété inconnu aux peuplades les plus sauvages, déshonorer leurs tombes (1), voilà donc, fiers républicains, vos occupations de tous les jours ! Certes, ce sont là des exploits faciles. Nous voyons que vous vous entendez fort bien à détruire ; vous allez nous apprendre que vous ne savez rien conserver, pas même le pain des pauvres, auxquels votre heureuse révolution l'a enlevé. Qu'est devenu entre vos mains cet hôpital qu'avait fait fleurir la bienfaisance des seigneurs, le zèle des doyens et le dévouement des religieuses ? Où sont ces quatre mille livres de revenus, ses abondantes aumônes, sa belle fabrique de serges et les profits considérables qu'elle en retirait ?

5 septembre 1792. - Un an à peine s'est écoulé depuis que vous aviez forcé les dames de Saint-Thomas de se retirer, et voilà que la citoyenne Galouin, la nouvelle directrice, vient déclarer qu'elle n'a ni pain, ni beurre, ni bois, ni boisson, ni lumière à donner aux pauvres malades, et que le trésorier n'a pas un sou dans sa caisse ! Votre divine Constitution a tari les sources de la bienfaisance et dévoré la substance des malheureux. C'est en vain que vous demandez des secours à l'Assemblée nationale, au comité de secours publics, au département ; toujours vos demandes ont été repoussées. Dans une si grande extrémité, citoyens administrateurs, montrez jusqu'où peut aller votre sensibilité philanthropique.

7 novembre. - Le maire fait de nouveau connaître que l'hôpital manque de pain, et que les 60 pauvres qui y sont n'en auront pas pour souper le soir même de ce jour ; le trésorier, ayant déjà avancé 500 livres, ne peut continuer ces avances. Sur cet exposé, un membre du Conseil déclare qu'il a 25 boisseaux de blé-noir, provenant de la rente du feu curé de Soudan ; il offre de les porter à l'hôpital au prix coûtant, en y comprenant les frais de transport, pourvu qu'il en soit payé sur les premiers fonds rentrants. - Le citoyen maire dit qu'il fera bien aussi l'avance de trois boisseaux de blé, mais que sa position ne lui permet pas de donner…..O Égalité, ô Fraternité républicaines ! qui croira désormais en vous ? ….



1793.

21 janvier

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Trois fois malheureuse est une nation, quand elle est obligée de perpétuer dans ses annales le souvenir d'un aussi grand forfait ! O France ! terre de l'honneur et de la loyauté ! nation célèbre parmi toutes les nations pour l'amour qu'elle portait à ses rois ! non, ce n'est pas toi qui fit couler sur ton noble sol le sang innocent de ton malheureux roi ! Tout vrai Français rougit du crime commis à cette date néfaste ; tout vrai Français en exécrera à jamais la mémoire.

La France n'avait pas donné à ses représentants un pareil mandat : aurait-elle jamais eu la pensée d'un si criminel attentat et d'un pareil abus de confiance ? C'est en vain qu'on chercherait dans les actes officiels de nos administrateurs un mot, un seul mot d'approbation touchant le drame sanglant du 21 janvier. On n'y trouve que le silence, le silence le plus complet sur les tristes évènements qui se passaient alors dans la capitale. Chose étonnante ! le conseil municipal suspend pendant trois jours ses séances, qu'il tenait si régulièrement chaque jour.

Le Directoire du district suspend également ses réunions : absence de procès-verbaux sur les registres. Cependant, la nouvelle de la mort du roi était certainement connue ; mais la ville, mais le pays, mais la France entière était plongée dans une tristesse profonde mêlée d'un indicible effroi. Il semble qu'on redoutait de se rencontrer, dans la crainte d'être obligé de donner une approbation qui répugnait à la conscience la moins honnête !- Le club même des Amis de la République se croit obligé de suspendre ses séances. J'ai bien vu que, sous la présidence de l'apostat Vannier, la société avait applaudi à la mise en accusation et au jugement de Louis XVI, surtout lorsque le citoyen X*** écrivait à ses amis de Châteaubriant pour réchauffer leur ardeur ; mais là se borna la manifestation des plus exaltés qui, sans doute, ne s'attendaient pas à un si prompt et si tragique dénouement. Déjà (11 janvier), cette Assemblée, effrayée des énormités commises par les Jacobins de Paris, et d'accord avec d'autres sociétés populaires, s'était séparée de ses frères trop hardis, espérant que les motifs, dont elle leur donnait connaissance, les engageraient à adopter une réforme d'après laquelle ils pourraient encore fraterniser.

22 janvier. - Sur l'offre qui lui en est faite par le département, le Directoire du district demande 3,000 piques pour armer les patriotes, dont un très-petit nombre ont des fusils en bon état.

8 février 1793. - Mais le régicide avait porté un coup à ce club. Beaucoup de ses membres, mieux pensants qu'ils ne le paraissaient, et qui ne s'y étaient affiliés que pour s'assurer à eux et à leur familles une sécurité plus grande, s'abstinrent dès lors de paraître aux réunions. On ne peut trouver un président ; c'est à qui ne présidera pas, et , quand arrive le moment de l'élection, tout le monde se retire. Sur quoi, le président en charge et le secrétaire, considérant que la disparition subite et affectée de la majorité des membres de la société, et le zèle des citoyens qui se refroidit de jour en jour, n'annoncent rien moins que la dissolution de la Société ; considérant encore que des présages aussi funestes ne leur permettent pas de remplir plus longtemps des fonctions dans lesquelles on paraît toujours différer de les remplacer, déclarent hautement donner leur démission. - Ainsi s'éteignait, mais pour ressusciter bientôt, la Société des Amis de la République.

26 février. - 50 hommes de troupes de ligne viennent tenir garnison à Châteaubriant, où se trouvaient déjà 15 dragons.

2 mars. - Réquisition de 370 paires de souliers pour le service de l'armée ; la répartition en est faite entre les 27 communes.







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