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Châteaubriant, baronnie, ville et paroisse



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Chapitre VI (suite)




Le mercredi, le dauphin, accompagné à sa droite du cardinal de Grammont, et à sa gauche du baron de Châteaubriant, revint à Saint-Pierre pour y recevoir la couronne ducale. Jean de Laval remit d'abord au prince le collier de l'ordre de Bretagne, puis il le conduisit devant l'autel, et l'évêque de Rennes posa la couronne sur la tête du nouveau duc. Le cardinal de Grammont et M. de Châteaubriant firent ensuite faire le tour de l'église au prince nouvellement couronné ; puis l'on commença en sa présence la sainte messe, en laquelle Jean Jamois, chanoine et prieur de Béré, fit l'office de sous-diacre. Durant cette messe, le baron de Châteaubriant tint le sceptre ducal et se plaça à la droite du duc. Le saint sacrifice terminé, le cardinal et Jean de Laval reconduisirent François III au manoir épiscopal et eurent l'honneur de dîner à sa table (1).

Quatre jours plus tard, Nantes eut des fêtes à son tour. Le baron de Châteaubriant se rendit dans cette ville et y reçut solennellement François III, en sa qualité de gouverneur de Bretagne, le 18 août (2).

Au mois d'octobre suivant, Jean de Laval dut interrompre toutes ces fêtes brillantes et prendre le deuil ; sa mère, la pieuse baronne douairière de Châteaubriant, Françoise de Rieux, vint à mourir. Nous avons dit qu'elle fut inhumée dans l'église des Trinitaires, et qu'elle laissa après elle un long souvenir des vertus chrétiennes qu'elle avait soigneusement pratiquées.

L'année 1535 vit encore Châteaubriant en fête. Il s'agissait du mariage de Guy XVII, comte de Laval, neveu du baron de Châteaubriant, avec Claude de Foix, nièce de la baronne. L'évêque de Nantes, Louis d'Acigné, vint en cette circonstance à Châteaubriant et bénit très-solennellement l'union des deux jeunes époux, en présence du baron et de la baronne de Châteaubriant, de la comtesse douairière de Laval, de Charlotte de Laval, sa fille, de Mme de Montejean, et des seigneurs de Scepeaux, d'Acigné, d'Espinay, de Maure, et d'une foule de dames et de gentilshommes. Pour rendre la fête plus publique, on prépara la grande halle de la ville, où l'évêque de Nantes bénit d'abord les fiançailles, le 22 octobre ; le lendemain, Mgr d'Acigné célébra le mariage dans la chapelle du château dédiée aux saints Côme et Damien. A cette occasion, des fêtes très-brillantes se succédèrent, et Françoise de Foix y assista et revêtit de sa signature le contrat de mariage (3).

La jeune comtesse de Laval avait été élevée, avons-nous dit, par la baronne de Châteaubriant, sa tante, ayant perdu son père, le seigneur de Lautrec, dès 1528, et ayant été placée sous la tutelle de Jean de Laval. Après son mariage avec Guy XVII, elle continua de séjourner fréquemment au château de Châteaubriant, et elle s'y trouvait lorsqu'au mois d'octobre 1537 une maladie subite et rapide enlève tout-à-coup Françoise de Foix (4). Cette mort imprévue de la baronne de Châteaubriant donna lieu à d'étranges suppositions, que nous examinerons plus loin.

Le corps de Françoise de Foix fut inhumé dans le chœur de l'église de la Trinité de Châteaubriant. Il paraît que les funérailles de la baronne furent très-solennelles, car elles firent encore naître un procès entre la Trinité et Béré, comme cela avait déjà eu lieu pour l'enterrement de Jeanne de Beaumanoir. Le corps de Françoise de Foix demeura trois jours exposé dans l'église conventuelle des Trinitaires, et de riches offrandes furent faites au monastère à cette occasion (5).

Jean de Laval fit élever à sa femme un beau monument dans l'église de la Trinité. On ouvrit une arcade dans le mur du chœur, du côté de l'Evangile, et l'on y plaça un tombeau, « relevé de quatre à cinq pieds » et surmonté de la « figure » de Françoise de Foix, en « ronde bosse ». Au fond de l'arcade fut gravé l'écusson de la défunte, que Hévin nous a conservé : parti au 1er de gueules semé de fleurs de lys d'or qui est Châteaubriant ; au 2e écartelé : au 1er et 4e d'or à trois pals de gueules, qui est Foix ; au 2e et 4e d'or à deuil vaches de gueules passantes, accornées, accolées et clarinées d'azur, qui est Béarn ; et sur le tout de l'écartelé, d'or à deux lions léopardés de gueules, qui est Bigorre (6).

Au-dessous de ces armoiries fut posée « une pierre verte avec inscription, épitaphe et lettres d'or et d'argent dont est peu de telles ; l'un des costés portant prou de moins l'autre posté : point de plus, et le corps dudit épitaphe référant en ces termes :

sovbs ce tombeav gist francoise de foix
de qui tout bien tout checun sovllait dire,
et le disant oncq une sevle voix
ne savancza dy vovloir contredire.
de grant beaute, de grace qvi attire,

de bon savoir, d intelligence prompte,
de biens, d honneurs et mieux qve ne racompte

diev esternel richement l estoffa

O viateur, pour t abreger le compte,
cy gist vn rien la ov tout triompha.
decedee le 16 octobre 1537 (7).


Le dernier vers de cette épitaphe est d'un grand poëte ; aussi croit-on qu'elle fut composée par Clément Marot, à la prière du baron de Châteaubriant, son protecteur et son ami.

Cependant Jean de Laval, qu'on n'a pas craint de représenter comme l'assassin de sa femme, tomba dangereusement malade quelques jours après la mort de cette dernière. La cause de cette maladie fut-elle la douleur d'avoir perdu Françoise de Foix, je n'en sais rien, et je n'oserais pas affirmer, comme M. de Lescure, que le baron de Châteaubriant fut « près de suivre au tombeau, par affection, celle qu'on l'accuse d'avoir tuée (8). » Mais il est constant du moins que ce seigneur fut alors atteint d'une grave maladie, et qu'il éprouva, ainsi que sa nièce, Mlle de Laval, un bien grant regret de la mort si imprévue de la baronne. Heureusement que la reine de Navarre leur vint à cette époque rendre visite à Châteaubriant, et fit ainsi diversion à leur peine.

Marguerite de Valois, sœur de François I et reine de Navarre, était une amie de la baronne de Châteaubriant ; aussi prétend-on reconnaître cette dernière dans l'entourage de la reine racontant son heptaméron. Nomerfide, dit le bibliophile Jacob, est le masque ou le pseudonyme dont se couvre la belle Françoise de Foix, dans les Nouvelles de la reine de Navarre (9).

Le vicomte de Rohan, beau-frère de Marguerite de Valois (10), s'étant trouvé dans un pressant danger, la reine de Navarre vint en Bretagne quelques jours après la mort de Mme de Châteaubriant. Après avoir rétabli les affaires du seigneur de Rohan et séjourné quelques jours à son château de la Gascherie, où de magnifiques fêtes furent données en son honneur, Marguerite de Valois se rendit à Châteaubriant et écrivit elle-même au roi ce qui suit :


« De la Basse-Bretagne, novembre 1537.

......J'ai vu monsieur de Châteaubriant qui a été si près de la mort, que à peine le pouvait-on reconnaître, et si a eu bien grant regret de sa femme. Mais le bon traitement qu'il vous a plu lui faire (11) et la joie qu'il a eue de me voir l'a fort amendé. Et, à ce que j'ai pu entendre de vos bons serviteurs, vous eussiez fait une grande perte ; car il n'a regard ni à son profit, ni à complaire à nulluy pour votre service, dont ceux de la Basse Bretagne le tiennent pour mauvais Breton, mais pour trop bon Français... »


Dans une autre lettre, adressée vers le même temps à M. de Montmorency, la reine de Navarre parle encore de Jean de Laval. « Il faut que je vous dise deux choses : l'une, que j'ai vu à Châteaubriant le seigneur de la maison ayant encore un peu de fièvre dont il a été guéri à ma venue, et m'a fait telle chère que vous pouvez penser.... L'autre point est de mademoiselle de Laval, qui est si fort ennuyée depuis la mort de sa tante et s'y fait une grande desespérance.... (12) »







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