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Châteaubriant, baronnie, ville et paroisse



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Chapitre VIII




Le 25 avril 1800, Bonaparte, premier Consul, nomma, pour remplir les fonctions de sous-préfet dans l'arrondissement, M. Bernard-Dutreil, qui exerçait la charge de juge de paix et de commissaire près les tribunaux.

Le 19 juin de la même année, M. Dauffy du Jarrier fut nommé maire par le Préfet et installé, après avoir fait serment à la Constitution de l'an VIII.

Il est remarquable qu'à partir de 1800 jusqu'en 1808, les procès-verbaux de la mairie nous font complétement défaut. A quoi faut-il l'attribuer ? Tous les partis étaient mécontents ; les uns se sentaient repoussés, et les autres n'étaient pas satisfaits dans leurs aspirations monarchiques. La froideur la plus marquée accueillit l'Empire : le 26 septembre 1804, le maire apprenait au sous-préfet qu'après toutes les diligences possibles, il n'avait trouvé personne qui voulût être député pour assister au couronnement de l'Empereur.

Si la politique n'avait plus la force de passionner les esprits désillusionnés, il n'en était pas ainsi de la religion. La réouverture des églises, le retour des prêtres exilés, faisaient renaître la confiance et espérer d'heureux jours. La joie fut à son comble quand on sut que le vénérable M. Bédard était rendu à son troupeau. Ce fut dans l'humble chapelle de la Malhorais, sur les confins de sa paroisse, qu'il alla célébrer sa première messe. Toute la ville s'y rendit. Il faut renoncer à décrire l'enthousiasme dont étaient saisis tous ces chrétiens fidèles, depuis si longtemps privés des consolations religieuses. La vue du saint confesseur de la foi, dont les cheveux avaient blanchi pendant dix années d'exil, faisait couler des larmes : tous auraient voulu lui parler, l'embrasser ; tous voulaient au moins le voir. On montait sur les arbres, on l'acclamait par des cris d'allégresse; il fut ramené en triomphe à Châteaubriant. Hélas ! Il n'y trouva que des ruines : le Doyenné était tombé en des mains étrangères ; trente années devaient s'écouler avant que l'église de Béré, jadis si fière et si glorieuse, désormais abaissée, diminuée, ruinée, fût remise aux mains d'un modeste desservant; et Saint-Nicolas n'offrait plus aux regards attristés que le spectacle des profanations dont pendant dix ans elle avait été le théâtre. Le doyen dut aller demander un asile à la charité de ses paroissiens. Mme veuve Guérin, dont nous avons déjà eu. l'occasion de signaler le religieux dévouement, lut offrit sa maison et sa table, et la petite chapelle de l'hôpital servit à exercer toutes les fonctions du saint ministère, en attendant que Saint-Nicolas fût remis dans un état plus décent. Tout manquait à la fois : on apporta l'autel et les saints du couvent de Saint-Martin-de-Teillay qui, à cause de son éloignement, avait échappé au vandalisme révolutionnaire ; le cimetière de Béré donna ses pierres tombales, violées en 1793, pour faire les dalles du temple ; des toiles grossières furent données pour remplacer les vitraux mis en pièces ; le doyen lui-même, devenu peintre et doreur dans l'exil pour gagner sa vie, exerça son habileté dans la décoration de son autel et de la balustrade, de sorte qu'en peu de temps, l'église fut en état d'être livrée au culte divin. Et enfin, l'an de grâce 1803, le 27 février, M. Aimé-Pierre-Marie Bédard fut solennellement installé dans son église par M. de Fermon, curé de Moisdon, en présence de toutes les autorités civiles et militaires.

M. Dauffy du Jarrier mourut le 10 octobre 1812 ; il eut pour successeur dans les maires M. Martin Connesson, qui fut installé le 4 Janvier 1813 (1).

21 janvier 1813. - C'était après les désastres de la campagne de Russie, la nation était épuisée, et le gouvernement avait recours à tous les expédients pour faire de l'argent et des hommes. On stimula le patriotisme national, et sous le nom d'offrandes volontaires, on donnait à Napoléon des soldats de toutes armes. On désigna aux départements l'arme et les chevaux, et à chaque canton le minimum d'hommes qu'il devait présenter au souverain. Châteaubriant fut taxé à un chasseur monté et équipé de son cheval. La ville ne pouvait faire davantage : elle était ruinée. La dépense fut prise sur ses deniers.

La ville réclamait depuis longtemps la propriété des halles. Elles étaient en ferme, et l'adjudicataire en louait les places de gré à gré ; le prix en était alloué aux hospices de Nantes. Cet état de choses fort étrange subsista jusqu'en mai 1814, époque où le prince de Condé en recouvra la propriété. Le 22 février 1816, le prince convint qu'il céderait à la ville, moyennant la somme de 1,800 fr., et qu'il lui abandonnait les revenus des deux dernières années pour la somme de 600 fr. : ce qui fut accepté.

La ville n'était pas riche; les seuls revenus fonciers dont elle jouissait consistaient en un petit jardin situé faubourg de la Barre, affermé 18 fr., et en une petite maison qui avait servi anciennement de corps-de-garde, au pont Saint-Jean; elle en tirait 36 fr. de rente.

16 février 1814. - Ce jour, le sous-préfet reçut la nouvelle de la déchéance de l'empereur et du rappel de Louis XVIII. Cette nouvelle fut lue par le maire sur la place de Saint-Nicolas, au milieu de tous les habitants accourus en foule. Rien ne saurait peindre l'enthousiasme avec lequel elle fut accueillie : la joie tenait du délire ; le cri de vive le Roi ne cessait de sortir de toutes les bouches. Pour célébrer cet heureux retour, il fut arrêté entre le maire, le sous-préfet et M. le Doyen : 1° que l'arbre de la liberté serait abattu ce jour même (16 avril) ; - 2° que le lendemain un Te Deum serait chanté ; qu'il y aurait feu de joie sur la place publique, feu d'artifice, illumination de toutes les maisons. - Gardons-nous de rappeler le passé, est-il dit dans la délibération; respectons la cendre des morts !

La fête du dimanche 17 fut célébrée au milieu des transports d'allégresse de la population toute entière : Jacobins et jacobines, confondus avec les royalistes et les aristocrates, prirent part aux danses et autres plaisirs, et crièrent plus haut que tout le monde, vive le Roi !

Désormais les pages du registre municipal se couvrent de discours sans nombre et des plus chaleureuses adresse. Les sentiments, longtemps contenus, éclatent en expressions tellement vives contre le géant renversé, que nous renonçons à les transcrire. Voici comment s'exprime le procès-verbal, au lendemain de la fête.

18 avril 1814. - C'est avec la plus grande satisfaction qu'on se plaît à ses rappeler les instants qui ont réuni, hier, les habitants de cette ville. L'allégresse que tout le monde a montrée dans toute l'étendue de cette cité est surprenante. Les cris de vive le Roi ! Vive Louis XVIII ! ont retenti de toutes parts. M. le Sous-Préfet a prononcé le discours suivant :


« Messieurs,


» Nous voyons enfin briller le jour de notre délivrance. Il est brisé le spectre de fer qui faisait gémir les Français ; assez et trop longtemps nos yeux touchés et effrayés d'un spectacle déchirant n'ont versé que des pleurs de désespoir. Oublions, dans ce jour de triomphe, et les maux passés, et celui qui en fut l'auteur ; oublions, s'il est possible, jusqu'à son nom. Tournons nos regards satisfaits vers l'être bienfaisant dont la douce lumière est venue nous luire au milieu de l'orage, Louis XVIII ! à ce doux nom, tous les Français se sont réveillés ; et tous les coeurs ont tressailli. Notre chère patrie a conçu l'espérance d'être encore heureuse. Oui, Messieurs, nous le serons. Il s'avance vers nous, ce prince adoré dont la main doit cicatriser nos blessures et essuyer nos dernières larmes. En pourrions-nous douter ? Eh ! n'est-ce pas le petit-fils de Saint-Louis, le descendant de Louis XII, le frère du bon Louis XVI ? Longtemps éprouvé par l'adversité, il connaît le prix du malheur, il saura en préserver son peuple, ce peuple qu'il chérit, ce peuple qu'il n'a jamais cessé d'aimer, malgré ses coupables erreurs. Oui, Messieurs, le monarque auguste, exilé, repoussé loin de nous par nos crimes, s'occupait sans cesse du bonheur des Français. « Le bien qu'on leur fera, disait ce bon père, me sera toujours cher. - Ils sont malheureux, je ne vois en eux que mes enfants. » Quelle tendresse ! quelle affection ! Mais qui de nous, Messieurs, ne conservera à jamais dans son coeur ces premières paroles, ces paroles consolantes qui nous ont annoncé la fin de nos peines et le retour de notre juste souverain.

Français, le passé est oublié ! plus d'impôts odieux ! plus de conscription ! Vive Louis XVIII ! vive à jamais ce roi généreux qui sacrifie avec joie un vain éclat, une fausse gloire au bonheur, au repos de ses sujets. Pressé de revenir parmi nous, il s'est fait précéder par son illustre famille, son frère, M. le comte d'Artois, prince plein de douceur et de majesté ; M. le duc d'Angoulême, son auguste épouse, l'illustre et infortuné fille de Louis XVI, cette princesse si chère à nos coeurs qui regarde le Français comme ses enfants ; M. le duc de Berry, ce héros digne du sang qui coule dans ses veines, le Nestor des Bourbons, ce digne petit-fils du grand Condé et l'héritier de toutes les vertus ; ce prince illustre, Messieurs, doit vous être d'autant plus cher, qu'il ne s'est jamais fait connaître dans cette ville que par ses bienfaits; enfin, Messieurs, le malheureux père du duc d'Enghien dont le crime fut d'avoir porté ombrage à l'usurpateur ! O France ! ô ma chère patrie ! quel triomphe ! quel présage de gloire et de félicité ! Nous allons, à l'ombre d'un pouvoir légitime paternel, jouir de tous les avantages que procure la paix, le premier de tous les biens, cette paix après laquelle nous soupirons depuis si longtemps. Les arts, l'agriculture, le commerce, tout va refleurir ; la joie, les plaisirs vont renaître dans nos coeurs, trop longtemps flétris par l'amertume. Nos villes, nos campagnes vont se repeupler; l'abondance va régner parmi nous; la jeunesse, à peine dans son printemps, ne sera plus arrachée de ses foyers domestiques pour aller périr dans des climats inconnus; le père pourra sans trouble compter le nombre de ses enfants ; plein d'ivresse et de bonheur, il leur apprendra et leur répétera sens cesse ces mots si chers à nos aïeux, ce chant que nous n'avons oublié qu'avec bonheur, ce cri ravissant aujourd'hui dans toute la France :

» Vive le Roi ! vive Louis XVIII ! vivent les Bourbons ! »







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