Janvier 2023 : Cet ouvrage vient d'être réédité, en tirage à la demande. Il s'agit d'une nouvelle édition entièrement recomposée, identique à l'édition originale, et non d'un fac-similé de mauvaise qualité. L'ouvrage de 370 pages est disponible en grand format (18x25cm) en version brochée (couverture souple), en version reliée (couverture rigide), ou bien en 4 petits fascicules à prix étudié, reprenant chacun une des quatre grandes parties de l'ouvrage). Une version Kindle est également disponible.

L'objectif de cette réédition était uniquement de proposer une lecture plus facile et agréable, et pour cela, l'ouvrage a entièrement été remis en page. Pour aider le lecteur à actualiser ses connaissances, une bibliographie mise à jour a été ajouté.

Châteaubriant, baronnie, ville et paroisse



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Chapitre III (suite)




C'est ainsi qu'on habituait le peuple à une religion sans gravité et sans décence, jusqu'au jour où les apôtres de la loi nouvelle, introduisant dans le temple l'abomination de la désolation, allaient révéler à la France régénérée quel Dieu ils entendaient lui donner. Nous allons voir ce que c'est qu'un gouvernement athée, et ce qu'on peut faire de citoyens à qui on a enlevé la conscience, dernier asile de la liberté et de la dignité humaine.

Nous sommes arrivés à l'époque où s'établirent dans toute la France les sociétés populaires, cet élément formidable dont se servit la Révolution pour exercer ses fureurs et pour tenir le peuple sous ses sanguinaires étreintes. Les sociétés populaires furent une faute : elles attestèrent la faiblesse du gouvernement qui s'en servit, mais qui fut entraîné et dépassé par elles. Les clubs devinrent un pouvoir à côté du pouvoir légal qu'ils étaient chargés de surveiller, d'aiguillonner et de dénoncer. On vit ces assemblées tumultueuses se donner des pouvoirs discrétionnaires exorbitants que rien ne pouvait légitimer : tout trembla devant ces républicains de bas étage qui ne reconnaissaient ni juges, ni lois, ni magistrats. La malheureuse ville de Châteaubriant, comme tant d'autres, en fit l'expérience.

1er mai 1791. - Le 1er mai de cette année, trente-sept des plus chauds partisans des nouveautés de l'époque, réunis dans la chambre de lecture (sorte de cercle où se lisaient les papiers-nouvelles), se formèrent en une société, dite des Amis de la Constitution, dans le but de rallumer le feu du patriotisme, - mais de manière qu'il ne cause point d'embrâsement (sic), - d'éclairer les bons habitants des campagnes, de prêcher les vertus politiques et sociales, et de découvrir les manœuvres des perturbateurs et des séditieux.

La société fixa ses séances dans un appartement situé au-dessus des halles ; elle fit son règlement, établit les conditions d'admission, l'ordre à garder pour les orateurs, la cotisation de chaque membre, etc. Le président eut son fauteuil ; des bancs furent dressés pour les membres ; derrière ces bancs, on réserva un espace libre pour les curieux ; rien n'y manquait, pas même une tribune pour les Cicérons de la cité. - Le président devait être changé tous les mois, et tous les membres devaient faire partie de la garde nationale et en porter l'uniforme, sous peine d'exclusion.

Au début, les intentions étaient libérales, mais honnêtes ; aussi, bien des gens honorables lui donnèrent le concours de leurs noms et de leur présence. La peur, qui subjugue les trois quarts des hommes, la peur, si mauvaise conseillère, la peur rendit républicains et fit hurler toutes ces timides brebis qui ne voulaient être ni tondues, ni dévorées par les loups. La preuve de ces assertions est dans le long discours que l'un des présidents, M. Le Minihy, adressa à la société le 25 juillet. Il traite encore les sociétaires du titre honnête de Messieurs ; il ose encore leur dire que celui qui a la crainte de Dieu et qui honore le roi, peut à bon droit revendiquer la qualité de bon citoyen et d'honnête homme. On voit que la Révolution est encore pudibonde à Châteaubriant ; elle retient encore quelque chose de la politesse aristocratique du gentilhomme. Mais elle va promptement se façonner aux mœurs des Jacobins, auxquels elle s'est empressée de s'affilier : elle en parlera le jargon, et, sans trop de répugnance, se couvrira du hideux bonnet phrygien.

Les travaux de la société, dans la fin de la présente année, se bornèrent à dénoncer les prêtres non conformistes et les rassemblements des fidèles ; à faire fermer les chapelles, derniers asiles où ils se réunissaient pour prier, notamment celle de Gastines, en Issé ; à recevoir les affiliations nouvelles et les serments des constitutionnels qui s'empressaient de venir chercher dans son sein appui et protection.

17 octobre 1791. - Châteaubriant reçoit avec honneur M. de Fermon, député à l'Assemblée constituante. La société députe vers lui plusieurs de ses membres, pour le féliciter de ses travaux patriotiques ; un détachement de la garde nationale vient aussi lui rendre les honneurs militaires.

19 octobre. - La chapelle de la Trinité est abandonnée à la gendarmerie à cheval, pour lui servir de caserne.

C'était une faible distraction aux souffrances du peuple. Les récoltes avaient presque entièrement manqué les trois dernières années ; les riches, privés de leurs revenus, ne pouvaient plus faire d'aumônes. En décembre, cent ouvriers se présentèrent à la municipalité pour avoir du travail et du pain. On les employa à aplanir le champ-de-foire.

Cependant les évènements se précipitaient avec une effrayante rapidité : les plus antiques et les plus respectables institutions s'écroulaient successivement sous les coups démolisseurs de la Constituante, pressée d'en finir avec ce qui restait encore debout. L'on arrivait à la crise suprême ; il n'y avait qu'un pas à faire, et ce pas, l'année 1792 le lui fit franchir…. - Tant d'éléments divers composent la trame historique de cette époque qu'il est difficile de les enchaîner dans un même récit, surtout si l'on voulait s'astreindre à suivre l'ordre chronologique. Désormais donc, nous grouperons ensemble et dans un même tableau les faits qui se rapportent au même ordre de choses, mentionnant sommairement les faits de moindre importance, et qui néanmoins ne pourraient être supprimés sans enlever à cette histoire sa couleur locale.

Avril 1792. - Le Directoire du district, instruit que les prêtres non conformistes conspiraient sourdement contre les lois de la République, et empêchaient les paysans de recourir aux constitutionnels pour les baptêmes, mariages, etc., décida qu'ils seraient tous arrêtés par la force armée et conduits à Nantes. L'éloignement et l'incarcération de tous ces prêtres jeta la désolation et le mécontentement dans les campagnes. Plusieurs paroisses s'enhardirent jusqu'à venir réclamer leurs anciens prêtres, sous prétexte qu'il n'y avait pas assez de curés constitutionnels pour toutes les paroisses. Les habitants étaient exaspérés. - D'un autre côté, on redoutait la présence des curés fidèles. Le Directoire transmit ses inquiétudes au département, demandant pourquoi l'évêque n'était pas à son poste, et ne venait pas s'occuper de remplir les cures vacantes.

Bientôt des troubles éclatèrent à Sion, où une troupe de cinq à six cents hommes armés s'était rendue, à la sollicitation de Lucas, l'intrus. Il y eut des portes enfoncées, des meubles brisés, de l'argent et des comestibles volés, et mille autres violences commises, sans doute chez les ennemis de l'indigne pasteur. Cette affaire fit beaucoup de bruit et effraya singulièrement les communes voisines. Le Directoire ordonna au juge de paix d'en poursuivre les auteurs. Il y a tout lieu de croire qu'elle donna lieu à l'emprisonnement de Lucas, qui se jeta dans les bras de la Société des Amis de la Constitution, où sa cause trouva la plus tendre sympathie et les plus ardents défenseurs.

18 juin. - L'affaire de Montoire détermina une recrudescence de persécutions. On mit en état d'arrestation tous les ecclésiastiques du département qui n'avaient pas prêté le serment. Mais le plus grand nombre, prévenu de cette mesure, eut le temps de s'y soustraire : sur quatre cents qui étaient soumis à la surveillance, trois cents prirent la fuite.

Le 22 octobre, le Directoire donne ordre à la municipalité de procéder à l'inventaire des biens mobiliers des confréries qui sont abolies et d'en faire la vente. On porta à la mairie les registres, l'état des fondations, ainsi que l'inventaire du mobilier des confréries de Saint-Blaise, du Sacré-Cœur, du Saint-Sacrement, des Agonisants et du Rosaire.

Enfin, le 27 décembre, la vénérable église paroissiale de Béré est déclarée supprimée et à vendre, s'il y a lieu. Saint-Nicolas est reconnue seule église paroissiale. Cet arrêté ne fut pas mis à exécution, car une délibération municipale, en date du 13 février 1793, porte qu'il existe dans les deux églises des ornements et ustensiles, et que Jacques Durand, de la métairie de la Grange, demeure chargé du soin de la paroisse de Saint-Jean de Béré. Quant à la chapelle de Saint-Nicolas, il est dit qu'elle sera desservie par les pauvres les plus valides de l'hôpital.

Voilà ce qui concerne la partie religieuse pendant la présente année. Voyons maintenant quels évènements politiques en ont marqué le cours, ou plutôt continuons de signaler les désastres du torrent dévastateur. On vit dans notre cité, médiocrement républicaine, la continuation de la mésintelligence entre le Directoire et la municipalité. - Plantation d'un arbre de la liberté (13 mai) ; réélection de M. Margat dans la mairie ; élection de M. Lelièvre pour procureur ; envahissement du château par une troupe de gens qui s'installent audacieusement dans les appartements de M. de La Haye-Jousselin, après les avoir forcés (30 juin) ; arrivée de 15 dragons qu'on caserne au château ; un pâle anniversaire de la fédération. Fête toute militaire qui ne brilla, cette fois, que par les fusils des rares gardes nationaux accourus des communes voisines (14juillet) ; M. Méaulle, élu à Nantes, pour aller siéger à la Convention (26 août) ; la guerre aux armoiries, inscriptions, images, qui rappelaient l'abominable féodalité (5 septembre) ; le château et l'hôtel Bois-du-Liers sont surtout désignés à cette opération patriotique. Bientôt viendra le tour des églises ; on fit l'inventaire des objets en or et en argent qu'elles renfermaient, et on les envoya à la monnaie, afin de payer les armées de la République. L'argenterie du prieuré de Béré se monta à 45 marcs. Cependant, on excepta les vases sacrés.







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