Janvier 2023 : Cet ouvrage vient d'être réédité, en tirage à la demande. Il s'agit d'une nouvelle édition entièrement recomposée, identique à l'édition originale, et non d'un fac-similé de mauvaise qualité. L'ouvrage de 370 pages est disponible en grand format (18x25cm) en version brochée (couverture souple), en version reliée (couverture rigide), ou bien en 4 petits fascicules à prix étudié, reprenant chacun une des quatre grandes parties de l'ouvrage). Une version Kindle est également disponible.

L'objectif de cette réédition était uniquement de proposer une lecture plus facile et agréable, et pour cela, l'ouvrage a entièrement été remis en page. Pour aider le lecteur à actualiser ses connaissances, une bibliographie mise à jour a été ajouté.

Châteaubriant, baronnie, ville et paroisse



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Chapitre III




L'an 1791, le 26 Juillet, an II de la liberté française.

Les différents corps administratifs de la ville de Châteaubriant, réunis en l'hôtel commun, sous la présidence de M. Margat, maire ; présents : MM. Benjamin Lejeune, procureur-syndic du district, et Guiet père, faisant les fonctions de procureur de la commune,

Rapportent que tous les bons citoyens de cette ville, se rappelant avec un nouveau plaisir que le 14 juillet de chaque année doit être consacré à la fédération des Français, en mémoire du pacte fédératif fait à Paris, le même jour de l'année 1790, par les députés de tout l'empire, ont reçu avec une extrême joie les avertissements de la municipalité pour se préparer à cette grande fête. En conséquence, hommes, femmes et enfants, tous se sont empressés de travailler à l'envi pour l'embellir. Plusieurs jours avant, les dames citoyennes ont mis tous leurs soins et passé les jours et partie des nuits à élever elles-mêmes et décorer l'autel de la patrie ; ce qu'elles ont fait avec tout le goût et tout le succès que l'on pouvait attendre de leur amour pour cette chère patrie.

Cette superbe fête fut annoncée la veille par plusieurs coups de canon tirés sur les murs de la ville, par le son des cloches des différentes églises, et enfin par tous les tambours de la garde nationale.

Le 14 juillet, au matin, on recommença à tirer le canon et à battre la caisse jusqu'à neuf heures. Alors, on vit arriver en foule et avec empressement, sur la place d'Armes, vis-à-vis l'hôtel commun, tous les gardes nationaux, dans la plus grande tenue. A dix heures, les tambours rappelèrent, et chacun à son poste fut passé en revue par le commandant, qui rangea sa troupe en bataille et alla prendre l'ordre des corps administratifs. Revenu à son corps, il fit ouvrir les rangs ; tous les corps réunis se placèrent au milieu, et suivis d'un nombre infini de femmes et d'enfants, tous également bien vêtus, et la joie peinte sur la figure, on marcha, drapeaux déployés et au son des tambours et instruments, vers l'église paroissiale, où était élevé l'autel de la Patrie et sur lequel on lisait les plus belles inscriptions, ouvrage de nos dames citoyennes. On chanta une messe au Saint-Esprit, célébrée par le curé constitutionnel, lequel, avec MM. Bruneau, vice-président du district, et Margat, maire, prononça un discours où ils exhortaient les uns et les autres à la paix et à l'union, si désirables dans ces moments de crise où se trouve l'Etat. Ils prononcèrent de même le serment ordonné par les décrets, que répétèrent avec enthousiasme tous les gardes nationaux. Des applaudissements réitérés furent le témoignage de la reconnaissance de tous les citoyens envers ces Messieurs.

« On sortit de l'église, et, toujours dans le même bon ordre, on retourna sur la place d'Armes, où M. le commandant fit faire haut les armes. Chaque garde national alla les déposer chez lui, et tous ensuite se rendirent dans les vastes salles du château, où était servi un repas splendide pour les fédérés. Là, on s'amusa bien gaiement, en portant des santés à toutes les femmes citoyennes et à tous les frères d'armes de l'empire. A cinq heures, M. le commandant fit rappeler par les tambours ; on se rendit encore sur la place d'Armes, où l'on avait planté un superbe chêne, bien touffu, entouré d'une quantité de fagots. Tous les gardes nationaux se rangèrent en bataille, les drapeaux déployés et ayant toujours au milieu du bataillon les corps administratifs réunis ; toutes les femmes et enfants de la ville accompagnèrent les prêtres constitutionnels, qui chantèrent un Te Deum autour du feu de joie qu'allumèrent les magistrats et les femmes citoyennes.

» On dansa tout le soir et partie de la nuit, toujours dans la plus grande gaîté et la plus désirable fraternité, sans que la moindre querelle, suite malheureusement trop commune de semblable fête, soit venue la troubler.

» Les dames citoyennes de cette ville, également animées du désir de manifester à tous les amis de la liberté l'envie qu'elles avaient de prêter un serment fédératif et leur prouver ainsi qu'elles suppléeront en toute occasion, par leurs conseils et leurs encouragements, aux forces que la nature leur a refusées pour la défense de la patrie, arrêtèrent entre elles, au nombre de plus de trois cents, de faire, le 21 de ce mois, une fédération semblable à celle de leurs maris, leurs pères, leurs frères et leurs enfants.

» En conséquence, elles firent de suite tous les préparatifs nécessaires et invitèrent à la fête tous les prêtres constitutionnels, les corps administratifs et l'état-major de la garde nationale.

» Jaloux de témoigner à nos braves concitoyennes toute la joie que nous inspirait leur généreux patriotisme, on n'épargna rien pour rendre éclatante l'annonce de cette fête intéressante. On fit donc tirer le canon, sonner les cloches et battre la caisse ; ce qui recommença le matin de la fête, jusqu'à neuf heures, que M. le commandant de la garde nationale rangea en bataille sur la place d'Armes un détachement de cent hommes. On attendit ainsi les braves et généreuses citoyennes, qui arrivaient de tous côtés en sautant, élégamment vêtues de blanc, décorées de ceintures et de rubans aux trois couleurs, tenant en main et ayant à leurs chapeaux de longues branches de chêne. La joie et la gaîté qui régnaient parmi elles et que leur inspirait une si belle fête, ajoutaient à leurs grâces naturelles et procuraient aux amis de la liberté le spectacle le plus attendrissant. S'étant rangées d'elles-mêmes sur deux lignes, plusieurs d'entre elles se députèrent et vinrent offrir de superbes cravates pour les drapeaux du bataillon de notre garde nationale, qu'elles attachèrent elles-mêmes aux cris de : Vive les bonnes citoyennes ! vive les braves dames de Châteaubriant ! qui furent suivis d'une salve de canon et d'un roulement général des tambours, en signe de reconnaissance. Les dames retournèrent à leurs rangs et donnèrent le signal du départ, que répéta le commandant du détachement.

» On se rendit ainsi, dans le meilleur ordre, au son des tambours et des instruments, à l'église paroissiale, où l'arrivée fut annoncée par le son des cloches et le bruit du canon. On y chanta une messe au Saint-Esprit, qui fut célébrée par le curé constitutionnel, qui prononça un discours où, comme dans son premier, il invitait à la paix, à l'union, à la concorde et à la modération, en faisant valoir avec toute l'énergie possible les avantages de notre heureuse constitution.

» Trois dames fédérées montèrent à l'envi dans la chaire de vérité, et prononcèrent chacune un très-beau discours, dans les termes les plus touchants et les plus capables de maintenir tous leurs concitoyens dans la ferme résolution de vivre libres ou de mourir. Elles firent en même temps un serment fort étendu, et toutes ensemble jurèrent d'élever leurs enfants dans les principes de notre heureuse Constitution, et de ne vivre en société qu'avec les vrais patriotes. Le temple retentit des applaudissements les plus réitérés. Les gardes nationaux, dans un discours prononcé par un d'eux, témoignèrent à ces dames toute la joie qu'ils ressentaient de leur démarche bien capable de raffermir, s'il était possible, leur patriotisme.

» On sortit de l'église, toujours dans le même bon ordre ; le détachement alla accompagner toutes ces généreuses citoyennes au château, où, sous les galeries, elles avaient fait préparer un magnifique repas, auquel elles avaient invité et auquel assistèrent les prêtres constitutionnels, les corps administratifs et les chefs de la garde nationale. Le détachement se retira, et après le dîner, tous les hommes retournèrent au château, où l'on dansa dans de vastes salles décorées de branches de chêne et garnies de quantités d'inscriptions, toutes relatives à la fête et aux circonstances présentes. A cinq heures, on quitta la danse pour se rendre, dans le même ordre que le matin, à la chapelle de l'hôpital, où l'on chanta le salut, après lequel M. Philippe, curé constitutionnel de Saint-Vincent-des-Landes, venu tout exprès avec plusieurs de ses confrères, prononça un discours.

» (On observe ici que les dames de Saint-Thomas, au nombre de deux, avec trois ou quatre sœurs qui ont l'administration de la maison, et qui jusqu'ici n'ont pas voulu reconnaître leur curé constitutionnel, se renfermèrent dans leurs chambres et ne voulurent point assister au salut. Comme un aussi mauvais exemple peut induire en erreur les pauvres et surtout les enfants de l'hôpital, l'assemblée, après avoir entendu le procureur syndic et le substitut du procureur de la commune, en a rapporté acte pour y être statué en temps et lieu.)

» On retourna donc sur la place d'armes, où avait été planté un chêne d'une hauteur prodigieuse, entouré de fagots. Les prêtres chantèrent un Te Deum au pied du feu de joie que les dames et les magistrats allumèrent et autour duquel on dansa jusqu'à sept heures du soir.

» Le rendez-vous fut encore, après souper, dans les salles du château, où l'on dansa jusqu'à quatre heures du matin dans la plus grande gaîté et avec tout le contentement que donnait une fête semblable. »







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