Janvier 2023 : Cet ouvrage vient d'être réédité, en tirage à la demande. Il s'agit d'une nouvelle édition entièrement recomposée, identique à l'édition originale, et non d'un fac-similé de mauvaise qualité. L'ouvrage de 370 pages est disponible en grand format (18x25cm) en version brochée (couverture souple), en version reliée (couverture rigide), ou bien en 4 petits fascicules à prix étudié, reprenant chacun une des quatre grandes parties de l'ouvrage). Une version Kindle est également disponible.

L'objectif de cette réédition était uniquement de proposer une lecture plus facile et agréable, et pour cela, l'ouvrage a entièrement été remis en page. Pour aider le lecteur à actualiser ses connaissances, une bibliographie mise à jour a été ajouté.

Châteaubriant, baronnie, ville et paroisse



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TROISIEME PARTIE.

BÉRÉ OU LA PAROISSE.




Si nous osons traiter la question de nos origines, ce n'est pas assurément avec la prétention de la fixer d'une manière définitive et sans conteste. Nous n'apportons en cette épineuse matière ni raisonnements sans réplique, ni preuves appuyées sur de récentes découvertes, ni les études spéciales et profondes, nécessaires à qui veut s'aventurer au travers de si profondes ténèbres. Nous soumettons tout simplement à nos bienveillants lecteurs nos réflexions particulières sur les rares traditions locales ou écrites que nous avons pu recueillir.

Béré, dans les actes latins du XIe siècle, s'orthographiant Bairiacus, aurait dû retenir, comme tant d'autres lieux de la Bretagne non bretonnante, la finale caractéristique de la langue qu'on y parlait, et, par conséquent, s'appeler Bairiac. Mais le latin, déjà si corrompu du XIe siècle, devenait, avec le temps et l'ignorance des bons auteurs, de plus en plus barbare; on prononça donc et l'on écrivit Bereius ou Bereus, expression qui, francisée, nous donna Béré eu lieu de Bairiac, mot essentiellement celtique et dans sa consonnance et dans sa composition. Si nous en croyons ceux qui ont étudié cette langue (1), Ber voudrait dire haut, élevé ; i, rivière ; et ac, habitation : bourg élevé sur ou près une rivière. Quoique cette interprétation convienne bien à notre Bairiac, je ne saurais garantir l'exactitude de cette étymologie.

Nous n'avons rien de plus certain sur le temps où le Christianisme fut implanté en cette paroisse : nous inclinons à croire que ce ne fut guère avant le VIe siècle. La lumière dut nous venir du Nord, et plus encore de l'Ouest où, par un bienfait très-spécial de la Providence, les fugitifs de la Grande-Bretagne venaient en foule abriter leur patriotisme et leur foi. Qu'on jette les yeux sur la carte, et qu'on cherche à se faire une idée de ce que devait être, avant le XIe siècle, c'est-à-dire pendant les quatre cents ans qui suivirent l'occupation romaine, cette étendue de pays comprise entre Nantes, Angers, Rennes et Redon : dans ce vaste quadrilatère de 30 lieues de diamètre du nord au midi et de l'est à l'ouest, le regard ne rencontrait que forêts presque contiguës, que landes sans fin, traversées ça et là par quelques voies romaines qui ne survécurent pas longtemps à ceux qui les avaient tracées. Seul, le moine-missionnaire, attiré par l'appât d'une conquête évangélique, osait se frayer un passage dans cette contrée couverte par l'ombre de ses forêts et les ténèbres plus épaisses encore de l'ignorance de ses habitants.

L'église de Sion, s'il faut en croire la tradition du pays, aurait été fondée par des religieux envoyés par saint Melaine, fondateur du monastère de la Platz. Brain, sur la Vilaine, lieu de sa naissance et où il coula tant d'années dans les douceurs de la contemplation et les exercices d'un zèle vraiment apostolique, confirmait avec le pays nantais; rien ne s'oppose à croire que le saint abbé n'en ait visité et évangélisé les centres principaux. Aussi les église qui l'avaient connu, ou qui avaient reçu les bienfaits de son apostolat, l'adoptèrent à l'envi pour patron, comme Sion, Pancé, Bain, Pléchatel. Devenu évêque de Rennes, l'ardeur dont il était rempli pour le statut des âmes ne fit que s'accroître. « Il remplit les cures vacantes et les pourveut de gens de bien, doctes et pieux, qu'il tirait des monastères de Bretagne, Anjou, Poictou et Normandie, pour avoir à la main des personnes d'emploi à la conversion des âmes. Il fit venir de Normandie Saint Pater (qui depuis fut évêque d'Avranches), et lui fit bastir un monastère près la ville de Rennes, lequel, en peu de temps, devint une fertile pépinière de personnages signalés en sainteté et doctrines (2) ».

Chose remarquable ! Nous avons retrouvé le nom et le culte de ce saint personnage au milieu des bois qui entourent Châteaubriant. A quelques kilomètres de cette ville, sur le coteau boisé qui domine le cours de la Chère, il existe un bois portant le nom de Saint-Pater (3) avec une chapelle qui lui était également consacrée. On connaît la date d'érection et les noms des fondateurs de toutes les autres chapelles de cette paroisse et de la paroisse de Béré ; on ne connaît rien de semblable pour la chapelle de Saint-Pater. Pourquoi ? – Sinon parce que remontant à des temps trop reculés, elle fut dès le principe le monument de la reconnaissance des peuples éclairés et convertis par cet apôtre ? L'historien de la vie de saint Melaine déjà cité, nous apprend qu'il visita plusieurs fois tout son diocèse. N'est-il pas naturel de penser qu'il vint aussi en ces paroisses limitrophes du pays nantais, accompagné de son saint ami et collaborateur, dont les miracles et les vertus se gravèrent pour jamais dans la mémoire des peuples qu'il gagna à Jésus-Christ. Ce fut même pendant qu'il était sur les confins de l'évêché de Rennes que saint Melaine guérit miraculeusement une grande dame, nommée Eve, qui demeurait au pays du Maine. – Quoique toutes ces preuves ne soient pas rigoureuses, elles nous semblent pourtant de nature à établir une vraisemblance qu'il est raisonnable d'admettre en l'absence de preuves plus positives ou contraires.

Si des paroisses se formèrent, si des églises furent édifiées à cette époque, elles dûrent subir le sort de toutes les églises de la Bretagne, lors des invasions normandes. Tout se dissipa devant la fureur impie des barbares : princes, nobles, prêtres et moines, allèrent chercher un refuge sur la terre étrangère, tandis que les populations rurales étaient livrées sans défense, au glaive, au pillage et à la destruction par ces sauvages habitants du Nord, auxquels nos faibles rois ne savaient plus résister. Les villes, les châteaux, les églises, les monastères, les chaumières, furent renversés ou livrés aux flammes ; tout le pays, souillé par le passage des Normands, devint un désert où nulle voix humaine ne se faisait entendre: la Bretagne semblait anéantie. Britania destructa est, s'écrit douloureusement une charte contemporaine.

Ce fut seulement en l'an 1000 que cessa la terreur universelle. Les peuples rassurés sur l'existence du monde, et délivrés en même temps du fléau des Normands, reprirent courage au travail. Les campagnes se repeuplèrent, les églises furent reconstruites et les murailles des villes relevées. C'est même de cette époque que date la fondation d'un grand nombre de nos petites villes bretonnes : Châteaubriant est de ce nombre. Les seigneurs rentrèrent dans leurs châteaux et les moines dans leurs monastères; chacun s'efforça à l'envi de réparer les ruines et de rendre la vie à ce désert.

Nous avons tout lieu de croire que Béré, qui avait partagé la désolation générale, entra pour son compte dans ce mouvement de résurrection universelle.







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