Janvier 2023 : Cet ouvrage vient d'être réédité, en tirage à la demande. Il s'agit d'une nouvelle édition entièrement recomposée, identique à l'édition originale, et non d'un fac-similé de mauvaise qualité. L'ouvrage de 370 pages est disponible en grand format (18x25cm) en version brochée (couverture souple), en version reliée (couverture rigide), ou bien en 4 petits fascicules à prix étudié, reprenant chacun une des quatre grandes parties de l'ouvrage). Une version Kindle est également disponible.
L'objectif de cette réédition était uniquement de proposer une lecture plus facile et agréable, et pour cela, l'ouvrage a entièrement été remis en page. Pour aider le lecteur à actualiser ses connaissances, une bibliographie mise à jour a été ajouté.
2 mars 1794 .- Le général Commaire commandait alors à Châteaubriant.
La tradition rapporte que cet obscur soldat, usé déjà par ses débauches, fut trouvé mort dans son lit, après une nuit d'orgie sacrilège, où les vases et ornements sacrés avaient été profanés ! Il fut enterré sur la place publique, au pied de la Montagne. Sa mémoire est restée dans l'esprit de tous un objet de répulsion.
16 avril 1794. - Le district adresse, à la Monnaie de Paris, une barrique et une caisse pleines d'argenterie et de galons provenant des églises du district et des émigrés : 1,311 marcs d'argenterie, 14,060 livres d'argent monnayé, 1,901 livres de cuivre, 319 livres d'étain, 144 cloches. Que de valeurs détruites pour en arriver là !
19 avril. - Payé à C. et à A. 30 sous, pour avoir détruit et anéanti les idoles du fanatisme, tant à Béré qu'à Saint-Nicolas. (Les statues vénérées des saints !)
Avril 1794. - Le citoyen X*** s'était rendu à Villepôt où, avec l'aide de quelques partisans, il avait enlevé tous les saints de l'église et les avaient enterrés. Il rapporte une couronne d'un de ces saints qu'il dépose sur le bureau du club ; il est décidé qu'on en fera des balles pour tuer les ennemis de la République.
Avril 1794. - On descend la grosse cloche de Saint-Nicolas.
10 avril. - ordre au district de pourvoir au complet habillement de 1,200 hommes de nouvelles recrues. - Réquisition des draps, toiles, cuirs, etc., ouvriers et ouvrières.
Avril 1794. - Au mois d'avril, Châteaubriant se voyait déjà environné d'ennemis et presque dépourvu de soldats. Le Directoire envoya deux députés aux représentants qui se trouvaient à Nantes pour leur rendre compte de la situation. Puis on s'entendit avec les généraux Savary et Nicole, qui commandaient la place. Il fut convenu de murer les portes de Saint-Michel et de la Poterne, de fermer les autres à neuf heures du soir et de ne les ouvrir qu'à quatre heures du matin, de ne laisser passer personne sans présenter une carte de civisme, d'établir de nouveaux corps-de-garde et de doubler les postes. Tous les citoyens de bonne volonté furent engagés à passer la nuit sous les armes.
Les bandes royalistes s'organisaient, se renforçaient et envahissaient les communes environnantes. Voici un extrait de ce que le Directoire écrivait aux représentants du peuple :
« Différents rassemblements répandent la terreur dans plusieurs communes qui nous avoisinent : des voyageurs sont assassinés ; le maire et l'agent national de Noëlet viennent d'être égorgés au pied de l'arbre de la Liberté. Ces scélérats se retirent dans les bois pendant le jour, et ils parcourent les campagnes pendant la nuit, égorgeant les patriotes et essayant de relever l'espérance des contre-révolutionnaires. Des lettres saisies sur une jeune fille de Gâtines et sur un brigand tué près de Candé ne laissent aucun doute sur un complot liberticide tendant à faire une nouvelle Vendée de notre pays. Notre position est affligeante : nous manquons de toute espèce de ressources ; nous sommes absolument dépourvus de subsistances et de munitions. Vos frères vous conjurent, au nom de salut public, de faire marcher de suite des forces contre ces scélérats qui obligent les municipalités à quitter leurs foyers pour éviter la mort et le pillage. Déjà grand nombre d'officiers municipaux sont réfugiés à Candé. Nous apprenons que ces bandes viennent d'envahir l'une de nos communes. »
Quelques jours plus tard, il écrivait : Les chouans ont assassiné à Villepôt le commissaire envoyé pour faire le recensement des blés. A Juigné, ils ont abattu l'arbre de la Liberté et pillé plusieurs bons citoyens. A Erbray, ils ont détruit les archives et jeté les débris par les fenêtres. Ce même jour, ils ont envahi Moisdon, brûlé les papiers de la mairie, assassiné le maire et enlevé les fusils qu'on allait envoyer à Châteaubriant.
Le Directoire demande qu'on envoie au moins un bataillon au général Savary, qui n'a que 150 hommes exténués de fatigues, à cause du service et de courses qu'on exige d'eux.
La forêt de Juigné était occupée par une bande de royalistes qui tombaient chaque nuit sur les communes voisines ; bon nombre de patriotes avaient déjà succombé sous leurs coups. On remarqua, comme une preuve d'intelligence, le paisible séjour que faisait dans sa maison M. Dandigné, ex-noble, qui demeurait plus près de la forêt que les patriotes susdits. On conclut à le faire arrêter et incarcérer. Mais M. Dandigné échappa à leurs recherches, puisque, plusieurs années plus tard, on le retrouve premier lieutenant de Châtillon, général en chef de l'armée du Bas-Anjou et de la Haute-Bretagne.
Le Directoire se voyant entouré et pressé par les chouans, voyant les patriotes tués aux portes mêmes de la ville, remarquant que les chouans étaient toujours prévenus des expéditions des républicains, soupçonna que le parti royaliste avait des espions et des agents actifs dans la ville. Pour les découvrir, il prit la mesure d'ouvrir les lettres confiées à la poste, et à cet effet, nomma deux commissaires. Au contraire, il était impossible d'avoir aucun renseignement sur les lieux où se retiraient les bandes, sur leurs chefs et leurs opérations ; pour se procurer quelques connaissances, le Directoire soudoya deux espions.
Mais ces mesures, de même que les arrêtés pris au sein du club, contre les fauteurs et complices des chouans, n'obtenaient aucun résultat devant le mutisme des paysans et la difficulté des communications.
Dans ce même mois d'avril, le général Savary fit plusieurs courses dans la forêt de Juigné pour en débusquer les bandes qui s'y étaient cantonnées. Il ne fut pas toujours assez heureux pour les rencontrer. Une fois cependant, il s'y passa une affaire assez chaude, dans laquelle il y eut bon nombre de blessés ; on fit, dans la ville, une souscription en leur faveur. Le nommé Robert avait été grièvement blessé au bras ; la Société populaire l'envoya complimenter : il répondit que s'il perdait un bras, il lui en resterait encore un pour le service de la République !
Vers la fin de ce mois, de nombreuses troupes arrivèrent, et il en était besoin. Les rassemblements royalistes se multipliaient ; les routes n'étaient plus sûres ; cinq officiers municipaux de Saint-Julien avaient été tués dans une seule nuit, ainsi que le commissaire de la même commune ; deux officiers municipaux de la Chapelle-Glain avaient eu le même sort ; on craignait pour les forges de la Hunaudière et de Moisdon, où l'on fabriquait des obus et des canons. L'arrivée de ce secours nécessita des réquisitions de toutes sortes : tous les cordonniers furent obligés de fournir cinq paires de souliers par décadis, sous peine d'être punis selon la loi.
Les foins, pailles, avoines, furent mis en réquisition chez tous les citoyens : tous les chevaux et mulets durent être présentés dans les 24 heures ; les citoyens durent abandonner même leurs ateliers aux fournisseurs et aux bouchers de l'armée ; tous les citoyens au-dessus de 14 ans durent aller à la municipalité pour y déposer une livre de vieux linges. Les écuries de MM. de Bois-Adam et de la Pilorgerie servirent à loger 40 à 50 chevaux de la cavalerie nationale.
Ces douceurs du régime républicain rappellent le couplet chanté par les députés d'une certaine commune qui apportaient à la Convention l'argenterie de leur église :
Pour évangile ayons les lois,
Et l'hymne sacré pour cantique ;
Pour l'enfer l'empire des rois,
Pour paradis le République.
Ils n'étaient pas difficiles, les bienheureux de ce paradis-là.