Janvier 2023 : Cet ouvrage vient d'être réédité, en tirage à la demande. Il s'agit d'une nouvelle édition entièrement recomposée, identique à l'édition originale, et non d'un fac-similé de mauvaise qualité. L'ouvrage de 370 pages est disponible en grand format (18x25cm) en version brochée (couverture souple), en version reliée (couverture rigide), ou bien en 4 petits fascicules à prix étudié, reprenant chacun une des quatre grandes parties de l'ouvrage). Une version Kindle est également disponible.

L'objectif de cette réédition était uniquement de proposer une lecture plus facile et agréable, et pour cela, l'ouvrage a entièrement été remis en page. Pour aider le lecteur à actualiser ses connaissances, une bibliographie mise à jour a été ajouté.

Châteaubriant, baronnie, ville et paroisse



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Chapitre V




Nous n'avons pas eu la prétention de citer les noms de tous les confesseurs et martyrs des 27 paroisses du district, mais ce tableau prouvera, sans réplique possible, combien fut petit le nombre de ceux qui trahirent leurs serments.

Pendant que les farouches apôtres du régime de la Terreur persécutaient les prêtres et les religieuses, on n'oubliait pas les partisans du roi, de l'ordre et de la religion. Carrier avait envoyé à Châteaubriant un commissaire, nommé Lefebvre, avec le titre d'adjoint aux adjudants généraux et des pouvoirs illimités. Chose étrange ! cet individu arrêtait, jugeait et faisait fusiller à sa guise, sans que personne lui eût demandé exhibition de ses pouvoirs. Ce ne fut qu'au bout de deux mois que le Directoire s'avisa de faire des observations au Comité de salut public sur le pouvoir discrétionnaire du délégué, qui n'avait d'autre règle que sa volonté.

24 janvier 1794. - Sur les instructions reçues, sans doute, il s'enhardit à demander au sieur Lefebvre qu'il exhibât ses pouvoirs, ainsi que la composition des commissions militaires qu'il avait formées, les procès-verbaux des arrestations qu'il avait faites (1) et toutes autres opérations. Le Directoire n'était ni méchant ni sanguinaire, et nous sommes convaincus qu'il voulait modérer l'ardeur de Lefebvre contre les royalistes. Celui-ci répondit le 30 janvier par l'envoi d'une liste de douze personnes qu'il avait fait fusiller, en l'accompagnant des procès-verbaux qui les concernaient et en faisant son apologie. Nous n'avons pu savoir qu'elles étaient ces victimes du lieutenant de Carrier. Seulement, on dit que deux religieuses, qui avaient confessé généreusement leur vœu de chasteté, furent condamnée à mort. En se rendant au cimetière, elles ne cessèrent de chanter le cantique : Vive Jésus, vive sa croix ; ces vierges héroïques furent fusillées sur le bord de leurs tombes, que l'on avait creusées devant elles. - On parle aussi d'un nommé Hervé, menuisier à Châteaubriant, qui chantait : je mets ma confiance, Vierge, en votre secours, en se rendant de la prison à la Trinité, où se tenait le tribunal révolutionnaire, et après avoir reçu son inique condamnation, il répéta encore son pieux refrain jusqu'à la Motte (2), où il fut fusillé.

Parmi les autres victimes de Carrier, que nous pouvons citer comme appartenant à Châteaubriant, se trouvent : Castellan père et fils - Ballays, grand-père de Mme Delaunay-Guibourg, avocat distingué au Parlement de Rennes, subdélégué à Nantes et nommé intendant de Provence au moment de son arrestation, mort de misère dans les prisons de Paris. - De la Pilorgerie, vieux, infirme, blessé par une chûte et mort lui aussi à la suite des mauvais traitements dont il fut l'objet. Tous les quatre faisaient partie des 132 Nantais envoyés par Carrier à Paris, mais qu'il avait donné ordre d'assassiner en route.

On s'était donné beaucoup de mouvement pour s'assurer de la personne de M. Fresnais de Beaumont, de Saint-Julien. On avait contre lui une haine sans égale : on l'appelait le grand coupable et on le considérait comme l'instigateur et le chef de l'insurrection de ce canton. On réussit à le faire condamner par le tribunal de Rennes ; la sentence fut affichée et publiée par toute la ville et exécutée vers le milieu d'avril.

Avril 1794. - Une note trouvée aux archives municipales prouve que l'horrible machine fonctionnait à Châteaubriant. Elle était ainsi conçue : payé à F.-C. 15 sous pour avoir enterré le cadavre du brigand guillotiné Beaumont. Je ne crois pas qu'elle fût en permanence ; on la faisait venir pour les grandes circonstances.

C'est ici qu'il faut relater un fait de révoltante impiété qui souilla, au commencement de cette année 1794, l'enceinte de cette cité, si chrétienne et si profondément attachée à la foi.

5 février 1794. - Les députés du club des jacobins avaient demandé à la municipalité qu'on élevât une montagne autour de l'arbre de la Liberté. Ils s'adressèrent, à cet effet, au général Kléber, alors à Châteaubriant, lequel leur donna un officier du génie qui dressa le plan et le fit exécuter. Tous les corps d'état, citoyens et citoyennes, armés de pelles, pics et brouettes, furent invités à prêter leur concours, afin d'aller chercher les gazons nécessaires.

Pendant ce temps, un menuisier en renom mutilait la statue de je ne sais quel saint, pour la rendre susceptible de représenter le génie de la Raison, avec ses attributs, Deux dames citoyennes, les plus ferventes dans ce joli culte, firent une quête pour subvenir à tous les frais de la fête, fixée au 19 de ce mois.

19 février. - Ce jour-là, tous les corps constitués, la garde nationale, les troupes de la garnison, la cavalerie et la gendarmerie sous les armes, se réunirent sur la place de l'Egalité et descendirent la Grand'Rue, au son d'une musique guerrière, portant tour-à-tour sur un brancard l'emblême de la Raison, qui fut placé, au bruit des tambours et de la canonnade, sur la montagne.

Des nymphes firent un dialogue ; l'agent national prononça un discours ; le bruit de canon se mêla aux chants patriotiques, et tout le peuple se confondit dans des danses idolâtriques qui achevèrent de rappeler les plus beaux temps du paganisme.

En voyant l'abomination de la désolation au sein de leur cité, naguère si religieuse, ceux qui demeuraient fidèles au Dieu de leurs pères, - et ils étaient en grand nombre, - durent se voiler la face et gémir sur la profondeur de l'abîme où on cherchait à les précipiter. Qu'on se figure l'effet produit sur le peuple des campagnes par le récit de cette pompe idolâtrique ! Il fut immense, et précipita, en leur donnant une impulsion plus énergique, les évènements que nous allons raconter.

26 mars. - Arrestation et incarcération des Dlles de Fermon, à Gastines, en Issé. On leur reproche d'avoir reçu des lettres contre-révolutionnaires.







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