Janvier 2023 : Cet ouvrage vient d'être réédité, en tirage à la demande. Il s'agit d'une nouvelle édition entièrement recomposée, identique à l'édition originale, et non d'un fac-similé de mauvaise qualité. L'ouvrage de 370 pages est disponible en grand format (18x25cm) en version brochée (couverture souple), en version reliée (couverture rigide), ou bien en 4 petits fascicules à prix étudié, reprenant chacun une des quatre grandes parties de l'ouvrage). Une version Kindle est également disponible.

L'objectif de cette réédition était uniquement de proposer une lecture plus facile et agréable, et pour cela, l'ouvrage a entièrement été remis en page. Pour aider le lecteur à actualiser ses connaissances, une bibliographie mise à jour a été ajouté.

Châteaubriant, baronnie, ville et paroisse



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Chapitre VI (suite)




Il paraît qu'à partir de cette époque, Mme de Châteaubriant changea complétement de conduite. On peut bien supposer, avec le bibliophile Jacob, que les vers adressés par François I, captif, étaient à l'adresse de cette dame, et qu'elle y répondit par d'autres vers galants ; rien toutefois ne prouve positivement cette interprétation d'une correspondance anonyme qui ne fut peut-être qu'un badinage (1). D'ailleurs, la valeur de ce recueil de poésies « gît surtout dans les allusions qu'on y trouve à l'agonie de la passion de François I pour Mme de Châteaubriant (2). » Le roi, de retour en France, prouva bien qu'il avait oublié Françoise de Foix, en donnant publiquement son amour à Mlle d'Heilly, qu'il fit duchesse d'Etampes.

Brantôme a raconté cette rupture du roi et de la baronne de Châteaubriant en citant une anecdote que tout le monde connaît. François I, dit-il, ayant redemandé à Françoise de Foix « tous les plus beaux joyaux qu'il lui avait donnés, non pour la prix et la valeur, mais pour l'amour des belles devises qui étaient mises, entravées et empreintes, » Mme de Châteaubriand fit fondre tous ces joyaux et les envoya au roi, « convertis et contournés en lingots d'or, » en ajoutant au messager ces paroles : « Allez porter cela au roi et dites-lui, que puisqu'il lui a plu me révoquer ce qu'il m'avait donné si libéralement, je le lui rends et renvoye en lingots d'or. Pour quant aux devises, je les ai si bien empreintes et colloquées en ma pensée, et je les y tiens si chères, que je n'ai pu permettre que personne en disposât, en jouit et en eût le plaisir que moi-même (3). »

Si ce récit est vrai, il prouve que Mme de Châteaubriant ne quitta la cour que parce qu'elle s'y vit supplantée par la duchesse d'Etampes, qui l'en fit partir, selon la pittoresque expression de Brantôme, « ainsy qu'un cloud chasse l'autre ; » il prouve aussi que cette dame conservait en son coeur un amour criminel pour le roi ; il justifie, enfin, la réputation équivoque que laissa de ses mœurs, à la cour de France, cette Françoise de Foix, si soigneusement élevée par la sage reine Anne, mais perdue par les folles joies des courtisans de François I.

Toutefois, n'exagérons rien ; pourquoi oser dire que Mme de Châteaubriant partageait ses faveurs entre le roi et l'amiral de Bonnivet ? Pourquoi lui attribuer l'histoire très-graveleuse des trois veuves, plaisantées par M. d'Albanie (4) ? Brantôme, qui a raconté tant d'histoires en ce genre, - et beaucoup trop assurément, - ne les met point nettement sur le compte de Françoise de Foix. Laissons de côté cette triste légende des amours de la comtesse de Châteaubriant, déplorons sa conduite criminelle, et arrêtons-nous désormais sur un côté moins odieux de son histoire.

Le baron et la baronne de Châteaubriant reprirent vers 1525 leur premier genre de vie en Bretagne. Jean de Laval faisait alors construire à Châteaubriant, comme nous l'avons déjà dit ; il y bâtit, dit le P. du Paz, « un beau et excellent château, et une des plus plaisantes, agréables et salutaires demeures qui se puissent trouver. » La tradition ajoute que Jean de Laval orna avec un soin particulier les appartements destinés à sa femme ; il lui donna cette chambre dorée qui est restée si célèbre dans le pays, et dont on admire encore aujourd'hui les magnifiques sculptures. Ce seigneur voulait probablement faire oublier, par ces délicates attentions, le séjour de la cour à Françoise de Foix et lui témoigner ainsi qu'il lui conservait ou plutôt lui rendait son amour.

Du reste, si l'on ajoute foi au bibliophile Jacob, « Françoise de Foix dirigeait elle-même les constructions à la moderne qu'elle ajoutait à sa maison de Châteaubriant ; de concert avec son mari, elle fit bâtir, dit Hévin, la belle et magnifique façade que l'on y voit, ornée dans les entre-fenêtres de bustes de marbre blanc parfaitement achevés, représentant la maison royale (5). »

Mais le baron de Châteaubriant dut bientôt abandonner ses travaux d'art et reprendre les armes. Les mémoires de Langeay nous apprennent qu'en 1528, Jean de Laval était en Italie à la tête d'une compagnie de cent hommes d'armes des ordonnances, emploi très-distingué à cette époque. Il revint en France au mois d'octobre, et alla visiter, avec l'évêque de Consérans, les enfants de son beau-frère, le seigneur de Lautrec, qui venait de mourir à Naples. Il accepta même la tutelle de ces orphelins, et amena avec lui à Châteaubriant sa nièce, Claude de Foix, qu'il éleva dans sa maison.

Sur ces entrefaites, le comte de Laval, gouverneur de Bretagne, vint à mourir, et le roi donna un éclatant témoignage de sa satisfaction au baron de Châteaubriant, en le nommant aussitôt lieutenant-général et gouverneur de Bretagne, le 9 juin 1531 (6).

Le seigneur de Châteaubriant, devenu ainsi le premier en Bretagne après le roi, fit une entrée des plus solennelles à Rennes, capitale de son gouvernement. Alain Bouchard a résumé en quelques lignes cette fête qui fut, paraît-il, splendide et dont Jean de Laval fut le héros. « Auquel seigneur, dit notre vieil historien dans son naïf langage, a été fait aussi noble entrée comme l'on eut pu faire à la personne du roi ou de la reine ; car vous devez considérer et entendre que à ladite entrée se sont trouvés les plus grands personnages et nobles de ladite duché de Bretagne, comme évêques, abbés, barons et autres seigneurs tant ecclésiastiques que séculiers, pour lui faire honneur et révérence ainsi qu'ils y sont tenus (7). »

« Dieu donne la grâce, ajoute en terminant Alain Bouchard, à ce noble et puissant seigneur, monseigneur de Châteaubriant, homme savant, preux et magnanime, de faire son acquit de la charge et gouvernement qu'il a reçus ainsi qu'il y est tenu. »

Pendant quelque temps, les fêtes se succédèrent pour le nouveau gouverneur ; puis le roi vint lui-même en Bretagne et alla naturellement loger chez son lieutenant-général. Ce fut au mois de mai, dit dom Lobineau, que François I vint à Châteaubriant (1532). Il séjourna pendant six semaines chez Jean de Laval, pendant que l'on disposait tout pour la tenue des Etats de la province à Vannes. C'est alors que le roi fit don à madame de Châteaubriant, le 31 mai, des revenus des seigneuries de Sucinio, l'isle de Rhuys et Estrénic. François I quitta enfin Châteaubriant (8) et se rendit à Vannes, où il obtint des Etats ce qu'il désirait si vivement, c'est-à-dire l'union de la province de Bretagne au royaume de France.

Toutefois, pour consoler ceux des Bretons qui regrettaient l'ancien état de choses et le gouvernement de la bonne duchesse Anne, le roi voulut que son fils le dauphin fût solennellement couronné duc de Bretagne, sous le nom de de François III. Cette cérémonie se fit à Rennes avec une magnificence inouie, au mois d'août de cette même année.

Les fêtes de ce couronnement commencèrent le lundi 12 août 1532, par l'arrivée du dauphin, qui alla coucher, selon l'usage, à l'abbaye de Saint-Melaine, accompagné du baron de Châteaubriant, gouverneur de la province. Le lendemain, le dauphin se présenta à la porte aux Foulons, où l'attendaient l'évêque de Rennes et le seigneur de Châteaubriant ; ce dernier commanda alors au comte de Laval, gouverneur de Rennes, de faire ouvrir cette porte. Puis, après que l'évêque eût reçu le serment du dauphin « d'entretenir l'église de Bretagne en ses droits et anciennes libertés, » le seigneur de Châteaubriant fit prêter au prince un pareil serment « pour la noblesse, pour les villes et pour le peuple, de les entretenir en leurs droits, privilèges et anciennes libertés. » Le dauphin put seulement alors entrer dans la ville. Il se rendit à la cathédrale et se plaça du côté de l'Evangile, sous un riche dais de drap d'or ; le baron de Châteaubriant s'assit vis-à-vis, du côté de l'épître ; on chanta les vêpres, et au magnificat, l'évêque de Rennes porta lui-même l'encens au dauphin et à Jean de Laval, puis, l'office étant terminé, les deux seigneurs se retirèrent au palais épiscopal, où il passèrent la nuit.







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