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Châteaubriant, baronnie, ville et paroisse



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Chapitre VI

Jean de Laval & Françoise de Foix

1503-1543.




La vie Jean de Laval, baron de Châteaubriant, et de Françoise de Foix, sa femme, a eu le même sort que celle de Françoise de Dinan, leur aïeule ; les romanciers se sont plu à la dénaturer de toutes les façons, et les historiens eux-mêmes se sont, pour la plupart, faits romanciers, lorsque le nom célèbre de Mme de Châteaubriant s'est trouvé sous leur plume. Pour nous, nous n'entreprendrons point ici de discuter avec Varillas, Lesconvel, M. Paul Lacroix (le bibliophile Jacob), ni même avec notre illustre avocat, Pierre Hévin ; nous raconterons simplement les faits, tels que nous les présente l'histoire sérieuse, et de ces faits sortiront nos conclusions.

Jean de Laval naquit au mois de janvier 1487, de François de Laval, baron de Châteaubriant, et de Françoise de Rieux. Il avait à peine atteint quatorze ans que la reine Anne de Bretagne, dont il avait l'honneur d'être parent (1), le reçut à sa cour dès l'an 1501. Le jeune homme fut admis parmi les pages de la reine, qui prit un soin particulier de son éducation aussi bien que de celle de son frère, Pierre de Laval. Tant que vécut la bonne duchesse, Jean de Laval fut couché sur l'état de sa maison royale, à deux mille livres de pension annuelle, ce qui était une somme assez considérable à cette époque.

Au reste, dès 1503, le baron François de Laval étant mort, Jean de Laval hérita des grands biens de son père et prit le nom de baron, ou - selon la mode qui s'introduisait déjà de grandir les titres des seigneuries - comte de Châteaubriant, nom qu'il porta toute sa vie (2).

La cour de la reins Anne était, comme l'on sait, une véritable école de chevalerie, de goût et de politesse « ce fut la première reine qui commença à dresser la grande cour des dames, dit Brantôme, elle avait très-grande suite de dames et de filles, et n'en refusa jamais aucune ». Parmi ces demoiselles élevées ainsi par la bonne reine-duchesse, se trouvait une de ses parentes, nommée Françoise de Foix. Elle était fille de Jean de Foix, vicomte de Lautrec, et de Jeanne d'Aydie (3) ; elle avait beaucoup d'esprit, beaucoup de beauté, mais peu de fortune. Ses trois frères, Odet, Thomas et André, étaient, comme Jean de Laval, élevés avec elle à la cour de la reine.

Ce fut ainsi que se forma tout naturellement la connaissance du jeune baron de Châteaubriant et de Françoise de Foix Anne de Bretagne résolut alors de marier ensemble ses deux protégés, ayant fait un voyage en Basse-Bretagne, en 1505, la reine-duchesse se fit suivre d'une partie de sa cour, et elle réalisa à Morlaix même le projet d'union qu'elle avait formé. Le 4 septembre de cette année là, eurent lieu, en effet, dans cette ville, les fiançailles de Jean de Laval, sire de Châteaubriant, avec Françoise de Foix. La reine voulut honorer cette cérémonie de sa présence, et elle fit don à la jeune fille d'une somme de vingt mille livres à cette occasion, et lui promit de lui faire donner, en outre, par son père, le sire de Lautrec, dix mille livres pour sa portion d'héritage Jean de Laval n'avait alors que dix-huit ans (4).

« Les deux jeunes gens, dit M de Lescure (5), durent, à partir de cette époque, vivre dans leurs terres » de Bretagne, car on ne trouve pas le nom du seigneur de Châteaubriant dans les listes des gentilshommes qui accompagnèrent Louis XII dans les guerres d'Italie en 1507 et en 1509. L'on voit, au contraire, que la reine Anne appela Jean de Laval à Nantes, au mois de mai 1507, pour assister à la translation solennelle du corps de Marguerite de Foix, duchesse de Bretagne et mère de la reine, de la cathédrale dans l'église des Carmes (6).

L'année suivante, Françoise de Foix accoucha d'une fille, le 11 mars, Cette enfant fut baptisée dans la chapelle du château de Châteaubriant et fut nommée Anne, par Pierre de Rohan, maréchal de France, et par Gillette de Coasnon, dame d'Acigné, et Françoise de la Bouexière (7). Jean de Laval n'eut point d'autre enfant, et eut encore le malheur de la perdra à l'âge de 13 ans ; Anne de Laval mourut, en effet, le 12 avril 1521 et fut inhumée dans l'église de la Trinité de Châteaubriant (8).

En 1514, un grand deuil couvrit notre pays ; la bonne reine-duchesse Anne de Bretagne, l'idole de son peuple, rendit le dernier soupir au château de Blois, le 9 janvier. Le baron de Châteaubriant accourut aussitôt à la cour pour y rendre les derniers devoirs à son illustre protectrice. Il fut accompagné à Blois par son frère, Pierre de Laval, seigneur de Montafilant, et ils eurent tous les deux l'honneur de porter le poêle funèbre de la reine, avec les sires de Penthièvre et de Candalle. Ils suivirent ensuite le convoi jusqu'à Paris et à Saint-Denis, occupant toujours les places d'honneur auprès du corps (9).

Jean de Laval revint ensuite dans ses domaines et y demeura, semble-t-il, quelque temps, car il n'assista point au couronnement ni à l'entrée de François I. Mais le roi appela peu après à sa cour le baron de Châteaubriant, et y fit venir aussi sa femme, qui devint, croit-on, dame d'honneur de la reine Claude. On ne peut nier, quoi qu'ait dit Hévin, la passion de François I pour Mme de Châteaubriant, et il semble malheureusement trop avéré que Françoise de Foix eut la faiblesse de consentir à devenir la maîtresse du roi. Cependant l'on ne sait pas positivement quand commencèrent ces amours adultères qui firent, dit nettement Brantôme, la fortune des trois frères de Françoise.

Le roi ne tarda pas à se débarrasser du baron de Châteaubriant, dont la présence à la cour devenait gênante ; il l'envoya guerroyer en Italie, sous les ordres de son beau-frère, Odet de Foix, seigneur de Lautrec, gouverneur de Milan. Jean de Laval se battit bravement à la journée de la Bicoque, où le comte de Monfort, son cousin, périt à ses côtés ; plus heureux, le seigneur de Châteaubriant échappa au désastre de cette malheureuse affaire et revint en France sain et sauf. De retour à Châteaubriant, Jean de Laval commença la construction d'un nouveau château, en 1524 (10). Quant à Françoise de Foix, elle était encore à la cour l'année suivante, lorsqu'arriva la nouvelle de la captivité du roi, fait prisonnier â Pavie. C'en était fait du pouvoir de Mme de Châteaubriant ; elle le comprit, et vint rejoindre son mari en Bretagne. Ce fut alors que Jean de Laval résolut de lui donner toute sa fortune, ce qui prouve que les deux époux vivaient alors en bonne intelligence. Mais comme la coutume de Bretagne s'opposait à cette donation, il fit don de ses biens au sire de Lautrec, son beau-frère, par un acte notarié passé à Lyon ; puis, par un autre acte qui devait rester secret, il transporta la donation entière, du vouloir et consentement exprès de Lautrec, à la dame de Châteaubriant, en considération « du grand amour et dilection, obéissance et loyauté que ladite dame et bonne femme et loyale épouse lui a porté et lui porte, et des bons et commendables services, traitements et plaisirs qu'icelle dame lui a faits et continue de lui faire pendant le temps de leur mariage. »

« Je sais bien que c'est là de l'éloquence de notaire, dit avec justesse M. de Lescure, et que cette rédaction n'engage pas le comte de Châteaubriant. Mais l'acte, en lui-même, proteste de sa confiance ou de son pardon (11). »







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