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L'objectif de cette réédition était uniquement de proposer une lecture plus facile et agréable, et pour cela, l'ouvrage a entièrement été remis en page. Pour aider le lecteur à actualiser ses connaissances, une bibliographie mise à jour a été ajouté.

Châteaubriant, baronnie, ville et paroisse



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Section troisième (suite)



Quelles étaient donc ces personnes charitables qui étaient venues en aide à M. Legrand ? C'étaient : V. et D., missire Pierre Bodier, prêtre missionnaire de l'évêché de Rennes ; demoiselle Elisabeth Dannais, de Nantes ; et enfin, M. Olivier, autre missionnaire de Nantes ; lesquels déclarent ne donner cette somme que pour l'école des filles seulement, et non pour aucune autre destination, entendant, si ladite école venait à manquer, et que l'hôpital ou l'école des garçons voulût s'emparer de ces fonds, les répéter empressement et leurs hypothèques sur la même maison (1).

Les premières directrices de l'école charitable furent donc Mlles d'Oultremer. La famille d'Oultremer était nombreuse et des plus recommandables du pays par sa noblesse et sa bienfaisance. René d'Oultremer, sieur de Belestre, fût un de ceux qui secondèrent le plus activement le doyen Blays dans la fondation de l'hôpital, un autre était seigneur du Boisbriant ; enfin, Mlle Renée d'Oultremer, veuve de N. H. Louis Galinière, sieur Despinard, était propriétaire de la maison du Palierne, qu'elle afferma pour servir d'hôpital, au moment où les religieuses Ursulines la quittaient pour aller à Saint-Sauveur. Les deux directrices de l'école charitable étaient certainement parentes et peut-être soeurs.

A Mlles d'Oultremer succéda, en 1720, demoiselle Marie Leray de la Mataudais. Cette sainte femme, qui aimait à s'appeler Mère des pauvres de la ville de Châteaubriant, gouverna seule la maison pendant 44 ans. Elle y demeurat, passant sa vie à soulager les pauvres, à instruire les enfants, visitant les malades et consacrant toute sa fortune à ces oeuvres de charité. Mais son grand âge et ses infirmités la forcèrent, en 1764, de s'adjoindre une compagne : elle était digne de son choix. Madeleine Préau n'était pas novice dans les fonctions auxquelles elle était appelée depuis neuf ans déjà, elle s'était vouée au service des pauvres dans la paroisse de Fercé et autres paroisses voisines.

Mlle de la Mataudais dirigea la maison de charité certainement jusqu'en 1789, c'est-à-dire pendant 69 ans !

Mlle Marthe-Louise du Boispéan de la Minière lui succéda cette même année. Après avoir acheté une petite maison voisine de la première, elle les renversa toutes deux pour les remplacer par une construction plus vaste et plus commode. Cette construction se fit au moyen d'emprunts et des sommes que fournirent Madeleine Préau et Mlle de Fermont, qui s'étaient déjà réunies à Mlle du Boispéan. Mais à peine y étaient-elles installées que la Révolution vint les chasser de cet asile et leur en disputer la possession. Mlles du Boispéan et de Fermont durent s'éloigner et se cacher pour éviter les rigueurs dont on poursuivait tout ce qui tenait à la noblesse ; quant à Madeleine Préau ; elle resta pour tenir fête tête à l'orage. A un dévouement sans bornes, elle joignait une énergie et une ténacité peu communes. Il est impossible de dire tous les mouvements qu'elle se donna pour sauver les prêtres fidèles, pour les cacher, et procurer les consolations de leur ministères à ceux qui les réclamait, pour dérober les objets du culte à la rapacité des républicains, et pour défendre la maison qui lui avait été confiée contre les convoitises de la communauté.

Celle-ci, n'ayant pas de mairie, voulait y tenir ses séances, mais la courageuse fille ne craignit point de s'adresser aux administrateurs de Châteaubriant et même au directoire de Nantes, qui fit défense, par son arrêté du 29 septembre 1790, de troubler dans leur jouissance les personnes qui y résidaient. Le maire et ses officiers municipaux ne se tinrent pas pour battus, et le 6 septembre 1791, ils notifièrent à Mlle Préau l'ordre de sortir de Châteaubriant dans les vingt-quatre heures et de se retirer à Angers. Elle protesta contre l'illégalité d'une telle mesure, et à force de réclamations, elle obtint du directoire du district l'autorisation de fixer son domicile en tel lieu qu'il lui plairait. Mais la municipalité, acharnée contre cette pauvre fille, n'eut pas honte d'employer contre elle la force armée pour l'expulser de l'école charitable - octobre 1792. La maison fut fermée, Mlle du Boispéan émigra à Grenesey où elle mourut, et Mlle Préau se retira à Redon, où elle devint supérieure de l'hôpital. Tout le mobilier fut vendu et dissipé, la maison et ses revenus firent réunis à l'hospice, qui en jouit jusqu'à ce que justice se fit, et que les choses fussent rendues à leur premier état.

Lorsque le calme fut rétabli, on se mit à recueillir les débris dispersés par la tempête. Les habitants de Châteaubriant, qui n'avaient point oublié les immenses services rendus à leurs pauvres et à ceux des campagnes voisines par l'école charitable, adressèrent une pétition à M. Bernard-Dutreil, premier sous-préfet, qui seconda si bien leurs voeux, partagés du reste par le Conseil municipal, qu'il obtint du préfet un arrêté (12 mai 1810), en vertu duquel la maison de charité était rétablie sur le pied où elle était avant la révolution. Il n'y eut de changé que le nom, dans le langage administratif on l'appela le Bureau de bienfaisance.

Ainsi revivait l'oeuvre de MM. Legrand et Ollivier. Par un bonheur providentiel qui ne lui a jamais manqué, des directrices dignes de leurs devancières ne lui firent pas défaut. Les administrateurs connaissant la vertu, la grande charité et la capacité de Mlle Jacquette de Fermont des Chapellières, s'empressèrent de l'appeler à la direction de l'école. Elle ne la conserva pas longtemps, sa mort, arrivée en 1813, fat l'objet des regrets universels. Heureusement pour les pauvres et leurs enfants, Mlle Jeanne, sa soeur, voulut bien la remplacer et leur servir de mère. Mais laissons parler le registre municipal :

27 juillet 1818. - « La perte récente et inopinée que nous venons de faire en la personne de Mlle Jeanne de Fermon, directrice de l'école charitable, excite avec justice nos plus vifs regrets. Elle avait succédé à sa sœur dans la direction de cette école, relevée par un arrêté de M. le Préfet rendu sur la demande du Conseil municipal.

» Pour l'exécution de ce traité on fut obligé de distraire de l'hospice le bâtiment de cette école, qu'il avait reçu en indemnité de ses biens vendus et de ses rentes supprimées. La ville fut tenue, d'après cet arrêté, de donner à l'hospice un dédommagement fixé en ce moment à 500 fr. C'est donc la ville seule aujourd'hui qui soutient l'hospice.

» Le Conseil municipal, en demandant le rétablissement de cette école, avait compté avec raison sur les moyens et le zèle de Mlle Jacquette de Fermont, et tout faisait présager que son attente serait couronnée du plus heureux succès, quand la mort vint nous l'enlever. - Mlle Jeanne, aussi vertueuse et aussi bienfaisante que sa soeur, voulut bien lui succéder, par respect pour sa mémoire et aussi dans l'espoir de s'associer, par la suite, quelques dames charitables qui, réunissant leurs moyens aux siens, feraient prospérer cet établissement. Son espoir a été trompé. Elle est restée seule et a sacrifié tous ses revenus au soulagement des pauvres. Sa mort est une perte irréparable qui laisse cette maison sans chef ni moyens. »

Sur ces ces entrafaites, Mlles Bernard et Thuillier, désirant confier aux soeurs de la Sagesse la direction de l'école, firent au Conseil municipal des propositions qu'il ne crut pas devoir accepter. Les choses en demeurèrent là jusqu'à la fin de 1823, où l'on pria Mlle Françoise (vulgairement appelée Sillette) de Fermont, soeur des deux précédentes, de mettre fin à cet état de souffrance. Voici la réponse qu'elle fit au maire « Je m'estime très-heureuse de la demande que vous avez la bonté de m'adresser. C'est de tout mon cœur, de toute mon âme et de toutes mes forces que je désire donner mes soins à l'école charitable. Tendez la main au pauvre, sa vue doit vous réjouir, c'est un portier du ciel. Cette pensée seule me remplit la tête. - Ma faible santé ne me promet pas un long règne.

» Les vues de la Providence, Messieurs, que vous savez si bien seconder, me laissent sans inquiétude sur l'avenir, je vous devrai de mourir en paix, seul bonheur où j'aspire. - Daignez agréer, Messieurs, le sentiment de ma reconnaissante. »

Quelle noblesse de sentiments ! quelles saintes femmes que celles qui savaient parler et agir ainsi !

Mlle Françoise de Fermont vint donc se mettre à la tête de l'école, elle y vint et elle y mourut, mais avec la consolation de la laisser entre les mains de celles qu'elle avait tant désirées. En effet, depuis plusieurs années, elle travaillait de concert avec Mlle Bernard et M. de La Rolandière, prêtre de cette ville à assurer son avenir, en la confiant à une communauté. Après bien des difficultés, on parvint à s'entendre avec les Dames Ursulines de Chavagnes, et dès que la maison fut convenablement meublée pour les recevoir, les religieuses arrivèrent (7 décembre 1826).

Ce fut un jour de fête pour toute la ville. Les cloches sonnaient à toutes volées, la place était couverte d'une foule avide de les voir et du milieu de laquelle s'élevaient ces acclamations : quel bonheur, les voilà donc enfin !... Soyez les bienvenues, mes bonnes soeurs, dès demain nous vous conduirons nos enfants. M. le Sous-Préfet, le Maire, M. le Curé et M. de la Rolandière les reçurent à la descente de la voiture et présentèrent, dans un bassin d'argent, à la mère Sainte-Ursule, supérieure des religieuses, les clefs de la maison qu'elle ouvrit elle-même et où elle trouva une table magnifiquement servie, à laquelle le clergé, les autorités et les bienfaitrices prirent place à côté des religieuses.

Le lendemain, jour de l'Immaculée-Conception, on se rendit à l'église processionnellement. L'office divin fut célébré avec toute la solennité des plus grandes fêtes, M. de Bauregard, grand-vicaire de Monseigneur de Guérines, prononça un discours analogue à la circonstance, et après le chant du Te Deum, les religieuses furent reconduites à leur maison et le jour suivant se mirent en exercice.

Depuis lors, la prospérité de cet établissement a toujours été croissante. L'humble maison de charité est devenue le beau pensionnat de Nazareth. Mais aujourd'hui, comme au temps de M. Legrand et des dignes femmes qui soutinrent son oeuvre après lui, les pauvres sont consolés et assistés, les malades visités et soignés, et 130 petites filles indigentes apprennent de leurs pieuses maîtresses l'art de gagner leur pain de chaque jour et de vivre chrétiennement.







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