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Châteaubriant, baronnie, ville et paroisse



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Mémoires du doyen P. Blays.

IV. Des églises et chappelles de la paroisse de Saint-Jean-de-Béré (suite).




De l’église et couvent de la Trinité, ordre des Mathurins et rédemption des captifs.

Ce couvent fut fondé en 1252, par Geffroy, 4me baron de Châteaubriant, à son retour de Barbarie, où il fut fait prisonnier à la journée de la Massoure, avec le roi Saint-Louys, Pierre de Dreux, auparavant duc de Bretagne, et toute l’armée chrestienne, par les Sarrazins, au mois de février, en 1250, et qui furent délivrés dès la feste de l’Ascension, 4me du mois de may au d. an, par la libéralité du roy, qui donna la ville de Damiette pour rançon avec, et consentit outre de payer dix cents mille bezans d’or, dont les Sarrazins rabattirent deux cents mille ; ce qui s’apprend du sire de Joinville present et de la lettre que Saint-Louys escrivit aux Etats de son royaume de captione et liberatione sua, ce qui revient à deux millions sept cents mille livres de la monnoye d’aujourd’ hui. Après quoi, le duc Pierre et les seigneirs bretons et autres partirent incontinent pour s’en revenir en France, où le seigneur de Châteaubriant estant de retour, fonda le d. couvent ou ministrerie (1).

Ce seigneur leur donna seulement, pour la subsistance de cinq religieux et un novice et pour le bastir, la somme de 200 livres de rente annuelle, qui se paye encore à présent : ce qui faisoit un gros revenu pour lors et qui est peu de chose à présent. Ils seroient grands seigneurs si il leur eust donné ces 200 livres de rentes en terres ; d’où il se voit qu’ils sont redevables des biens qu’ils possèdent, à la charité des fidèles, qui les leur ont donné la plus part avec obligation de prières et de quelques messes par semaine, pour le salut de leurs âmes ; il s’en voyait autre fois une liste dans leur sacristie.

Ce couvent a esté sujet, dans nos jours, aux changements et vicissitudes qui n’arrivent que trop souvent dans les maisons religieuses, car l’ordre des Mathurins estant tombé dans le relaschement par les deréglements de ses enfants, ainsi que la plus part des autres ordres, le Saint-Père, qui veille particulièrement au bien spirituel de cette illustre portion de l’Eglise, n’oublia rien de ce qui estoit nécessaire pour rappeler les sujets de ce saint ordre à l’observance de leur règle et de leur institut. Il donna commission, pour cet effect, à de bons religieux du même ordre, du zèle des quels il se servit pour ce grand dessein. Les uns, tenant le millieu entre l’austérité des deschaux et le relaschement des autres, par un bref d’Urbain VIII, commencèrent par la réforme de la maison de Cerfroy, qui est le chef de l’ordre, et les autres, c’est-à-dire les deschaux, par la Provence où ils s’establirent premièrement.

Les uns et les autres de ces réformés, ayant appris la mort du ministre du couvent de Châteaubriant, qui avait eu le même sort que les autres et pleinement informés du pitoyable estat de cette pauvre maison, pensèrent aussi tost à s’y establir. Ceux de Cerfroy vinrent les premiers s’y présenter, mais ils la trouvèrent si pauvre, si délabrée et si endebtée, que trois ou quatre pauvres religieux avoient bien de la peine à s’y nourrir, encore failloit aller aux dimanches et festes jusqu’à près de deux lieües servir des chappelles et faire dire de petits enfants pour avoir de quoy vivre. Ils perdirent cœur, et, craignant de ne pouvoir remettre cette maison, s’en retournèrent sans rien faire.

Les deschaux vinrent ensuite et le Père D’Aneau, qui estoit le chef, y estant arrivé, s’y establit, appuyé sur la divine Providence, qui n’abandonne point les siens au besoin et qui ne paroist jamais avec plus d’éclat que quand les choses paroissent désespérées au jugement des hommes, et il ne fut pas trompé, car il n’y fut longtemps, que faisant venir de Provence quelques saints religieux et recevant même quelques novices de son institut, il gagna par la vertu et le bon exemple le cœur des gens de bien, qui eussent crû faire un crime de ne l’assister pas en son dessein. Par leur assistance, il eut bien-tôst reparé ce qui estoit plus pressé, comme le réfectoire, le cloistre, le dortoir et l’église. Il fist même faire un grand tableau au maître autel, qui représentoit saint Jean de Matha et saint Félix de Valois à la fonteine, le cerf au millieu, l’ange au dessus avec les captifs, et, au hault, la Tres-Sainte-Trinité, avec le chœur au derrière de cet autel. Entre tous, celuy qui les assista davantage, fut Monseigneur de Cospean, pour lors evesque de Nantes. Ce frand prélat, qui avoit le discernement très-fin, conceut tant d’estime du Père D’Aneau et de ses religieux, qu’il leur faisoit souvent l’honneur de venir les veoir, jusques là, qu’il passait quelques fois trois mois dans leur maison, vivant avec eux comme un de leurs frères. Mais cette grande amitié, dont il honoroit ce bon Père, fut cause d’un nouveau changement et dans sa personne et dans la maison de Châteaubriant, car, ayant été transféré de l’evesché de Nantes à celuy de Lysieux, par Louys treize d’ heureuse mémoire, afin d’estre plus près de sa personne sacrée qui l’avoit choisy pour le directeur de son âme, ce bon prélat qui avoit toute confiance dans le Père D’Aneau, voyant qu’il y avoit dans cette ville un couvent de son ordre où la réforme de Cerfroy estoit nouvellement establie, le fist eslire pour supérieur par les religieux ; ce qui l’obligea de se chausser et de changer d’habit pour se rendre conforme à eux : grand exemple de changement et de l’inconstance des hommes, même les plus vertueux ! Il fut continué dans cette charge autant de temps que vescut Monseigneur de Cospean, par la mort duquel il mourut aussi à la supériorité, et on l’appella bientost à Cerfroy ou il vécut depuis en simple remigieux et décéda dans une extrême vieillesse.

Mais si Monseigneur de Cospean causa du changement en la personne du Père D’Aneau, le faisant quitter la discale, il en apporta aussi à la maison de la Trinité de Châteaubriant, estant cause que la maison, aussi bien que presque touts les religieux, passa de la discalce à la réforme de Cerfroy. Car, tout aussi tôst que le Père D’Aneau fut à Lizieux, le vicaire général y envoya un supérieur avec quelques religieux, et ce, environ 1634 ou 35, leurs archives en doivent faire foy. Et peu à peu, réparant la maison, ils augmentèrent le nombre des d. religieux ; ils y mirent une estude de philosophie, et en firent une des jolies maisons et des plus nombreuses de leur province, aussi bien que des plus régulières. Et ce pendant, ils ne la possedèrent qu’environ dix à douze ans, car le Père Nazarre Anroux, Parisien, lequel y avoit demeuré jeune prestre, trouvant cette maison à son goust, forma le dessein de s’en faire ministre, non pas triennal, mais perpétuel. Pour cet effect, il s’en vint à Châteaubriant où, ayant conferé de son intention avec le Père Bertin, ministre, et la Père Quentin, qui avoient inclination de demeurer en cette maison le reste de leurs jours, estant estayé d’eux, il brigua les voix des autres religieux qu’il obtint facilement, les trompant ainsi par ses belles paroles, car il estoit prédicateur eloquent, quoique de peu de fonds de doctrine. Il s’en retourna et son election étant confirmée au chapitre, il remit la maison entre les mains du général et prist les provisions de luy.

A son retour, il se deffist peu à peu, sous divers prétextes, des réformes et des religieux qui n’avaient aucune connaissance de ce qu’il avoit fait, et retenant avec soy les Pères Bertin et Quentin, il remist la maison dans l’ordre, s’y maintint malgré les efforts des Pères réformés et y demeura quelques 5 à 6 ans. C’était peu, à la vérité, mais assez pour se rendre odieux, et endetter le couvent par ses chicanes et ses dépenses excessives. Ce qui luy donna la pensée d’en sortir et luy fist embrasser avec joye l’occasion qui s’en présenta. La ministrerie d’Etampes venant à vacquer pendant un voyage qu’il fist à Paris, et voyant que Monseigneur Le Mercier la donnoit au Père Héron, avec lequel il avoit esté élevé à Fontainebleau, servant les messes aux religieux, il dist tant de merveilles de la maison de Châteaubriant, taisant les embarras où elle estoit, qu’il luy persuada de la prendre au lieu de celle d’Etampes. Ce qu’estant agréé du d. genéral, Anroux resta à Estampes, et Héron s’en vint à Châteaubriant, où il travailla de son mieux au restablissement de cette maison et à l’acquit de ses dettes, même à sa décoration. Ce fut luy qui fist faire ce jardin bas, entouré de ces baux canaux, et il y eust fait beaucoup de bien s’il n’eust point esté transféré à Sarzau, en l’isle de Rhuys, par M. le Général qui lui accordoit tout ce qu’il lui demandoit. Le Père Villette, Parisien, vint en suitte au ministériat de Dinan, où il estoit. A son decès, le Père Chrysostôme Lambot, de Rennes, et profès de Toulouse, succéda à Villette, et après la mort de Lambot, le P. Barthélemy Siméon Tocri, Tolozain, bachelier de Paris, et depuis docteur de la d. faculté, y fut envoyé par le Révérend Père Tessier, général. Il n’y resta pas longtemps, parce que le Révérend Père général et successeur de Tessier, pour le bien et la gloire de son ordre, lui donna la ministerie d’Arras, et celle de Châteaubriant au Révérend Père Marie Tolozain, aussi profès de Toulouse, homme de vertu et de doctrine qui avoit esté son sécrétaire et de son prédécesseur, aussi bien que leur vicaire par plusieurs années dans le couvent royal de Fontainebleau, dont ils etoient tous deux ministres en même temps que generaux de l’ordre. Il avoit déjà, depuis peu, une ministerie près Chaalons, en Champagne, mais comme il aime cette communauté et qu’il y a toujours vécu, il a très-volontiers suivi les sentiments de son général qui aussi a jugé que ce couvent avoit besoin de son caractère. Il a fort bien commencé et est très-bien intentionné pour l’avenir. Il a un religieux de conséquence et grand prédicateur, le P. Ponson, Parisien, et minoret d’un petit monastère.


De l’églize et prieuré de Saint-Michel-des-Monts- lez-Chasteaubriant.

Ce prieuré de Saint-Michel-des-Monts fut fondé par Geoffroy troisiesme, baron de Châteaubriant, joignant son parc, au haust du fauxbourg, l’an 1204. Ce prieuré estoit autrefois membre dépendant de l’abbaye de Montfort-en-Bretagne, et ne pouvoit, selon la fondation, estre possédé que par un chanoine régulier qui debvoit estre nommé par le baron du d. Châteaubriant au révérend abbé du d. Monfort qui en donnoit la collation ; ce qui s’estoit maintenu jusques en 1505, comme il se voit par une présentation ou nomination faitte au d. abbé par Jean de Laval, frère de Guillaume, en voyage, religieux, en présence des sires de Beaufort, de la Rochegiffart et de Chamballan, signé Jean de Laval, et par Monseigneur Galcher, sécrétaire. Selon les termes de la d. fondation, le prieuré estoit autrefois conventuel, où le prieur avoit d’autres religieux avec luy ; car il n’est obligé qu’à prières et oraisons. Il y avoit au d. prieuré court des religieux, court du dehors, tous les lieux réguliers, comme chappitre, cuisine, réfectoire, dortoir où il y a encore et à présent trois chambres et un chœur hault. Mais peut-estre que ce prieuré a perdu de ses anciens revenus, ce qui l’empesche d’y avoir plusieurs religieux. Il est maintenant en commande, et se présente comme un autre bénéfice à Mire Gabriel Bechenec, clerc tonsuré et prestre à présent, de même que par feu monsieur de Montmorency à escuyer Alexandre de Pampelume, gentilhomme de Champagne, et qui avoit auparavant esté page dans la maison, avec la collation de Monseigneur l’évesque de Nantes, qui, depuis que l’office divin ne se fait plus dans le d. prieuré, oblige le prieur à deux messes par semaines pour les fondateurs.

Cette église a un clocher et trois autels, et s’y voyait encore, il n’y a pas longtemps, le tombeau du fondateur et de son épouze, sous une fausse châsse couverte d’un drap noir, avec leurs figures, les quatre vertus cardinalles aux quatre coins, dont il s’en voit encore deux, et de petits angelots portant les armes de Châteaubriant, et tout au-dessus la figure du sieur de Montaffilant à genoux, le tout de terre cuite.







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