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Châteaubriant, baronnie, ville et paroisse



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Chapitre VI (suite)




Histoire des murs, avenues et rues de la ville.

Il nous est impossible de préciser l'époque où Châteaubriant reçut son enceinte murée ; mais nous ne croyons pas nous éloigner beaucoup de la vérité en supposant que ses murs remontent à sa fondation même.

La nécessité de mettre le commerce et l'industrie de ses habitants à l'abri des pillages et des courses des gens de guerre, ferait à elle seule une démonstration de notre hypothèse. Du moins faut-il admettre que les seigneurs de Châteaubriant ne laissèrent pas longtemps leurs sujets exposés aux dangers que courait en ces temps une ville ouverte, puisque, dès le principe, les terres de Châteaubriant étaient assez considérables pour constituer une grande baronnie.

Or, dom Maurice (Préf. IX) nous apprend que, d'après les coutumes du royaume, il était essentiel à la baronnie de renfermer une ville close. Si Amaury de Craon — 1223 — accompagné de ses soldats angevins, normands et gascons, s'empara facilement de Chàteaubriant, s'il n'attendit pas Pierre Mauclerc et son armée derrière ses murailles, cela ne prouve pas que la ville en fût dépourvue, mais uniquement qu'elle était dégarnie de défenseurs et que le sénéchal d'Anjou ne pouvait compter sur le concours des habitants dont il allait combattre le seigneur. D'ailleurs, une ville frontière, qui était un centre important, ne pouvait demeurer longtemps sans fortifications.

Les ducs de Bretagne, qui vinrent si souvent à Châteaubriant, et en firent leur place d'armes dans les guerres qu'ils eurent à soutenir avec leurs voisins, sentirent de quelle importance il était pour eux de la tenir en bon état de défense, et ils y donnèrent leurs soins. Les premières murailles subirent sans doute, dans la suite des temps, bien des modifications, de sorte que ce qu'il en reste aujourd'hui appartient plutôt à la dernière moitié du XVe siècle qu'à l'âge des premiers seigneurs : François II, notre dernier duc, peut en être regardé comme le restaurateur. Il affectionnait cette ville et y venait souvent; en 1464, il fit d'abord réparer les remparts au moyen d'un impôt sur le vin et sur le sel ; en 1472, il la mit encore en meilleur état de défense ; enfin, en 1477, il augmenta les fortifications, en prévision de la lutte qu'il allait livrer à la France et dans laquelle il succomba. Nos murs n'étaient point faits pour résister à l'artillerie dont on ignorait encore la puissance. Le résultat de la capitulation fut la destruction presque entière du donjon et des tours du château, dont la mine seule pût avoir raison ; les murailles de la ville, ouvertes eu plusieurs endroits par le canon, perdirent leurs créneaux ; les tours furent démantelées, et les autres ouvrages qui protégeaient la place mis hors de service. — 1488.

Ce ne fut point un malheur pour Châteaubriant. Malheureuses ont été de tout temps les villes murées ! Malheureux ceux qui se sont abrités sous leurs remparts ! L'existence si tourmentée de notre ville n'en fournit que trop de preuves.

Trois portes basses avec ponts-levis et flanquées de tours, donnaient primitivement accès à la ville : c'étaient les portes Saint-Michel, de Couëré et de la Torche (1). La porte Neuve, comme l'indique son nom, ne fut ouverte que plus tard, à une époque qui nous est restée inconnue. Six tours s'élevaient entre ces portes, le long des murs dont le pied était baigné au nord par les eaux de la rivière de Cher, au midi et à l'occident par le ruisseau du Rolard. La génération actuelle a encore pu voir ces portes qui n'existent plus aujourd'hui. Quand on entrait dans la ville par la porte de Couëré, l'on avait devant soi la principale artère ou la Grand'Rue qui la traversait dans sa plus grande étendue et conduisait au grand escalier du château. Là s'élevaient, dans un pêle-mêle, dans une confusion dont le moyen-âgé était prodigue, les maisons des meilleurs bourgeois avec leurs pignons audacieux et leurs porches envahisseurs. Chacune avait sa trappe, véritable piége à loups, qui donnait entrée dans des caves où, les jours de marché, les négociations commerciales, surtout celles qui étaient en contravention avec la police, se traitaient plus sûrement que dans les boutiques. Là se trouvaient, plus qu'ailleurs, les chambres des notaires et des procureurs, salles basses et mal éclairées où, pour avoir du jour et rédiger les actes, il fallait attendre après midi. Remarquez ces larges pierres schisteuses, dressées sous l'énorme fenêtre qui éclaire l'appartement ; c'était sur ces tables ou tabliers que les hommes d'affaires écrivaient leurs actes, et d'où leur est peut-être venu le nom de tabellions que les notaires portaient autrefois (2). Rien n'égalait l'étrangeté de cette architecture populaire, qui se plaisait à décorer les façades en bois de sculptures, aussi bizarres dans l'invention que grossières par l'exécution, et dont les restes mutilés peuvent nous faire soupçonner toute l'originalité. Mentionnons encore dans cette rue, l'hôtel du Lion-d'Or (3). à M. Hochedé de la Pinsonnais, et vis-à-vis, l'hôtel Bois-du-Liers ou Liex, à la famille de ce nom, construction féodale avec tourelles à cul-de-lampes et des armoiries que la République a effacées.

Au centre de cette rue se voyaient, dessinées en croix, les halles coiffées de leurs toits aigus qui retombaient presque à terre. Dans le principe, le seigneur avait là son auditoire et sa prison.

C'était encore dans cette rue qu'aux jours de marché les vendants vin et cidre en détail avaient leurs bancs et étanches sur lesquels le seigneur prélevait, comme on l'a vu, son droit de bouteillage.

Enfin, la Grand'Rue était traversée par le ruisseau du Rolard qui, descendant du lavoir public, courait à ciel ouvert au milieu de la ville, et que l'on traversait sur un petit pont de bois, près de la maison du Sauvage (4).

L'historien qui voudrait poétiser son sujet pourrait dire aujourd'hui que Châteaubriant est une petite ville assez propre, coquettement assise au bord d'une petite rivière, au milieu de collines qui, de tous les côtés, lui font une fraîche couronne ; mais ce pittoresque, qui n'irait pas à l'encontre de la vérité pour ce qui est du présent, ne serait qu'un tableau de pure fantaisie pour ce qui regarde les siècles antérieurs.

Châteaubriant, sous ses derniers barons, était loin d'être un séjour enchanteur. Ecoutons les plaintes de la communauté, dans son procès-verbal du 18 janvier 1718. Elle demande qu'il soit nommé des commissaires avec des maçons pour faire procès-verbal des pavés du dedans et du dehors, car il n'est pas supportable de voir les arrivées de plusieurs maisons tellement remplies de boues que l'accès en est des plus incommodes le jour et des plus dangereux la nuit, étant très-difficile de n'y pas tomber.

Quant aux pavés du dehors, il est surprenant que ceux qui ont ci-devant gouverné la communauté soient demeurés insensibles aux funestes accidents qui sont arrivés à plusieurs personnes, dont quelques-unes ont été rapportées les membres cassés ; tout récemment, le sieur Poupin, apothicaire de cette ville, s'y est tué par la chûte de son cheval. Il n'y passe pas de charrettes qui ne s'y brisent ou qui ne versent...

Pendant longtemps la ville n'avait d'autre puits que celui de la place de la Pompe, qui recevait son eau de la fontaine de Petit-Pré, par le moyen de canaux souterrains. Mais soit que les conduits vinssent à s'obstruer ou l'eau à se corrompre, il fallut que toute la ville allât chercher de l'eau potable à la fontaine de la Vannerie ; or, l'on ne pouvait y arriver qu'à grand'peine, tant étaient nombreuses et profondes les mares d'eau croupissante qu'il fallait traverser pendant le chemin. Plus tard, on fit un autre puits sur la place du Champ-de-Foire (place Saint-Nicolas) ; on le laissa se boucher par les eaux et le sable qui l'environnaient. Il se passa deux ans avant qu'on pût y faire les réparations nécessaires : la ville n'avait pas d'argent.

Les abords de la ville ne s'améliorent point dans les années suivantes ; le registre municipal constate, au 28 octobre 1726, « que de la porte Saint-Michel à la porte Neuve le pavé est tellement ruiné, qu'il y a très-grand danger pour les cavaliers, chevaux et voitures, vu la profondeur du fossé. C'est cependant la route du messager de Rennes et de toute la province pour aller à Angers. Du reste, il n'y a ni carrosse ni charrette qui y puissent passer.

» L'endroit qui est vis-à-vis le bastion, appelé la tour du four, est tellement dangereux pour les carrosses, litières et charrettes, qu'il n'en passe guère sans se renverser, avec danger de la vie pour ceux qui sont dedans.

» Enfin le passage qui est sur la route de Paris à Nantes est si dangereux, en tant d'endroits, qu'il s'y est blessé et tué plusieurs personnes, et monseigneur le premier Président en sait bien quelque chose, car à chaque fois qu'il y passe, il est obligé de se mettre à pied pour éviter le danger. »

Le lecteur voudra bien nous pardonner de ne pas mettre sous ses yeux la malpropreté qui s'étalait dans l'intérieur de la ville. La plus riche imagination peut faire tous les frais de ce tableau, sans craindre de dépasser la vérité.

Après cela, il ne faut pas s'étonner si Mme de Sévigné écrit quelque part, dans ses lettres, qu'elle évite de passer par Châteaubriant parce que, dit-elle, on n'en sort pas.

Cet état de choses, si nuisible au commerce, se prolongea jusqu'aux années 1760 et 1762, dans lesquelles le duc d'Aiguillon fit de fréquentes visites à Châteaubriant et améliora considérablement ses avenues.

En 1791, les grands travaux qui s'exécutèrent de la porte Saint-Michel au faubourg de ce nom, eurent pour but de faire passer la grande route de Laval et d'Angers par le milieu des fossés, de combler ces affreux casse-cous, d'aplanir les nombreuses irrégularités des terrains environnants, et enfin de préparer les charmantes promenades que nous voyons aujourd'hui.







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