Janvier 2023 : Cet ouvrage vient d'être réédité, en tirage à la demande. Il s'agit d'une nouvelle édition entièrement recomposée, identique à l'édition originale, et non d'un fac-similé de mauvaise qualité. L'ouvrage de 370 pages est disponible en grand format (18x25cm) en version brochée (couverture souple), en version reliée (couverture rigide), ou bien en 4 petits fascicules à prix étudié, reprenant chacun une des quatre grandes parties de l'ouvrage). Une version Kindle est également disponible.

L'objectif de cette réédition était uniquement de proposer une lecture plus facile et agréable, et pour cela, l'ouvrage a entièrement été remis en page. Pour aider le lecteur à actualiser ses connaissances, une bibliographie mise à jour a été ajouté.

Châteaubriant, baronnie, ville et paroisse



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Chapitre III (suite)




Le duc profita de la paix pour mettre Châteaubriant en bon état de défense à la reprise des hostilités. La porte de Couëré avait beaucoup souffert des attaques précédentes; elle avait besoin d'être entièrement reconstruite : c'est à quoi pourvut le sieur de la Courtpéan. (Voir les notes.)

Cette construction était fort onéreuse pour la ville et les habitants, dont la guerre ruinait le commerce ; aussi le travail marcha lentement. L'année suivante, le gouverneur requit de nouveau la ville d'achever l'ouvrage. Voici ce que nous apprend une autre pièce datée du mercredi, dernier jour d'août 1594 (1). - Il faut lire ces procès-verbaux de la communauté naissante; on y trouvera des noms et des choses qui nous semblent loin d'être indifférents pour l'histoire.

La première partie de 1594 se passa en négociations, ce qui n'empêcha pas un parti d'entreprendre sur l'autre. La nuit du 23 avril, Châteaubriant faillit être surpris, ce que nous apprend un compte du procureur-syndic que nous transcrivons ici :

« Ce jour, Mr de la Guischardière, commandant en l'absence de M. de la Courtpéan à Chaubt, fit entrer les pionniers en ladite ville, qui étaient en nombre cinquante, pour réparer à la porte Saint-Michel, sur l'advis qu'on avait que l'ennemi avait volonté y donner, pour surprendre lad. ville; auxquels, par le commandant dud. sr (Guischardière), Jan Daguyn, procureur-syndic de la ville, aurait fourni pour 20 sols de pain et 12 pots de ciltre à leur souper, qui est au prix de 2 s. le pot; revenant le tout à la somme de 44 s.

» Item. Le lendemain matin, aurait led. Daguyn fourni pareille somme de 20 s. de pain.

» Item. 5 pots de ciltre au prix de 2 s. le pot; revenant le tout à la somme 5 escus 14 s. » Laquelle somme a été par led. Daguyn fournie et payée pour lesdites causes, pour empêcher la descente de l'ennemi qui se serait présenté en gros à la nuit dernière, sur le bord de la contrescarpe du château, à vis de la porte Saint-Michel de la ville de Chabt. »

Qu'on lise attentivement les notes relatives à ces temps troublés et calamiteux ; qu'on les compare avec les décrets et réquisitions lancés à Châteaubriant deux cents ans plus tard, et l'on se convaincra une fois de plus que les hommes sont toujours les mêmes et qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil.

L'année 1595 fut heureusement stérile en évènements pour notre ville. Cependant les troupes ennemies qui tenaient la campagne obligeaient les habitants et la garnison à une grande prudence. Tous ceux qui s'exposaient sans défense étaient massacrés. Nous en trouvons la preuve dans un certain nombre d'actes de sépulture relatifs à des soldats surpris isolément dans les environs de la ville. On les enterrait dans le cimetière dit des Martyrs.

Dom Morice (2) nous apprend qu'au 10 février MM. de Couasquem et Montbarot manquèrent prendre Châteaubriant, qui leur avait été promis par personnes dudit Châteaubriant. Ce qui a été à l'article du protestantisme peut faire supposer aux lecteurs quelles pouvaient être ces personnes influentes de la religion huguenote qui, pendant les trèves et négociations, ne manquaient pas de rentre en ville et d'y ourdir des trames dont nous verrons bientôt le sanglant dénouement.

Au milieu de tous ces mouvements de guerre qui amenaient les troupes royalistes et huguenotes dans les campagnes environnantes, les églises d'Issé, de Saint-Vincent-des-Landes et de Nozay furent polluées. Les deux dernières furent réconciliées à la faveur d'un indult de Rome, l'évêque n'étant point sur les lieux. Quant à l'église d'Issé, elle fut réconciliée par le doyen de Châteaubriant, commis à cet effet par Philippe du Bec, évêque diocésain, alors à Ancenis et que son attachement pour le roi empêchait de résider à Nantes (3).

Au mois de novembre, pendant que les conférences se tenaient à Chenonceaux pour ménager la paix, le duc de Mercoeur assembla la plupart des chefs de son parti à Châteaubriant pour conférer avec eux, et s'en alla ensuite dans beaucoup de ses places y donner ordre.

La fin de cette même année est marquée par un fait d'armes assez singulier pour n'être pas passé sous silence, quoiqu'il ne se rattache qu'indirectement à l'histoire que nous traitons.

Deux frères (4), intrépides royalistes, nommés Malaguet, résolurent de s'emparer de Saint-Mars-la-Jaille. Comme leur mère avait une maison tout près de là, ils purent y rassembler une troupe secrètement, et s'embusquer avec elle dans un champ couvert de grands genêts, près du château : c'était un dimanche matin. Ayant vu sortir les principaux chefs avec les demoiselles et la grande partie des soldats pour aller à la messe à la paroisse, le jeune Malaguet, déguisé en fille, s'avança, fondant en larmes, jusqu'à la tête du pont, disant qu'elle voulait parler à Saulaye, gouverneur de la place, au sujet de quelques-uns de ses soldats qui retenaient son père et le maltraitaient. Malaguet était suivi de deux soldats déguisés en paysans qui disaient vouloir parler aussi au gouverneur. Sur ce propos, la sentinelle, qui n'avait aucune défiance, n'eût pas plutôt abattu le pont-levis pour leur donner entrée, que le jeune Malaguet, l'ayant joint, lui lâcha un coup de pistolet, et, à l'aide des deux autres, le tua et le jeta dans le fossé. Au même instant, Malaguet l'aîné, sortant de son embuscade, entre dans le château, dont il se rend maître. Saulaye, malgré ses représentations, fut fait prisonnier et envoyé à Rennes. (Desfontaines, II, 206.)

L'année 1596 n'apporta aucun changement à la situation : ce fut une année de trèves.

Mais dès le commencement de l'année 1597, l'impatience du duc de Mercoeur lui fit rompre la trève, et il reprit les hostilités en s'emparant, par ses gardes, du château de Saint-Mars, que la ruse des Malaguets lui avait enlevé.

Cet acte déloyal ne lui porta pas bonheur et eut, au contraire, pour lui de fâcheuses conséquences. Le connétable de Montmorency, voyant que le duc avait rompu la trève, et, d'ailleurs, piqué de ce que, dans les négociations précédentes, il n'avait pas voulu lui remettre Châteaubriant qui lui appartenait en propre, fit surprendre cette place, sous son aveu, le 16 avril de cette année. « Châteaubriant, dit D. Morice (5), fut surpris le 16 avril, un matin, au temps des trèves. L'exécution fut faite, conduite et brassée par le sieur Saint-Gilles, fils du sieur de la Thiolaye, de la religion prétendue réformée. Il avait accès, comme aucuns disent, et quelque parentelle ou alliance avec le sieur de Courpéan; quoi qu'il en soit, il était bien venu à Châteaubriant. Il commandait, pour le roi, au château du Frettay (en Pancé), qui n'est pas éloigné : toutes ces circonstances, dit l'historien Desfontaines, l'engagèrent à se charger, de la part du connétable, à exécuter l'entreprise. Il prend donc tout son temps et fait ses capitulations et compositions que l'on dit être avec le sieur de l'Esnaudière, lieutenant de Courpéan. Il va trouver les compagnies (royalistes) du maréchal de Brissac, qui étaient vers Messac, et prenant quelques chefs et des soldats les plus résolus, qui y vont, comme l'on croit, du commandement dudit sieur maréchal, ils surprennent la place au moyen de ladite intelligence. On dit qu'ils apposèrent un pétard ; mais la plus grande opinion croit que c'est un subjet (ruse) et que la place était vieille ; cela ne se fit que par formalité. »







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