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L'objectif de cette réédition était uniquement de proposer une lecture plus facile et agréable, et pour cela, l'ouvrage a entièrement été remis en page. Pour aider le lecteur à actualiser ses connaissances, une bibliographie mise à jour a été ajouté.

Châteaubriant, baronnie, ville et paroisse



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Chapitre II

Protestantisme.




En cette année là, 1565, Charles IX honora nos murs de sa présence. Les visites des rois, ses prédécesseurs, avaient laissé, paraît-il, d'assez bons souvenirs à la cour de France pour inspirer à ce jeune monarque le désir de visiter les lieux habités par cette fameuse Françoise dont la vie et la mort prématurée occupaient encore tous les esprits. C'est Abel Jouan, l'un des serviteurs de Sa Majesté, qui nous instruit des particularités de ce voyage : « Le lundi, quinzième jour du mois d'octobre 1565, le roy partit du lieu de Nantes pour aller disner à la Gallochette, qui n'est qu'une maison seule, et coucher au chasteau de Joué, qui est un seul chasteau. Pour ce jour, 6 lieues.

» Et le mardi, seiziesme jour dudict moys, disner à Moidon, qui est un pauvre village, et coucher à Chasteaubriant, qui est une petite ville et chasteau appartenant à monsieur le connestable. Pour ce jour, 4 lieues.

» Et le roy estant de séjour audict lieu de Chasteaubriant, luy vindrent nouvelles le samedy vingtième jour dudict moys d'octobre que les turcs avaient quitté le siège de Malte, qu'ils tindrent assiégé environ quatre moys, et s'estaient retirés avec grand perte de leurs gens jusques au nombre de trente huit milles hommes, desquelles nouvelles le roy fut si joyeux qu'il en feit faire le feu de joye.

» Le dimanche ensuyvant, vingt et unième jour dudict moys d'octobre 1565, le roy séjourna audict lieu dix huit jours, et y feit la feste de la Toussaints, puis en partit le samedi, troisième jour de novembre ensuyvant, pour aller disner au bourg d'Elbret, qui est un pauvre village, et coucher à la Motte, qui est un petit chasteau en un boys. Pour ce jour 3 lieues.

» Et le dimanche, quatrième jour dudict moys, disner à Candé, qui est un grand village, et coucher au Loroux, qui est un petit village. Pour ce jour, 5 lieues (1). »

C'est pendant son séjour à Châteaubriant que Charles IX confirma aux bourgeois le privilège du papegault. L'effet de cette royale visite fut, sans doute, de confirmer la ville et tout le pays dans l'attachement à la foi catholique, et de diminuer l'audace de ses ennemis.

Car les mémoires du pasteur de Blain ne mentionnent aucune particularité sur le progrès ou la décadence de la secte jusqu'à l'année 1572. - M. Bachelar, venu de Nantes, était alors ministre à Châteaubriant. Cétait l'année de la Saint-Barthélemy. « Les lieux d'exercices pour Châteaubriant, dit M. Le Noir, devaient être secrets et à la dérobée, en cette dure période. J'ai ouï dire à M. le vicomte de Fercé que les fidèles s'assemblaient dans la forêt de Châteaubriant, sous un chêne de remarque et de rendez-vous ; mais il ne disait point le temps précisément, et ce devait être celui-ci plutôt que celui de la Ligue, où tout était dissipé. Mais, pour s'en tenir aux écrits de Sion, l'on voit que Chamballan, en Rougé, était une annexe, et, en cas de besoin, une retraite de l'église de Châteaubriant; l'on trouve, en juin 1568, qu'il s'y fit un baptême pou ceux de Châteaubriant; en juin 1575, il se fit un mariage au même lieu, c'est-à-dire chez Claude, seigneur de Chamballan ; deux de ses enfants y furent encore baptisés dans cette même année ; l'un d'eux eut pour parrain René de la Chapelle, seigneur de la Roche-Giffart. Il s'y fit encore un baptême l'année que mourut Claude, 1582, et nous verrons que l'on y continua des assemblées de l'église pour des baptêmes et des mariages en 1583, 84 et 85, jusqu'à la Ligue. » (P. 183 et 184.)

En l'année 1584, M. Fleury, ministre d'Angers, vint à Chamballan épouser la fille de M. Louveau, qui le fit son gendre, dit le naïf historien. Enfin, l'année 1589 y vit encore une assemblée protestante.

La Saint-Barthélemy dut répandre la terreur parmi les religionnaires du pays. « L'état de l'église de Sion, disent les mémoires, est fort incertain et fort triste quatre ans entiers après le massacres : son registre dit, par observation historique, qu'en janvier 1573, il vint en la maison de la Roche une garnison sous le capitaine Havardière, envoyé par M. de Montpensier, pour solliciter le seigneur et la dame du lieu à aller à la messe ; que la garnison fut là douze jours ; que le seigneur de la Roche s'en alla en cour, mais il ne dit point si ce voyage en cour apporta changement de religion en ce seigneur de la Roche, en sa maison et dans le pays. On sait seulement qu'il mourut en 1577 et qu'il fut enterré dans la grande église de Fougeray, au milieu d'un grand concours de gentilshommes. Quatre ans après, sa femme, Renée, dame de Pocé, mourut, et fut enterrée à Saint-Sulpice, près la Roche, et non à Sion ; mais cela ne fait pas conclure, de nécessité, que tous les deux soient morts catholiques, pour avoir été inhumés en de tels lieux, parce qu'alors les seigneurs jouissaient encore du droit de se faire enterrer dans les enfeux des églises paroissiales dont ils étaient seigneurs-fondateurs. » (P. 184 et 185.) Un peu plus loin, p. 215, le sieur de Crevain dit positivement que la dame de la Roche fut inhumée auprès de son mari, ce qui ne s'accorde pas avec ce qu'il a rapporté plus haut. Il conclut que cet enregistrement de sépulture, de la main de M. Guyneau, dans l'ancien papier de Sion, est une preuve manifeste que ce seigneur là persévéra en la religion jusqu'à la fin, et que si, après le massacre, il alla en cour, ce ne fut pas pour avoir l'oreille aux sollicitations d'aller à la messe, mais pour montrer sa fermeté, en se plaignant de la garnison qui avait été mise à la Roche par M. de Montpensier, sans ordre de Sa Majesté. - Quoi qu'il en soit, la chose ne paraît pas si claire que l'affirme l'historien protestant, et cette sépulture dans l'église de Fougeray et de Saint-Sulpice n'est pas sans répandre quelque doute dans son esprit, sur la persévérance de ces deux personnages.

L'année 1572 avait porté un coup mortel aux établissements calvinistes en Bretagne. En 1565, on comptait 27 églises protestantes ; en 1572, il n'en restait plus que 20, nombre qui a toujours diminué depuis, avoue l'historien, et qui n'a pu se remplir, quelque favorables qu'aient été les temps de rétablissement au siècle où nous sommes (1683).

1576. - Cette année vit paraître l'édit de mai, ou paix de Monsieur (2), frère du roi, le plus ferme appui des protestants dans le royaume. Cet édit, l'un des plus favorables qui eût encore été donné en faveur des protestants, permettait l'exercice public de la religion réformée dans toutes les villes de France, Paris excepté, avec pouvoir de bâtir des temples, etc... Ce fut le premier édit de Henri III, après son retour de Pologne. Le prêche se fit, à Rennes, au logis du Bois-du-Liers, et dix jours après, dimanche 17 juin 1576, M. Guyneau prêcha publiquement dans le bourg de Sion, qui demeura toujours comme la citadelle de l'hérésie. Le samedi suivant, il vint à Châteaubriant et y prêcha publiquement dans la maison du sire Guillaume de Croisemalle, valet de chambre de Monsieur. Réchauffés par le zèle de l'infatigable ministre, les sectaires du pays se réunirent plusieurs fois, cette même anée, à Châteaubriant; mais ils ne le firent pas longtemps, car j'ai lu quelque part qu'en l'année 1577, les huguenots furent mis en complète déroute à Châteaubriant. Ainsi l'hérésie était forcée de s'enfuir, honnie et chassée par le peuple fidèle à son antique foi. Ce fut son coup de mort : désormais, plus de prêche, plus de ministre (3), plus d'assemblées dans ses murs. Tout se dissipa comme une fumée, après un existence tourmentée et souvent interrompue de dix-sept ans !

Il n'y eut que les consciences seigneuriales à soutenir l'édifice qui croulait de toutes parts. On les voyait s'assembler tantôt aux Bignons et autres lieux de la paroisse de Saint-Aubin-des-Châteaux, surtout à la maison de la Cocquerie-de-Champs qui vit, en 1584, le mariage de M. de la Rivière d'Artois avec une fille de la Cocquerie, et, l'année suivante, le baptême de leur enfant ; tantôt en Rougé, dans la maison de Lorgeray, plus souvent à Chamballan ; d'autres fois au Bois-Péan, en Fercé, où se firent notamment deux assemblées marquées aux années 1579 et 1585. N'oublions pas la Roche-Giffart, où l'on peut dire que le protestantisme eut son berceau et sa tombe : malheureuse famille sur laquelle le ciel fit tomber les coups les plus terribles, comme pour venger la mort de ses martyrs. Louis de la Chapelle, fil de René, fut tué au siège de Fougeray, l'an 1595 ; Samuel fut tué à la chasse, et Henri, tué aussi au combat de la Porte Saint-Antoine (16..). La mort violente et rapprochée de ces trois seigneurs ne fut pas sans être remarquée.

1585. - La Ligue dispersa encore bien autrement les brebis et le pasteurs : plusieurs passèrent en Allemagne, d'autres aux îles de Guernesey, où mourut, 1593, M. Guyneau, l'apôtre calviniste de Sion. De sorte que lorsque Louis XIV envoya ses dragons, ceux-ci n'eurent pas de peine à faire disparaître, en notre pays, les derniers vestges de cette secte aussi anti-française qu'elle était anti-catholique. Le 19 janvier 1665, un arrêt du conseil interdit tout exercice à Sion, et le roi ordonna la démolition de son temple.

Ainsi s'expriment les mémoires du pasteur de Blain sur ces réunions de quelques adeptes auxquelles il donne pompeusement le titre d'églises et dont nous avons vu le peu de durée. Le peuple ne s'y méprit pas dans nos campagnes ; il sentit le faux et le vide de ces croyances, et se prit à ridiculiser leurs sectateurs : il les appelait Huguenots (4) ; les châteaux qui les reçurent, des huguenoteries, et leur cimetière, le hugunotier. Mais, de tout temps, les petits ont pâti des sottises des grands. Bientôt les malheureux peuples ne tardèrent pas à devenir les victimes de cette funeste doctrine : c'est ce qu'il nous faut dire maintenant, en racontant ce que fut la Ligue à Châteaubriant, quelles furent ses entreprises, ses succès, ses revers et ses excès.







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