Janvier 2023 : Cet ouvrage vient d'être réédité, en tirage à la demande. Il s'agit d'une nouvelle édition entièrement recomposée, identique à l'édition originale, et non d'un fac-similé de mauvaise qualité. L'ouvrage de 370 pages est disponible en grand format (18x25cm) en version brochée (couverture souple), en version reliée (couverture rigide), ou bien en 4 petits fascicules à prix étudié, reprenant chacun une des quatre grandes parties de l'ouvrage). Une version Kindle est également disponible.

L'objectif de cette réédition était uniquement de proposer une lecture plus facile et agréable, et pour cela, l'ouvrage a entièrement été remis en page. Pour aider le lecteur à actualiser ses connaissances, une bibliographie mise à jour a été ajouté.

Châteaubriant, baronnie, ville et paroisse



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Chapitre III (suite)




L'année suivante, le duc de Bretagne envoya le seigneur de Châteaubriant trouver le célèbre général anglais Talbot, au Mans et à Sainte-Suzanne. Il y traita de ce qui regardait les frontières d'Anjou et du Maine, essayant ainsi de maintenir la paix en Bretagne, pendant que tous les environs étaient exposés aux fureurs de la guerre (1).

A l'exemple de son père, Robert de Dinan, baron de Châteaubriant, avait, comme on vient de le voir, noblement employé ses jours ; tour à tour à la cour de Bretagne et sur les champs de bataille, il avait su montrer de la sagesse dans les conseils du duc et de la bravoure en face de ses ennemis. Lui et ses frères avaient surtout été des serviteurs dévoués à leur prince et des Bretons fidèles à leur patrie.

Les honneurs et les richesses ne manquaient point, on le comprend, à un seigneur aussi distingué, et le sire de Châteaubriant prenait place parmi les plus grands seigneurs de Bretagne. Tout-à-coup, l'on apprit avec non moins d'admiration que d'étonnement que ce puissant baron venait de se retirer au fond de sa forêt de Teillay, et d'y revêtir l'humble habit des Cordeliers (1428) (2).

La chapelle de Saint-Martin de Teillay avait été fondée, croit-on, par les seigneurs de Châteaubriant, au XIIIe siècle (3). Robert de Dinan résolut de construire un monastère près de cette chapelle, et il donna l'un et l'autre aux religieux de Saint-François, appelés cordeliers ; puis, lui même, renonçant généreusement à toutes les grandeurs et à tous les plaisirs terrestres, se renferma avec les nouveaux moines de Teillay dans le couvent qu'il venait de fonder. Il n'y vécut pas longtemps toutefois, car il mourut, selon le P. du Paz, le 13 mars 1430, deux ans après son entrée en religion. Il y avait déjà longtemps que sa femme, Jeanne de Châtillon, avait quitté cette vie.

Robert de Dinan n'ayant point eu d'enfants, son frère Bertrand de Dinan, seigneur des Huguetières, lui succéda et devint baron de Châteaubriant. C'est lui qui, fait, en 1418, maréchal de Bretagne, joua un grand rôle politique sous le nom de maréchal des Huguetières. Nous venons de raconter son emprisonnement par les Penthièvre, puis sa délivrance et ses faits d'armes aux Essarts et à Pontorson.

Ce seigneur se maria deux fois : il épousa 1°, le 24 août 1419, Marie de Surgères, sa parente, fille de Jacques, seigneur de Surgères, et de Marie de Vivonne ; 2° Jeanne de Harcourt, fille de Jean, comte de Harcourt et d'Aumale, et de Marie de Valois, veuve de Jean, seigneur de Rieux. Le baron de Châteaubriant n'eut point d'enfants de cette double union ; sa seconde femme lui survécut et ne mourut qu'en 1457. Il paraît que cette dame avait un grand train de maison, car nous apprenons qu'en 1431, il fut donné, de la part du duc de Bretagne, des joyaux aux demoiselles Marguerite de Kernévenay, Amice de Quildreu, Isabeau de Kervastard, Jehanne du Bé, Blanche de Chalonne, Isabeau de la Moussaye, Béatrice de la Rivière, Jeannette de la Roulière et Jeanne de Carné, toutes « demoiselles étant avec la dame de Châteaubriant (4). »

A peine le maréchal baron de Châteaubriant avait-il pris possession de sa seigneurie que la guerre éclata à ses côtés. Le duc d'Alençon, neveu du duc de Bretagne, mécontent envers ce dernier, enleva de Nantes le chancelier de Bretagne et le fit enfermer d'abord à La Flèche, puis à Pouancé. Le duc Jean V essaya, mais en vain, la voie de la douceur et des négociations ; ne pouvant réussir à amener son neveu à de meilleurs sentiments, il lui déclara la guerre et résolut d'assiéger Pouancé, qui lui appartenait. Toutefois, avant de commencer ce singe, il garnit de troupes toutes les places de la frontière, et envoya Jean et Hervé de Malestroit défendre Châteaubriant, le baron de cette ville étant probablement à l'armée, en sa qualité de maréchal de Bretagne.

Quand Jean V eut rassemblé ses troupes, il les fit marcher du côté de Pouancé, qui fut assiégé le 5 janvier (1432). Pour lui, il alla loger à Châteaubriant, où il avait fait prendre les devants à Jacques de la Tousche, maréchal de Salle, pour faire les provisions nécessaires. La nuit suivante, il gela si fort, que le lendemain matin la glace portait les chevaux et les chariots. Le siège de Pouancé n'en continua pas moins avec vigueur de part et d'autre, et le duc de Bretagne envoya devant cette place la garnison de Châteaubriant. Cependant le connétable de Richement eût voulu réconcilier les ducs de Bretagne et d'Alençon. A sa prière, Ambroise de Loré consentit à négocier la paix entre ces deux princes ; il obtint un sauf-conduit de Jean V et vint trouver ce dernier à Châteaubriant, où il était encore. Un traité fut signé dans cette ville entre les deux ennemis, et le siège de Pouancé fut aussitôt levé et le chancelier rendu à la liberté. Le duc d'Alençon vint même en personne trouver le duc de Bretagne à Châteaubriant ; le connétable de Richemont s'y trouva en même temps, et tous ces grands seigneurs se séparèrent ensuite bons amis.

Après avoir raconté ce siège de Pouancé, D. Lobineau ajoute que parmi ceux qui rendirent au duc de Bretagne le plus de services dans cette guerre, furent le baron de Châteaubriant et Georges d'Audibon, son écuyer, Jean de Fercé et Jean de Coësmes. Il vint aussi un vieux gentilhomme, nommé Renaud Servot, trouver le duc à Châteaubriant, mais Jean V le renvoya à cause de son grand âge, tout en lui faisant un « honneste présent ». Quant à Bertrand de Dinan, il suffit de dire, à l'honneur de ce maréchal, seigneur de Châteaubriant, qu'il conduisit à ce siège de Pouancé près de deux cent cinquante lances avec cent quatre-vingt-trois archers.

Le duc de Bretagne était encore à Châteaubriant quand il apprit une tentative faite par ses ennemis sur Nantes. Il quitta immédiatement, à cette nouvelle, le château de son fidèle maréchal et regagna la ville principale de son duché.

En 1433, Jean V ordonna qu'on fortifia de nouveau Chàteauceaux. Cette place avait été démantelée, en effet, à la suite de la révolte des Penthièvre. Il est à croire, dit D. Lobineau, que le sire de Châteaubriant fut le principal auteur de ce dessein ; Châteauceaux appartenait alors à ce seigneur, et il semble probable qu'il avait reçu cette place en récompense de ses services, lorsque le duc confisqua les biens des Penthièvre. Toujours est-il que Jean V envoya à Bertrand de Dinan Pierre de la Marzélière et Jean Doguest pour régler avec lui tout ce qu'il y avait à faire à Châteauceaux.

Le baron de Châteaubriant fut nommé en 1436 gouverneur de la ville et du château de Nantes ; il prit ensuite, dit-on, du service pour la France, à la suite du connétable de Richemont ; ce qui ne l'empêcha pas toutefois de paraître aux Etats de Vannes, en 1437, et au couronnement du duc François I, en 1442. A cette dernière époque, Bertrand de Dinan se rendit près du nouveau duc à Ploërmel, et l'accompagna à Rennes, où ce prince fit son entrée solennelle et reçut les hommages de tous ses barons. Il y eut à Rennes, à cette ccasion, des fêtes magnifiques qui durèrent huit jours, puis chacun se retira (5).

Deux ans plus tard, mourut Bertrand de Dinan, seigneur de Châteaubriant (21 mai 1444)  ; il y avait juste vingt jours que son dernier frère, Jacques de Dinan, seigneur du Bodister, était mort lui-même (31 avril), laissant une fille unique, nommée Françoise. Le seigneur de Châteaubriant n'ayant point eu d'enfants, ce fut à cette Françoise de Dinan que revinrent par héritage la baronnie de Châteaubriant et toutes les nombreuses et belles seigneuries qu'avaient possédées les enfants de Charles de Dinan.

Ainsi se termine l'histoire des sires de Dinan-Châteaubriant : jamais peut-être nos barons n'obtinrent une plus juste renommée, une gloire plus légitime, une puissance plus grande en Bretagne. Il y a quelque chose d'admirable vraiment dans cet attachement de Charles de Dinan et de ses fils à leurs souverains, dans leur fidélité à leur patrie, alors que tant d'autres oubliaient leurs devoirs. Braves, sages et pieux, les sires de Dinan-Montafilant méritaient de posséder cette belle baronnie de Châteaubriant qu'avaient illustrée déjà les Brient et les Geoffroy, et qui devait briller, pendant plus d'un siècle encore, parmi les grandes seigneuries de la Bretagne.




Voyez à la fin du volume les lettres patentes de François Ier, duc de Bretagne. en faveur des habitants de Châteaubriant.







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