Janvier 2023 : Cet ouvrage vient d'être réédité, en tirage à la demande. Il s'agit d'une nouvelle édition entièrement recomposée, identique à l'édition originale, et non d'un fac-similé de mauvaise qualité. L'ouvrage de 370 pages est disponible en grand format (18x25cm) en version brochée (couverture souple), en version reliée (couverture rigide), ou bien en 4 petits fascicules à prix étudié, reprenant chacun une des quatre grandes parties de l'ouvrage). Une version Kindle est également disponible.

L'objectif de cette réédition était uniquement de proposer une lecture plus facile et agréable, et pour cela, l'ouvrage a entièrement été remis en page. Pour aider le lecteur à actualiser ses connaissances, une bibliographie mise à jour a été ajouté.

Châteaubriant, baronnie, ville et paroisse



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Chapitre I

Brient et ses successeurs

1040-1206.




Avec le Xe siècle finirent en Bretagne les terribles invasions normandes ; il était temps que ce fléau disparût, car, selon l'énergique expression d'un contemporain, ces barbares du Nord avaient anéanti notre pays (1), ruinant complètement toutes nos institutions nationales. Mais, à la suite du grand guerrier Alain Barbe-Torte, les seigneurs bretons, réfugiés en Angleterre, rentrèrent dans leurs domaines patrimoniaux ; les moines, exilés dans les places fortes du centre de la France, rapportèrent leurs saintes reliques et reconstruisirent leurs monastères ; les villes se formèrent de nouveau à l'ombre des forteresses, et le gouvernement des ducs de Bretagne se reconstitua. De toutes parts naquirent des paroisses, s'élevèrent des églises, apparurent des châteaux, et ce renouvellement de la Bretagne toute entière, aux premiers jours du XIe siècle, forme l'une des pages les plus intéressantes de notre histoire.

Parmi les seigneurs qui se distinguèrent à cette époque dans le comté nantais, en établissant leur autorité d'une manière stable sur un assez vaste territoire, se trouvait une famille d'origine bretonne, comme l'indiquent les noms de ses différents membres, composée d'une dame veuve et de ses trois enfants.

Cette dame se nommait Innogwen ou simplement Gwen, qui veut dire Blanche; elle avait épousé Tihern (2), dont le nom générique indique le chef d'une paroisse bretonne ; ses enfants s'appelaient Brient, Hervé et Le Bœuf. Toute cette famille se fixa dans la partie du Comté nantais connue alors sous le nom de la Mée et bornée par la mer, la Vilaine, le Samnon, l'Erdre et la Loire (3).

Nous ignorons ce qu'étaient Tihern et son fils Hervé ; quant au seigneur qui portait le nom ou plutôt le surnom de Le Bœuf, nous pensons qu'il fut l'auteur d'une noble famille qui posséda au moyen-âge les terres d'Issé, Jans, Nozay et Fougeray (4).

Brient I, fils aîné de Tihern, épousa Hildelende, dont il eut trois fils, Geoffroy, Téher et Guy; il eut, en outre, un bâtard nommé également Geoffroy (5).

Ce seigneur construisit un château sur les bords de la petite rivière de Chère; tout porte à croire que l'antique donjon carré, dont les ruines gigantesques dominent encore la ville de Chateaubriand, demeure la dernière, mais remarquable partie des constructions féodales de Brient I. Cette imposante forteresse reçut de son fondateur le nom de castellum Brientii (château de Brient), et Châteaubriant devint dès lors le titre seigneurial et le noble berceau d'une des plus illustres familles dont la Bretagne puisse s'enorgueillir.

Pendant qu'on reconstruisait les châteaux au XIe siècle, on relevait aussi les monastères, et les célèbres abbayes de Saint-Sauveur de Redon et de Saint-Martin de Tours (6)recouvraient leur antique splendeur, Brient et Innogwen, sa mère, donnèrent donc à Catwallon, abbé de Redon, une église voisine de leur château (7) ; c'était au temps de Gaultier, évêque de Nantes, qui gouverna cette église de 1005 à 1042. Ils ajoutèrent à ce don quelques terres en Piré et en Pléchâtel. Puis, voulant ensuite construire un monastère, ils s'adressèrent au même abbé Catwallon, le priant de leur envoyer un moine qui pût diriger l'entreprise. Ce moine, nommé Glaimenoc, n'ayant pas réussi au gré d'lnnogwen, cette dame en fit venir de l'abbaye de Saint-Melaine de Rennes un autre, appelé Jean, qui n'obtint pas un meilleur succès. Alors Brient et sa mère donnèrent le lieu de Béré, situé de l'autre côté de la Chère, non loin de leur château, à l'abbé de Marmoutiers, Albert, lequel satisfit convenablement au désir des donateurs par la construction d'une église et d'un prieuré. En 1050, Airard, évêque de Nantes, confirma les bénédictins de Saint-Martin dans la possession de Béré (8).

Mais les moines de Marmoutiers ne jouirent pas d'abord tranquillement de ce nouveau monastère. Les moines de Redon prétendirent que Béré leur ayant été donné en premier lieu, la donation faite ensuite à Marmoutiers devait être annulée et le prieuré leur revenir. Cette cause fut débattue à Angers, le 9 février et à Nantes le 29 juin 1062, devant Quiriac, évêque de Nantes. Brient Ier était mort ; mais Innogwen, sa mère, encore vivante, habitait Châteaubriant avec ses petit-fils, dont l'aîné, Gaufred ou Geoffroy Ier, venait de succéder à Brient. Elle se rendit à Angers, et affirma qu'elle avait bien prié les moines de Redon de venir construire le monastère de Béré, mais qu'elle n'avait donné ce prieuré qu'aux seuls moines de Marmoutiers. On ne pouvait exiger un meilleur témoignage que cette déclaration si nette et si ferme de la donatrice elle-même ; toutefois, les juges, pour ôter tout prétexte de plainte aux moines de Redon, demandèrent que la dame de Châteaubriant vînt à Nantes affirmer par serment sa déclaration ; ils allèrent même plus loin, et, se conformant aux lois encore barbares de cette époque, ils voulurent que, si l'abbé de Redon présentait des témoins sérieux de ce qu'il avançait, Innogwen prouvât son assertion par l'épreuve terrible du fer chaud. Au jour fixé, la dame de Châteaubriant vint courageusement à Nantes, et y trouva une nombreuse assemblée où siéraient Quiriac, évêque de Nantes, Renaud, évêque de Saint-Malo, et l'abbé de Saint-Gildas. La noble veuve renouvela sa déclaration, prêta serment, et offrit de marcher pieds nus sur un fer brûlant ; mais les juges refusèrent de lui faire subir cette épreuve, car non seulement l'abbé de Redon ne présenta aucun témoin, mais personne n'osa même attaquer le jugement de Quiriac, qui déclara solennellement l'église et le prieuré de Saint-Sauveur de Béré propriété de l'abbaye de Marmoutiers (9).

Telle fut la première phase du long procès entre Tours et Redon au sujet de Béré ; j 'abrégerai désormais la relation de cette pénible affaire, qui ne se termina que cinquante ans plus tard ; nous sommes trop éloignés de ces temps difficiles pour pouvoir apprécier avec équité et justesse la conduite des hommes de cette époque.

Geoffroy Ier, seigneur de Châteaubriant, fut surnommé le Vieux, ou en breton Goscho (coz-Godred) (10). Il eut deux fils : Geoffroy, qui mourut vraisemblablement avant son père, et Brient, qui lui succéda. Geoffroy Ier se distingua par sa piété et par son courage ; il augmenta la fondation des moines de Béré, et favorisa l'établissement des moines de Redon dans sa terre de Juigné (11).







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